Aller au contenu

Villes amies des aînés

Des innovations sociales au service de toute la communauté

Suzanne Garon, professeure à l'École de travail social de l'Université de Sherbrooke
Suzanne Garon, professeure à l'École de travail social de l'Université de Sherbrooke

Photo : Fournie

Les villes du Québec sont directement concernées par les impacts du vieillissement de la population et cette réalité les oblige à repenser leurs politiques, leurs services et leurs infrastructures. Cette situation n’est pas différente dans la plupart des régions du monde et c’est pourquoi, sous la gouverne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est né le projet Villes amies des aînés en 2007.

Au Québec, plus de 600 municipalités et MRC participent maintenant à ce projet. Au cœur de cette démarche, on retrouve l’équipe du Centre de recherche sur le vieillissement (CDRV) du Centre de santé et des services sociaux – Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke, qui a su accompagner activement, depuis le début, l’implantation de ce projet partout sur le territoire. Aujourd’hui, l’OMS considère que le Québec est la société la plus avancée au monde dans l’application de l’approche ami des aînés. Cette affirmation est confirmée par l’influence du plan d’action québécois dans plusieurs villes autour du globe.

Guide d'accompagnement pour la réalisation de la démarche Municipalité amie des aînés - Édition 2013-2014
Guide d'accompagnement pour la réalisation de la démarche Municipalité amie des aînés - Édition 2013-2014

«Au départ, le mandat de notre équipe était de recenser les besoins perçus par les personnes âgées, mais rapidement, nous avons travaillé à la création d’un modèle adapté pour le Québec et à son implantation, explique la professeure en travail social, Suzanne Garon, chercheuse au CDRV et spécialiste du développement des communautés. Dans ce plan d’action, nous avons inclus deux démarches évaluatives, la première portant sur l’implantation et, la deuxième, sur les effets de celle-ci. À la lumière de cette deuxième démarche, nous avons découvert des innovations sociales importantes, que nous nous efforçons de documenter actuellement. Grâce à ces phases d’évaluation, nous avons réussi à dégager un modèle qui a sensiblement orienté le travail de l’ensemble du réseau mondial.»

Une série de changements significatifs

Villes amies des aînés propose une nouvelle vision du vieillissement, ce qui provoque de multiples changements dans les communautés. «À la base, nous n’avions pas envisagé de telles innovations. Maintenant, elles sont si importantes que notre groupe de recherche s’y consacrera activement au cours des prochaines années afin de les comprendre et de trouver une façon de les inclure dans le plan d’implantation», expose la professeure Garon.

Huit sphères d’intervention ont été plus précisément ciblées, pour lesquelles on voit apparaître des pistes de solution novatrices : transport, habitation, espaces extérieurs et bâtiments, soutien communautaire, participation sociale des aînés, inclusion sociale, emploi, et accessibilité à l’information. «Ce sont plusieurs petits gestes qui finissent par faire une grande différence pour les aînés, mais aussi pour toute la communauté, rappelle Suzanne Garon. Lorsqu’on réduit la vitesse dans certaines rues moins achalandées ou qu’on réaménage un parc pour qu’il soit plus accessible, ça profite à tout le monde. Les problèmes vécus par les aînés sont souvent partagés par d’autres personnes, comme les jeunes familles ou les personnes à mobilité réduite. Quand un service est trop loin pour une personne âgée, il l’est également pour bien des gens.»

Le Centre de recherche sur le vieillissement a mis en place un site Internet pour accompagner les municipalités et les villes dans leur démarche ami des aînés et pour présenter les plus récentes actualités sur le sujet.
Le Centre de recherche sur le vieillissement a mis en place un site Internet pour accompagner les municipalités et les villes dans leur démarche ami des aînés et pour présenter les plus récentes actualités sur le sujet.

Photo : www.vadaquebec.ca

De plus en plus de municipalités intègrent une réflexion sur les besoins des aînés dans leur planification. Pour la chercheuse du CDRV, ça doit devenir un réflexe. «Elles doivent de plus intéresser leurs commettants à ces enjeux. On constate que ça amène les gens à penser en dehors des silos. Ils deviennent créatifs et toute la population en bénéficie.»

