Le financement des partis politiques par les compagnies : un remède trompeur!
Depuis quelques années, certains intervenants de la scène judiciaire et politique ont proposé de modifier la loi québécoise sur le financement des partis politiques, en vue de permettre les contributions par les compagnies. Pour y voir plus clair et obtenir en quelque sorte l’opinion du public, le directeur général des élections a demandé la formation d’un jury citoyen de 12 personnes.
Le 16 janvier dernier, j’ai donc été invité à titre d’experts pour « plaider » et « être interrogé » par le jury en question.Vous trouverez ici certains points de mon argumentaire, dont plusieurs ont été repris par le jury dans son verdict rendu public le 1er février.
Qu’est-ce que le jury citoyen?
L’objectif du jury citoyen consiste à faire participer des citoyens non experts au débat politique et à la réflexion sur le système, dont cette fois, le financement des partis. Pour former ce jury, un appel de candidatures a été lancé en novembre 2009 auprès de 3400 citoyens inscrits sur la liste électorale du Québec et sélectionnés au hasard, ce qui a permis de recueillir 53 candidatures volontaires, dont les 12 jurés. Les membres du jury écoutent ensuite les témoignages d’experts, comme le professeur Jean-Herman Guay, afin d’obtenir des éléments d’information utiles pour rendre un verdict éclairé au directeur général des élections et que celui-ci
Une évidence : les compagnies sont là pour faire de l’argent
Essentiellement, les compagnies existent dans le but de faire des profits et de satisfaire leurs actionnaires. Leurs contributions aux partis politiques sont alors généralement associées à deux dangers.
Premièrement, nous pouvons facilement croire qu’en finançant les partis, les entreprises orientent les décisions politiques. Ce premier type de bénéfice me semble plutôt théorique, puisqu’à mes yeux, il n’y a pas de doute que l’influence que les entreprises obtiennent en finançant les partis est réduite, voire insignifiante. Leur influence réelle et actuelle découle essentiellement de leur place dans l’activité économique, dans un secteur déterminé, ou encore dans une région particulière. Le poids marginal d’une contribution de 15 000 $ me semble donc peu conséquent.
Le deuxième gain possible est beaucoup plus net et surtout palpable, voire monnayable. L’État est acheteur de biens et de services, à la limite le plus gros client qui soit; or, les entreprises vendent des biens et des services, et c’est précisément là qu’un financement peut avoir un impact. L’essentiel des cas cités, au niveau municipal et au niveau provincial, comme dans le scandale des commandites par exemple, se situe davantage sur le terrain de l’attribution des contrats, au niveau micro. En finançant un parti ou un candidat, l’entreprise chercherait alors à obtenir un avantage pour l’obtention de contrats en matière de construction, de publicités ou d’achat d’équipements. C’est évidemment les périls associés à ce deuxième type de gain qui m’amènent à réaffirmer mon opposition au financement par les compagnies.
Que des entreprises puissent donner directement aux partis politiques est selon moi inadéquat. Qu’elles puissent donner par l’intermédiaire d’un fond universel pour la démocratie est également irréaliste et angélique. Pour encadrer les pratiques actuelles, il convient d’ailleurs – comme il est proposé dans le projet de loi – d’augmenter les sanctions ou de mieux indiquer à l’électeur contributeur qu’en donnant de l’argent qui ne proviendrait pas de son patrimoine propre, il contrevient ainsi à la loi, à sa lettre et à son esprit.