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La démocratie en Amérique latine

En 2009, peut-on considérer la démocratie comme étant acquise?

Le coup d’État du 28 juin 2009 au Honduras a remis sous les feux de l’actualité la démocratie en Amérique latine, un thème quelque peu oublié ces dernières années. Plusieurs personnes considéraient la démocratie comme étant un fait accompli et définitif dans cette région du monde. En effet, depuis 2002 au Venezuela, aucun coup d’État n’avait touché le continent et les efforts considérables envers la démocratie étaient devenus choses acquises. Cette consolidation de la démocratie a été possible à la faveur d’une mouvance démocratique fort prometteuse depuis 1992. Le respect de l’ordre constitutionnel, inscrit dans la Charte démocratique interaméricaine de 2001, a constitué la pierre d’assise de ces efforts. Le coup d’État au Honduras et la crise qui a suivi préfigurent-ils un réveil brutal des vieux démons politiques qui hantent encore le rêve latino-américain?

Pourtant, avant juin 2009, la démocratie semblait bien en selle. Par exemple, le 25 janvier de la même année, l’ensemble des citoyens boliviens était convié à un référendum sur une importante réforme constitutionnelle. Celle-ci portait principalement sur l’inclusion des peuples indigènes dans le système politique et la place prépondérante de l’État dans l’économie nationale. Le référendum a été remporté à 61,49% par les partisans de cette réforme constitutionnelle prônée par Evo Morales, premier président autochtone de la Bolivie.

Cette situation est loin d’être isolée en Amérique latine. En fait, ce mouvement indigéniste et socialiste est porté par un mouvement régional plus vaste que l’on a appelé le virage à gauche de l’Amérique latine. Un virage doucement négocié par la gauche modérée au Chili et au Brésil, par exemple, mais un virage un peu plus brusque avec la gauche radicale comme au Venezuela, en Équateur ou en Bolivie.

Ce virage démontre que depuis une dizaine d’années, la consolidation des régimes démocratiques en Amérique latine se poursuit avec assurance. L’inclusion de tous dans la citoyenneté, la participation grandissante aux scrutins, la transformation des anciens groupes de guérilla révolutionnaire en véritables partis politiques démocratiques (le plus récent étant le Front Farabundo Martì de libération nationale (FMLN) au El Salvador), l’alternance droite-gauche aux différents niveaux de gouvernements pour ne nommer que les exemples les plus importants. Malgré ces éléments positifs, plusieurs écueils sont devant la consolidation de la démocratie.

Démocratie et prospérité économique

Premièrement, le lien entre la démocratie et la prospérité économique demeure quand même assez faible pour bon nombre de Latino-Américains après une vingtaine d’années de démocratie. En général, la situation socio-économique en Amérique latine s’est améliorée. Sans contredit, de la richesse a été créée. Pourtant, de vastes secteurs de la région subissent toujours les affres de la pauvreté. Certes, de la richesse a été créée, mais elle a surtout été mal redistribuée.

Enclaves et divisions

Deuxièmement, l’État de droit demeure encore un objectif à atteindre pour plusieurs pays latino-américains. En effet, des enclaves autoritaires, territoriales ou juridiques, existent encore et minent les efforts des démocrates. De plus, les Boliviens le vivent clairement ces derniers temps, l’exercice de la démocratie crée forcément des perdants et des divisions. Ainsi, les menaces à la stabilité des États générées ou cristallisées par les consultations référendaires ou les élections recèlent des incertitudes que vivent rarement les vieilles démocraties. L’acceptation des résultats électoraux et référendaires par tous les acteurs politiques reste encore à consolider dans plusieurs pays.

Criminalité, pauvreté et éducation

Enfin, sans vouloir peindre un portrait trop sombre de la réalité, d’autres défis de taille menacent les acquis de la démocratie. Il y a tout d’abord la criminalité transnationale (le trafic de stupéfiants par exemple) et ses acteurs (les cartels ou les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC-EP)). Ce type de criminalité est une menace directe à la sécurité de la population et à l’intégrité de l’État. Il y a ensuite l’ensemble des problèmes de pauvreté, d’inégalités socio-économiques, d’éducation, de nutrition et d’accès aux soins de santé qui menacent à long terme les acquis démocratiques. Enfin, la dernière menace, beaucoup plus imprévisible, concerne les désastres naturels et les catastrophes environnementales qui frappent malheureusement régulièrement la région.

Défi de taille pour Obama

Le président Obama, parmi les nombreux dossiers qu’il doit traiter, subit des pressions de la part des dirigeants latino-américains pour lever l’embargo sur Cuba et pour renouveler la politique étrangère américaine envers la région. Même si après huit ans d’administration Bush, les pays de la région ont conquis une grande part d’autonomie dans les affaires régionales et internationales et ont solidifié l’avenir de la démocratie, la présidence du « frère noir », pour reprendre les mots d’Evo Morales, suscite espoir et optimisme partout dans la région. La crise au Honduras constitue donc un test pour cet espoir et cet optimisme.