L’exemple du Témiscamingue

Dès l’amorce du projet en 2008 dans la MRC du Témiscamingue, les responsables politiques ont entamé la collaboration avec les ressources du milieu de la santé et les groupes communautaires de la région. Au fil de leurs actions, il est apparu que le vieillissement pouvait devenir une opportunité, un levier économique et social.

«Dans cette région, le vieillissement a relancé l’économie solidaire, lance Suzanne Garon. La Table de concertation des personnes âgées du Témiscamingue est devenue un employeur important de la région avec le déploiement de ressources alternatives d’habitation pour les aînés. De nouveaux services sont apparus, de nouvelles installations ont été érigées. Cette situation a aussi permis à plusieurs familles de rester dans la région et même de s’y trouver un emploi.»

À travers l’initiative Villes amies des aînés, un manque de connaissance des services existants a aussi été constaté. «Selon nos études, six fois sur dix, les gens demandent un service qui existe déjà. Il y a un problème de communication, ce qui peut être rapidement réglé. Ce programme permet de déceler ce genre de failles dans l’organisation de nos communautés», d’exposer la professeure de l’Université de Sherbrooke.

La clé du succès : la participation des aînés à toutes les étapes

Pour prendre conscience des problèmes vécus par une population, il faut aller à sa rencontre et être à l’écoute de ses besoins. Le modèle développé au Québec intègre une phase de consultation des personnes aînées. Ce diagnostic permet de déceler les lacunes d’un milieu, mais également ses forces et les ressources qui y sont disponibles.

«Il est important de comprendre que le territoire est un environnement social, un territoire vécu, et pas seulement du béton et des boulevards. Pour bien saisir cette réalité, il faut que les gens se parlent. Il y a plusieurs alliances à faire dans une communauté pour la développer. Chacune des parties prenantes a un rôle important à jouer et chacune doit le faire pour que ça marche. Le succès de Villes amies des aînés est basé sur l’implication de tous les acteurs concernés», ajoute Suzanne Garon.

Une conférence internationale à Québec pour partager les pratiques gagnantes

Mot d'ouverture du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, le Dr Réjean Hébert, lors de la 2e Conférence internationale des villes amies des aînés.
Mot d'ouverture du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, le Dr Réjean Hébert, lors de la 2e Conférence internationale des villes amies des aînés.

Photo : Pierre Vallée

Pour la spécialiste, présidente du comité scientifique de la 2e Conférence internationale des villes amies des aînés, ce congrès marque un moment important de ce mouvement qui traverse toutes les frontières : «Plus de 700 personnes provenant de 50 pays réunis pour discuter des enjeux reliés au vieillissement de la population ne peut que donner une impulsion nouvelle à Villes amies des aînés. Imaginez toutes les collaborations engendrées par cet événement entre différentes régions du monde qui souhaitent reproduire les succès des autres dans leur ville, leur région, et leur pays. Pour notre équipe de recherche, une telle rencontre permet de partager le fruit de nos travaux et de proposer de nouveaux aménagements à l’intérieur du modèle que nous avons mis de l’avant.»

Cette conférence a été l’occasion pour le Québec de mettre en valeur plusieurs réussites, tels le Centre d’information aux aînés de Rimouski, le projet Vieillir en demeurant dans sa communauté rurale à Joliette, les maisons intergénérationnelles dans le Kativik au Nunavik, la Maison des Grands-Parents de Sherbrooke, et le projet Arrimage dans le nord-est de Montréal pour contrer la maltraitance.

«Nous sommes actuellement les seuls au monde à poursuivre des recherches sur les innovations sociales associées à ce programme international, rappelle Suzanne Garon. Nous souhaitons grâce à celles-ci proposer un modèle d’implantation renouvelé et modulable selon la réalité de chaque ville ou région du monde. Ces recherches permettront de rendre compte des efforts nécessaires à l’implantation d’un plan d’action et des conditions qui doivent être rassemblées pour favoriser son déploiement dans une communauté. Nous espérons ainsi multiplier les réussites et assurer la pérennité du mouvement.»

La 2e Conférence internationale des villes amies des aînés a eu lieu à Québec du 9 au 11 septembre 2013.


Informations complémentaires