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Haïti, au-delà du séisme

Le professeur Jean-Pierre Le Glaunec a rappelé l’incroyable parcours d’Haïti pour gagner son indépendance en 1804.
Le professeur Jean-Pierre Le Glaunec a rappelé l’incroyable parcours d’Haïti pour gagner son indépendance en 1804.
Photo : Michel Caron

«La France préfère parler du tremblement de 2010 plutôt que de celui qui a donné naissance à Haïti» : d’entrée de jeu, le professeur Jean-Pierre Le Glaunec tient la France responsable de ce grand silence autour de l’histoire haïtienne.

«Le tremblement de terre est un événement qui focalise l’attention, mais il est important de le mettre en perspective avec d’autres moments de l’histoire d’Haïti : notamment rappeler l’incroyable parcours d’Haïti contre la France pour gagner son indépendance en 1804», souligne ce spécialiste de l’histoire d’Haïti et professeur à l’UdeS. Celui-ci a organisé cette semaine une table ronde sur la Perle des Antilles pour en discuter avec des qualificatifs positifs et ainsi «contrebalancer l’emprise de cet événement monstre».

Plusieurs raisons expliquent cette «absence» historique. Outre le fait que peu de Français ont été témoins de la bataille de Vertières – menant à la victoire haïtienne – les auteurs semblent avoir «omis» l’événement de leur ligne du temps. D’ailleurs, nulle part dans le Robert des noms propres fait-on mention de cet affrontement d’une grande importance historique, fait remarquer Jean-Pierre Le Glaunec.

«La France préfère parler du tremblement de 2010 plutôt que de celui qui a donné naissance à Haïti.»
 – Jean-Pierre Le Glaunec

Les rares à en avoir parlé préfèrent invoquer des raisons comme la fatigue et la famine pour expliquer la défaite française. «Il aurait été inconcevable pour eux de reconnaître la supériorité d’anciens esclaves, impossible d’imaginer des soldats indigènes braves», explique le professeur Le Glaunec.

Le Québec façonné par Haïti

Sean Mills, professeur d'histoire à l’Université de Toronto, souligne l’apport important des Haïtiens au Québec. «La province a été en partie façonnée par les relations avec les pays du Sud, dont Haïti», indique-t-il.

Après la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de missionnaires canadiens français ont séjourné en Haïti pour y apporter «le français et le catholicisme». Paradoxalement, leur intervention découlait de l’idée que «les deux châteaux forts du fait français en Amérique devaient s’associer». Quelques années plus tard, hommes d’affaires, travailleurs humanitaires et touristes québécois ont emboîté le pas aux missionnaires, toujours en tenant ce «double discours», selon Sean Mills.

Puis, avec le régime de Duvalier, le flux migratoire s’est inversé. Le Québec a accueilli des milliers d’Haïtiens depuis les années 60. Leurs interventions ont influencé plusieurs des grands débats sociaux au Québec : relations Nord-Sud, Révolution tranquille et immigration, racisme dans la vie quotidienne, race et sexualité. «Nous devons changer notre perspective sur Haïti. Beaucoup d’Haïtiens ont façonné la sphère publique québécoise, mais aucun Québécois n’a fait de même en Haïti… alors qui occupe qui?» lance l’historien.

Par ailleurs, Frantz Voltaire, directeur du Centre international de documentation et d'information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne, et Étienne Doyon, agent de projets et de stages au Carrefour de solidarité internationale, ont aussi pris part à cette table ronde pour présenter leur organisme respectif.