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Recherche en biologie

Un tout nouveau mécanisme de régulation génétique mis au jour par l’UdeS

Maxime Simoneau-Roy, Marie-Pier Caron, Laurène Bastet, Antony Lussier ainsi que les professeurs Daniel Lafontaine et Éric Massé.

Maxime Simoneau-Roy, Marie-Pier Caron, Laurène Bastet, Antony Lussier ainsi que les professeurs Daniel Lafontaine et Éric Massé.


Photo : Michel Caron

Les bactéries se trouvent partout dans notre environnement, mais leur fonctionnement n’est pas totalement compris par les chercheurs. C’est pourquoi il existe encore beaucoup d’infections et pas assez d’antibiotiques. Or, un tout nouveau mécanisme de régulation génétique des bactéries vient d’être découvert par une équipe interfacultaire de l’Université de Sherbrooke. Essentiellement, les chercheurs ont montré qu’une protéine cellulaire, appelée RNase E, peut contribuer à neutraliser un ARN – une molécule nécessaire à la production de protéines dans l’organisme. Ultimement, ce mécanisme pourrait être utilisé pour freiner la production de bactéries causant des infections. Cette découverte ouvre la voie à la conception éventuelle d’antibiotiques novateurs.

L’équipe de recherche est composée des professeurs Daniel Lafontaine, de la Faculté des sciences, et Éric Massé, de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, tous deux chercheurs au Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel du CHUS, ainsi que des étudiants aux cycles supérieurs Marie-Pier Caron, Laurène Bastet, Antony Lussier et Maxime Simoneau-Roy. Leur étude vient d'être publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Elle a également été soulignée dans le prestigieux journal Nature Reviews Microbiology.

Stopper la chaîne de montage

Toutes les bactéries comportent des molécules d’ADN, d’ARN et de protéines. L’ADN représente le génome, soit l’ensemble du matériel génétique. Les protéines sont essentielles à la vie de la cellule en y jouant un rôle métabolique ou structural. Toutes les informations inscrites dans le génome utilisent l’ARN pour se propager. Ce dernier agit donc comme un messager. En d’autres termes, à l’image d’une chaîne de montage, l’ADN transcrit son code dans l’ARN, qui lui permet la fabrication de protéines, qui elles accomplissent les fonctions cellulaires.

«La production de certaines protéines est contrôlée par des éléments spécifiques localisés dans l’ARN et nommés riborégulateurs, explique le biologiste Daniel Lafontaine. Comme un thermostat qui gère la température de nos maisons selon les besoins, les riborégulateurs assurent l’augmentation ou la diminution de la quantité de protéines, selon les besoins de la cellule.»

Le fonctionnement des riborégulateurs semblait, à ce jour, bien connu dans le domaine de la biologie moléculaire et cellulaire. Pourtant, l’équipe de l’UdeS vient de découvrir un tout nouveau mécanisme de régulation encore jamais envisagé.

«En plus de voir les riborégulateurs contrôler la chaîne de montage, il apparaît qu’ils se font couper en deux par une protéine de la cellule, appelée RNase E, dit le professeur Lafontaine. Celle-ci est essentielle à la survie bactérienne. Sans contredit, on lui trouve ainsi un nouveau rôle.»

En effet, si l’ARN est ainsi sectionné, il devient impossible pour la chaîne de recommencer son processus. De fait, le messager se voit par conséquent démis de ses fonctions. Il s’agit donc d’un moyen définitif et très efficace d'arrêter l’expression de protéines qui sont liées aux infections bactériennes.

Dérégler la production de protéines liées aux bactéries

«Puisque d’autres ARN sont coupés par la RNase E dans la cellule, nous nous attendions à trouver un tel mécanisme pour les riborégulateurs, souligne le biochimiste Éric Massé. Au début, nous ne savions pas si nous allions dans la bonne direction, mais nous avons profité d’un heureux hasard. À la suite de cette découverte, nos étudiants ont travaillé d’arrache-pied pour décortiquer le mécanisme.»

Cette découverte ouvre des perspectives modernes pour le développement de nouveaux antibiotiques qui ciblent les mécanismes de régulation des riborégulateurs.

«Avec la découverte de ce nouveau mécanisme extrêmement efficace impliquant la RNase E, de nouveaux composés antibiotiques pourraient voir le jour avec l’intention de cibler la RNase E et ainsi de dérégler la production de protéines essentielles à la survie de la bactérie pathogène», conclut le chercheur.

Comme il s’agit d’une première dans le domaine, les chercheurs tâchent maintenant de confirmer si ce mécanisme est répandu à travers les différentes espèces bactériennes. À terme, ils arriveront à mieux comprendre le phénomène de résistance aux antibiotiques et à obtenir un meilleur contrôle des composés.


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