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Les 10 découvertes de l'année selon Québec Science

La nouvelle génération d'antibiotiques de l'Université de Sherbrooke

Jérôme Mulhbacher, François Malouin et Daniel Lafontaine.
Jérôme Mulhbacher, François Malouin et Daniel Lafontaine.
Photo : Michel Caron

Les travaux d'une équipe multidisciplinaire de l'Université de Sherbrooke figurent parmi les 10 découvertes de l'année du magazine Québec Science, en kiosque dès aujourd'hui.

L'équipe a découvert une nouvelle classe d'antibiotiques : l'antibiotique à base de ligand PC1. Ces résultats ouvrent une nouvelle voie de lutte contre des bactéries de plus en plus résistantes aux traitements conventionnels. Ils ont été publiés en avril dans la revue PLoS Pathogens, par les professeurs Daniel Lafontaine, François Malouin et Louis-Charles Fortier ainsi que leur collaborateurs Jérôme Mulhbacher, Éric Brouillette et Marianne Allard.

L'étude de la mammite bovine à l'origine de cette découverte

Cette nouvelle classe d'antibiotiques pourrait un jour contribuer à lutter contre certaines infections nosocomiales qui ont touché les hôpitaux ou encore la mammite bovine – la maladie la plus fréquente et la plus coûteuse pour l'industrie laitière canadienne.

«D'ailleurs c'est l'étude exhaustive des gènes exprimés par S. aureus durant la mammite bovine qui nous a permis d'identifier pour la première fois une série de gènes importants pour la virulence de cette bactérie», témoigne le professeur Malouin.

Dans Québec Science, François Malouin insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'un nouvel antibiotique parmi d'autres, mais bien d'une nouvelle classe d'antibiotiques, ce qui est très rare. «Une seule nouvelle classe d'antibiotiques a été approuvée pour utilisation chez l'humain depuis 1985», précise le microbiologiste.

Les antibiotiques sont issus de quelques classes de produits depuis une trentaine d'années, indique Daniel Lafontaine. «C'est ce qui explique pourquoi les bactéries ont développé des résistances. Sur le plan de la recherche fondamentale, notre découverte ouvre la voie à une nouvelle génération d'antibiotiques. Les bactéries n'avaient encore jamais été exposées à ce nouvel antibiotique et ne développent pas de résistances jusqu'à présent», ajoute-t-il.

«Dans un contexte hors de l'infection, nous avons montré qu'il n'y avait pas de développement de résistance après 30 passages de la bactérie en présence du nouvel antibiotique alors que la ciprofloxacine et la rifampicine (antibiotiques traditionnels ciblant des protéines essentielles en tout temps) exercent une pression sélective telle que des mutations chez la bactérie permettent le développement de résistance après environ cinq passages!» précise François Malouin.

Le domaine des antibiotiques conventionnels repose sur quelques produits clés, comme la pénicilline, qui sont dérivés les uns des autres pour contrer l'adaptation constante des bactéries.

Cibler pour la première fois un riborégulateur

Cette nouvelle classe d'antibiotiques est composée d'une molécule synthétique qui se fixe spécifiquement sur une zone essentielle à la survie de la bactérie, appelée riboswitch, empêchant ainsi sa prolifération. Depuis la découverte des riboswitchs en 2002, les scientifiques cherchent à développer un antibiotique qui agit sur ces zones vitales, sans succès.

«Notre expertise dans l'étude tridimensionnelle des riboswitchs nous a permis de comprendre que la résistance fonctionne uniquement lorsque le riboswitch visé est devant un gène particulier appelé guaA, explique Daniel Lafontaine. Nous touchons une voie de base de sa régulation.»

Seules certaines bactéries pathogènes ont l'expression du gène guaA contrôlée par le riboswitch. «Ceci n'est pas banal, explique le professeur Malouin, car cela représente le premier exemple d'un antibiotique qui cible la virulence d'une bactérie et non seulement sa viabilité en général.»

Pour étendre le spectre des bactéries touchées, les biologistes cherchent maintenant d'autres riboswitchs qui régulent d'autres gènes essentiels. «L'avenir est dans le design de ligands spécifiques pour bloquer l'action des riboswitchs», conclut le professeur Lafontaine.


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