Favoriser l’insertion professionnelle de jeunes adultes non diplômés et en situation de précarité
Des besoins d’information marqués par les événements de la vie
Depuis qu’elle a atteint l’âge de la majorité, Roxane (nom fictif) a vu sa vie prendre des détours insoupçonnés. À 18 ans, la jeune femme n’avait pas terminé ses études secondaires. Des épisodes dépressifs l’ont amenée à prendre une pause et à côtoyer des intervenants du domaine de la santé. Ces personnes l’ont guidée vers des moyens de poursuivre ses études : sur leurs conseils, elle a opté pour la formation à distance. Ses études en voie de se terminer, la voici qui emménage avec son amoureux. Un nouveau projet de vie prend forme puisqu’elle attend un bébé.
Cet exemple réel montre bien comment les changements de parcours peuvent être fréquents et rapides chez les jeunes qui passent à l’âge adulte. Comment ces jeunes – parfois en situation de précarité ‒ s’informent-ils pour se construire un projet de carrière ou de formation? Quelles sont leurs principales sources qui influencent leurs choix? Ces questions intéressent le professeur Eddy Supeno, du Département d’orientation professionnelle de la Faculté d’éducation. Avec l’étudiante à la maîtrise recherche en orientation Venessa Mongeau, il mène un projet d’analyse de données sur des jeunes adultes dont le parcours de vie a été documenté dans une recherche longitudinale préalable. Ils veulent notamment mieux cerner les aspects qui traitent des sources d’information liées au processus d’insertion professionnelle.
Ce travail, dont les résultats devraient être disponibles à l’automne, a fait l’objet d’une conférence du Centre d'études et de recherches sur les transitions et l'apprentissage (CERTA) le 18 mars. On y a évoqué le profil de cinq jeunes adultes qui avaient requis les services d’intervenants d’un Carrefour jeunesse-emploi. Premier constat : les réalités de chaque individu sont uniques et changent rapidement. Ces changements semblent influencer les sources d’information qui rejoignent ces jeunes adultes.
Par exemple, un jeune qui étudiait pouvait identifier un enseignant parmi les personnes qui lui ont fourni de l’information. Un jeune sans emploi pouvait se référer davantage à des renseignements trouvés sur Internet. Ce même jeune adulte a par ailleurs été influencé par un oncle qui lui a parlé de certaines possibilités d’emploi. Le professeur Supeno cherche donc à mieux identifier les éléments susceptibles d’influer sur les sources d’information sur la formation et le travail chez des jeunes adultes, selon certains contextes mouvants.
«Selon plusieurs recherches, l’information est très importante dans le choix de carrière des jeunes. C’est d’ailleurs un enjeu très important pour la société québécoise de s’assurer que les jeunes terminent leurs études et qu’ils soient bien informés pour faire des choix qui leur ressemblent», dit le professeur Supeno.
Certaines recherches réalisées ailleurs ont montré que les jeunes traversent des périodes très intenses en termes de transition et de mobilité, poursuit-il.
Or, les jeunes en quête d’information sont-ils conscients des renseignements disponibles? «Difficile de répondre d’emblée à cette question, dit le chercheur. En fait, on est conscient uniquement de ce que l’on sait, de ce qui fait sens pour nous. Chez les jeunes qui vivent en situation de précarité, on constate que les démarches sont souvent axées sur le présent. Ils cherchent des solutions sur leur vécu actuel, car ils ne peuvent parfois pas s’appuyer sur un passé réconfortant, ou envisager un futur prometteur.»
C’est pourquoi la recherche vise à mieux comprendre certains mécanismes qui influencent la recherche d’information sur la formation et le travail chez les jeunes adultes non diplômés et en situation de précarité.
«À terme, une meilleure connaissance de cette question pourrait nous aider à outiller davantage les professionnels qui travaillent auprès des jeunes adultes à offrir des interventions mieux adaptées à leurs besoins, dit Eddy Supeno. Nous souhaitons diffuser les résultats de notre recherche pour, entre autres, créer un dialogue avec les intervenants sur le terrain.»
Pour ces travaux, le professeur Supeno recourt au corpus d’une recherche source du CERTA réalisée de 2006 à 2013 sous la direction scientifique du professeur Sylvain Bourdon (également de la Faculté d’éducation), auprès de 45 jeunes adultes non diplômés et en situation de précarité. Les données sont composées d’un corpus d’entrevues semi-dirigées avec ces jeunes, et dont l’objectif était de voir quels étaient les apprentissages dans leur parcours de vie et l’influence de leur réseau social.
«Avec cette seconde analyse, nous effectuons un travail de valorisation des données. Les témoignages sont tellement riches, ce serait du gaspillage de ne pas analyser davantage ce contenu-là!» conclut le professeur Supeno.