Indices de cohérence quantique dans des matériaux complexes à température ambiante
La professeure Maia Vergniory contribue à une découverte prometteuse dans la recherche sur la supraconductivité
Photo : UdeS
Une équipe internationale dont fait partie la professeure Maia Vergniory, du Département de physique, a observé la présence de transport cohérent de charges électriques dans l’état normal du métal kagomé CsV₃Sb₅ – une cohérence qui n’avait été observée jusqu’ici qu’au sein de métaux supraconducteurs refroidis à des températures proches du zéro absolu. Ce comportement, qui montre que des électrons coopèrent sur de longues distances dans de minuscules parties de ce métal à la structure atomique particulière, suggère l’existence d’un état électronique collectif encore mal compris – et très prometteur.
Dans les métaux classiques à température ambiante, les électrons dits « libres » sont des particules individuelles qui se déplacent de manière autonome – une liberté qui est à l’origine même du courant électrique. Mais cette liberté s’accompagne d’une contrainte, car les collisions qui surviennent naturellement entre ces électrons provoquent leur ralentissement ainsi qu'une dissipation d’énergie sous forme de chaleur, ce qui limite de facto la conductivité maximale des matériaux.
Or, dans certains métaux refroidis à très basse température, ces électrons individuels se réunissent en paires appelées « paires de Cooper », dont la découverte, en 1956, est l'un des piliers de la physique moderne de la matière condensée. À l'origine même de la supraconductivité, cette cohérence permet aux électrons de circuler à des vitesses bien supérieures, éliminant ainsi toute perte ou dissipation énergétique.
Dans un article publié récemment dans la revue Nature, l’équipe dont fait partie la professeure Vergniory a observé et mesuré pour la première fois un phénomène similaire à celui des paires de Cooper au sein de minuscules structures du métal CsV₃Sb₅ dans son état normal (non refroidi), ce qui constitue une première tout à fait remarquable.
Représentation tridimensionnelle du réseau cristallin du composé CsV₃Sb₅ (césium vanadium antimonide). Le violet représente les atomes de césium (Cs); le turquoise, ceux de vanadium; et les jaunes, ceux de l'antimoine. Ce modèle illustre l’arrangement atomique typique de la famille des métaux kagomés, où les atomes de vanadium forment un réseau responsable des propriétés électroniques particulières du matériau.
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« Nous avons observé des oscillations de la résistance électrique de CsV₃Sb₅ dans de minuscules piliers cristallins soumis à un champ magnétique, explique la Pre Vergniory. Ces oscillations suivent un rythme précis lié à la quantité de flux magnétique entre les couches du métal – un effet connu sous le nom d’interférence Aharonov-Bohm. »
Ces découvertes sont susceptibles d'établir le métal CsV₃Sb₅ comme une plateforme permettant d’observer un transport cohérent de charge à longue portée en l’absence de supraconductivité, ce qui ouvre de nouvelles perspectives dans l’étude de la cohérence au sein des systèmes électroniques corrélés, en dehors des modèles conventionnels.
C'est une avancée substantielle dans la quête de la science pour comprendre la supraconductivité et la mettre au service de l'humanité.
Qu’est-ce qu’un métal kagomé?
Tout comme le tressage traditionnel japonais du même nom, un métal kagomé est un matériau cristallin dont les atomes sont arrangés selon un motif géométrique fait de triangles entrelacés. Cette structure naturelle unique lui confère des propriétés électroniques et magnétiques exceptionnelles, dont des comportements quantiques exotiques. Le métal kagomé CsV₃Sb₅ présente une réponse électrique exempte de champ magnétique classique et fascine les chercheurs pour les phénomènes quantiques non conventionnels qu’il permet d’observer.
Qu’est-ce que le transport cohérent de charges?
Le transport cohérent de charges désigne un déplacement d’électrons ou de particules chargées dans un matériau de manière collective et ordonnée, sans perte d’information quantique ni diffusion aléatoire. Au lieu de se déplacer individuellement et de subir des collisions, les électrons avancent ensemble, comme une onde collective. Ce phénomène est fondamental en physique quantique et dans les matériaux avancés, comme les supraconducteurs ou les métaux kagomé.