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Études des mouflons d’Amérique

Les mâles accélèrent le vieillissement de leur mère

Une femelle avec son agneau.
Une femelle avec son agneau.
Photo : Fanie Pelletier

On entend souvent les mères raconter que leurs premières rides ou leurs premiers cheveux blancs sont apparus après avoir eu un enfant. Qu’on se le dise : enfanter, c’est exigeant! Mais le sexe de la progéniture importe-t-il? Chez le mouflon d’Amérique, le vieillissement des mères dépend à la fois du nombre et du sexe des agneaux qu’elles ont élevés dans les premières années de leur vie, selon une étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Sherbrooke publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA.

Qui se reproduit intensément vieillit rapidement

Avec l’âge, les fonctions physiologiques d’un organisme se détériorent, ce qui s’accompagne d’une augmentation de la probabilité de décès (sénescence actuarielle) et d’une diminution de leurs capacités reproductrices (sénescence reproductive).

Mathieu Douhard, chercheur post-doctoral, à Ram Mountain, en Alberta.
Mathieu Douhard, chercheur post-doctoral, à Ram Mountain, en Alberta.
Photo : fournie par Mathieu Dhouard

Chez certaines espèces, la reproduction et l’élevage des jeunes accaparent une grande partie des ressources dont dispose une mère : à chaque reproduction, c’est un peu comme si elles y laissaient une petite partie d’elles-mêmes. Une hypothèse scientifique indique que de nombreuses reproductions en début de vie pourraient accélérer la sénescence reproductive. Pour les mouflons, l’étude réalisée par Mathieu Douhard, la professeure Fanie Pelletier (tous deux membres du Centre de recherche sur le vieillissement) et le professeur Marco Festa-Bianchet appuie cette hypothèse. Basée sur un suivi de centaines d’individus marqués sur plus de 45 ans, elle démontre que la fécondité des mères et les chances de survie de leurs agneaux déclinent plus rapidement avec l’âge pour celles ayant élevé beaucoup de petits entre l’âge de 2 et 7 ans.

Le prix des mâles

Non seulement les femelles très productives en jeune âge vieillissent plus vite, mais le phénomène s’accélère si elles ont élevé plus de mâles que de femelles. Chez la plupart des mammifères, y compris le mouflon, les jeunes mâles sont plus gros que les jeunes femelles et, par conséquent, sont plus exigeants à produire et à élever pour une mère. Considérant que seuls les mâles les plus gros deviennent dominants et monopolisent une grande part de la reproduction, les mères auraient avantage à allouer plus d’énergie à leurs fils qu’à leurs filles. Or, les jeunes mères paieraient cher cette plus grande production de fils énergivores. Le prix à payer? Alors que les mères avancent en âge, les agneaux qu’elles produisent ont moins de chances de survivre à leur premier hiver.

Mais qu’est-ce qui expliquerait que les femelles vieillissantes ont des agneaux qui survivent moins bien à l’hiver? Selon les chercheurs, répondre à cette question constitue la prochaine étape déterminante de leurs recherches.  Une partie de la réponse résiderait dans une diminution de la qualité et/ou de la quantité de lait avec l’âge, qui nuirait au développement des agneaux. Répondre à cette question permettrait de mieux comprendre les mécanismes menant au vieillissement chez le mouflon, comme chez plusieurs autres mammifères. Les sacrifices d’une mère pour ses rejetons, conscients ou non, font partie de la vie, peu importe l’espèce!


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