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Jour de la Terre

Contaminer des plantes pour verdir tout un système

La professeure Esma Ines Achouri dirige depuis 2021 la Chaire de recherche du Canada en intensification des procédés pour catalyseurs avancés et énergie durable.
La professeure Esma Ines Achouri dirige depuis 2021 la Chaire de recherche du Canada en intensification des procédés pour catalyseurs avancés et énergie durable.
Photo : UdeS - Michel Caron

Les catalyseurs sont aux procédés chimiques ce que le bicarbonate de soude est au vinaigre : ils accélèrent drôlement une réaction! La catalyse est à la base de plusieurs procédés de chimie industrielle, et la recherche qui y est associée est au cœur du développement durable. Par son rôle de chef d’orchestre de la réaction chimique, elle peut en effet avoir plusieurs impacts verts importants, par exemple sur la quantité de matière première utilisée, sur la quantité de déchets produits ainsi que sur les quantités d’énergie et d’eau utilisées lors des réactions.

La professeure Esma Ines Achouri dirige depuis 2021 la Chaire de recherche du Canada en intensification des procédés pour catalyseurs avancés et énergie durable. Deux objectifs principaux teinteront ses activités de recherche au cours des cinq prochaines années : développer des catalyseurs plus verts et innovants et élaborer de nouvelles techniques utilisant des énergies renouvelables pour la production de vecteurs énergétiques et de carburants synthétiques durables.

Essayer de capter les gaz à effet de serre (GES) pour les convertir en produits à valeur ajoutée n’est pas nouveau dans l’univers de la recherche en génie chimique. Cependant, on n’arrive pas à mettre en place des technologies qui soient à la fois efficaces en matière d’utilisation d’énergie et aussi performantes que l’on aimerait. Grâce aux travaux de recherche de la Chaire, on aimerait réussir à convertir les GES en produits écologiques, en utilisant le moins d’énergie possible, et que celle qui est utilisée soit le plus durable possible. On veut évidemment conserver minimalement le même rendement et la même qualité, mais si on pouvait les surpasser, ce serait encore mieux!

Professeure Esma Ines Achouri

Exploiter des terres contaminées pour produire des biocarburants

Une des façons ciblées pour arriver à bonifier les procédés catalytiques consiste à développer des catalyseurs de nouvelle génération à partir de déchets, de biomasse et de matériaux de source durable. On lit souvent que « les déchets ne sont que des matières mal utilisées » : le potentiel des ressources renouvelables en énergie teinte en effet les activités de plusieurs laboratoires de recherche.

Un projet plus qu’intéressant, à double réaction chimique, s’est rapidement imposé comme exemple parfait pour illustrer comment on pourrait révolutionner le monde des biocarburants. Imaginez : on plante certains types de plantes (miscanthus, panic érigé, sorgho) dans des sols contaminés par, par exemple, du méthane et du CO2, pour que ces plantes se gorgent de contaminants nocifs. En décomposant par la suite par pyrolyse ces plantes sacrifices imprégnées de métaux lourds, on obtient à la fois un mélange de gaz ainsi qu’un résidu appelé « char », composé principalement de carbone.

La pyrolyse consiste à décomposer des matériaux organiques dans un environnement sans oxygène et à très haute température, permettant ainsi de transformer n’importe quelle biomasse en produits renouvelables.

La Pre Achouri avec des exemples de catalyseurs
La Pre Achouri avec des exemples de catalyseurs
Photo : UdeS - Michel Caron

Mais ce solide obtenu de la pyrogazéification de ces plantes revendique haut et fort son utilité et ne veut pas en rester au statut de résidu : en lui ajoutant des fonctions actives et en adaptant la recette pour créer un nouveau produit, on veut le transformer en catalyseurs plus verts, moins onéreux et plus écoénergétiques. Puis ces nouveaux catalyseurs multifonctionnels pourraient alors participer à la fois à la transformation du mélange de gaz préalablement obtenu en gaz de synthèse (H+CO) ainsi qu'à la transformation de ces gaz de synthèse en carburants synthétiques liquides pour remplacer les carburants fossiles.

Et c’est sans parler de la décontamination des sols par ces plantes, qui résulte de ce transfert de contamination. Exemple parfait d’économie circulaire.

Ce projet de gazéification de végétaux contaminés par des métaux lourds – végétaux non concurrents des usages alimentaires - pour produire un mélange gazeux qui sera ensuite utilisé pour produire des carburants synthétiques est un projet international dans lequel je suis impliquée avec le professeur Nicolas Abatzoglou, directeur du Groupe de recherche sur les technologies et les procédés. Le projet est financé par le programme européen Horizon 2020,  le fonds Nouvelles frontières du CRSNG et un programme complémentaire du FRQNT

Professeure Esma Ines Achouri

Transformer le CO2 en produits valorisables

La transformation du CO2 en produits valorisables est une des solutions prisées pour contrer le réchauffement climatique. La professeure explique deux projets ayant justement pour base le CO2 et sur lesquels elle et son équipe se penchent pour produire des vecteurs énergétiques et des carburants synthétiques durables.

« Deux réactions chimiques bien orchestrées pourraient effectivement nous permettre de produire des gaz de synthèse, dont l’hydrogène, explique-t-elle. La première consiste en l’hydrogénation du C02 : en combinant le CO2 à l’hydrogène puis en les soumettant à un effet catalytique optimal, on pourrait obtenir des carburants synthétiques. La deuxième réaction quant à elle consiste à faire le reformage à sec du méthane : si on fait réagir ensemble deux des gaz à effet de serre les plus répandus - le méthane et le CO2 - avec des techniques à très haute efficacité énergétique – à faible température, avec un catalyseur sous plasma non thermique –, on pourrait réussir à réduire les émissions de GES et obtenir des carburants durables qui remplaceront le pétrole actuel. »

L’hydrogène est un vecteur d’énergie propre. Il est une solution énergétique à haut potentiel qui possède de nombreux avantages, que ce soit par son faible impact environnemental ou son aspect durable.

Diminuer l’empreinte carbonique dans l’industrie pharmaceutique

L’industrie pharmaceutique est un bon exemple de secteur d’activité où l’utilisation d’énergies renouvelables serait significative. Des données de 2019 suggèrent que l'industrie pharmaceutique émet plus de gaz à effet de serre que l'industrie automobile.

Est-ce que le fait d’avoir un rôle à jouer dans la santé des gens donne un laissez-passer pour continuer d'émettre des GES à un tel niveau? L'industrie pharmaceutique demeure conservatrice, et on comprend que les exigences y sont plutôt élevées et pourquoi elle est réticente à changer toute une ligne de production.Un des facteurs qui pourrait permettre à cette industrie d'afficher un meilleur rendement énergétique serait de repenser le procédé dans son ensemble.

On voudrait diminuer l’empreinte carbonique dans l’industrie pharmaceutique en remplaçant les procédés traditionnels très énergivores par des procédés hybrides mais avec une efficacité et un rendement similaires. Pour rendre plus efficaces les procédés pharmaceutiques, il faudrait notamment transformer les façons de faire qui sont principalement en "batch" ou en lots et en faire un système continu. De cette façon, on diminue les arrêts, on diminue la demande d’énergie exigée lors de la reprise après les arrêts et on réduit le gaspillage et la contamination en diminuant le transport des matériaux.

Cette chaire contribue aux initiatives canadiennes et mondiales de transition énergétique en fournissant des approches innovantes et facilement adaptables, pour convertir efficacement les GES en produit chimiques plus sûrs et plus écologiques.


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