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Reproduction et vieillissement

Préférences sexuelles des hommes : cause de la ménopause?

Le biologiste Alan Cohen, spécialiste du vieillissement
Le biologiste Alan Cohen, spécialiste du vieillissement
Photo : Robert Dumont

C’est un fait observable : les hommes matures préfèrent les femmes plus jeunes. Est-ce une conséquence de l’évolution de notre espèce? Non, répond candidement le biologiste Alan Cohen, spécialiste du vieillissement. C’est une particularité unique à l’Homo sapiens, et nos ancêtres n’ont rien à voir là-dedans!

Les hommes préfèrent les femmes plus jeunes

Ce n’est pas une croyance populaire. Aux quatre coins du globe, les hommes matures préfèrent bel et bien les femmes plus jeunes. Certaines données indiquent, par exemple, que les hommes de 42 ans sont bien disposés à courtiser des femmes 15 ans plus jeunes qu’eux. Devant les femmes âgées de 3 ou 4 années de plus, cependant, ils se montrent généralement tièdes, voire indifférents.

Or, dans une étude publiée en août 2013 dans le journal PLoS Computational Biology, une équipe de biologistes de l’Université McMaster suggère que l’attirance des hommes pour les femmes plus jeunes aurait entraîné, au fil de l’évolution, une perte de fertilité chez la femme vieillissante. Le modèle mathématique proposé par Richard Morton, Jonathan Stone et Rama Singh implique en effet que très tôt dans l’histoire de l’humanité, les femmes étaient fertiles toute leur vie, jusqu’à 70 ou même 80 ans.

Marc Huot, conseiller en mesures d'urgence et continuité des activités, et sa conjointe Martine Goyette, commis au Bureau de la registraire, ont 13 ans d'écart d'âge.
Marc Huot, conseiller en mesures d'urgence et continuité des activités, et sa conjointe Martine Goyette, commis au Bureau de la registraire, ont 13 ans d'écart d'âge.
Photo : Michel Caron

Ainsi – et toujours selon Morton et coll. – les hommes auraient développé un intérêt pour l’accouplement avec des femmes plus jeunes, délaissant leurs partenaires d’âge apparenté au leur. Millénaire après millénaire, des mutations génétiques délétères se seraient alors additionnées dans le corps des femmes, activant la perte de leur fertilité. Les femmes auraient atteint la ménopause dans la quarantaine.

Ménopause : les mâles n'ont rien à voir

Biologiste et statisticien spécialiste du vieillissement, Alan Cohen s’insurge contre une telle proposition. «Ce serait surprenant que les hommes soient la cause de la ménopause!» s’exclame en riant le professeur au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence. «La ménopause est un phénomène très complexe, et je doute fortement que les préférences sexuelles des hommes y soient pour quelque chose.»

Avec son collègue Daniel Levitis, de l’Université du Danemark du Sud, Alan Cohen a manifesté son désaccord à l’équipe de l’Université McMaster dans un texte d’opinion publié en septembre 2013 dans The Scientist. «Nous avons réorienté le débat et fourni des éléments afin d’apporter des nuances sur cette position plutôt discutable», dit-il.

Le chercheur fait valoir que cette préférence pour les femelles plus jeunes est un trait bien spécifique à l’espèce humaine. «Aucune autre espèce de mammifère connue n’a ce comportement», soutient celui qui attribue plutôt cette particularité humaine masculine à des raisons sociales. Ses recherches personnelles démontrent par ailleurs que, chez nos cousins les grands singes, les mâles vieillissants demeurent avec leur compagne habituelle. «Les primates mâles préfèrent les femelles plus expérimentées», ajoute Alan Cohen, également chercheur du Centre de recherche Étienne-Le Bel du CHUS et au Centre de recherche sur le vieillissement.

La perte de fertilité : l’âge et le sexe

Qui plus est, plusieurs autres espèces de mammifères perdent leur fertilité avec l’âge, ce que négligent Morton et ses collaborateurs. Sur cet aspect, les singes sont encore une référence précieuse : plusieurs espèces de primates expérimentent aussi la ménopause, même si leur espérance de vie est ensuite limitée.

Autre fait biologique non négligeable : les hommes subissent eux aussi une perte de fertilité. «Cette baisse est beaucoup moins rapide que celle des femmes, souligne Alan Cohen. On parle plutôt d’une perte lente et stable dans le temps. Mais les hommes connaissent bel et bien une baisse!»

Alan Cohen affirme que la grande responsable de la ménopause est la physiologie particulière du système reproducteur des femelles mammifères. La perte des œufs débute avant même la naissance et se poursuit de façon exponentielle au cours des années. La ménopause se produit lorsque le nombre d’œufs en réserve dans les ovaires devient trop faible. Il est donc tout naturel que la perte de fertilité des femmes se déroule plus rapidement que le vieillissement de leur corps.

Alors, les hommes et les femmes sont-ils égaux face à la séduction? «La plupart des femmes ménopausées ont une vie de couple et une vie sexuelle bien active avec leurs conjoints», répond Alan Cohen, sourire aux lèvres.

Les travaux d’Alan Cohen sur le vieillissement

Alan Cohen s’intéresse au développement et à l’application de nouvelles méthodes statistiques. Il s’affaire à mieux répondre aux problèmes liés à la santé des populations et aux questions biologiques fondamentales, plus particulièrement celles liées au vieillissement. Il espère générer une méthode pour quantifier l’âge biologique (le rapport entre le vieillissement du corps et sa condition de vie), qui pourrait être appliquée en clinique. Ces travaux permettront aussi de comprendre comment les facteurs sociaux et économiques accélèrent le vieillissement et les maladies chroniques dans les populations défavorisées. Alan Cohen collabore largement à d’autres études qui utilisent les méthodes statistiques pour comprendre la santé des populations, à l’aide de biomarqueurs.


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