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Dossier sur l’anxiété de performance au travail

Reconnaitre l’anxiété de performance au travail

À travers différents articles rédigés par Lauriane Maheu, candidate au doctorat en psychologie du travail et des organisations (Ph.D.-RI), le Centre universitaire de formation continue (CUFC) vous propose de découvrir ce qu’est l’anxiété de performance au travail. Motivée par le souci du bien-être de la personne dans son milieu de travail, Lauriane a entamé dans le cadre de son doctorat un projet de recherche sur l’anxiété de performance au travail, un sujet peu étudié, mais bien présent dans nos organisations.

Le premier article dressait le portrait d’une équipe de recherche et de son étude visant le développement d’un questionnaire évaluant l’anxiété de performance au travailLe deuxième portait sur la distinction entre le stress, l’anxiété et l’anxiété de performance. Il saura vous aider à démystifier ces concepts parfois mélangeants. Ce troisième décrit l’anxiété de performance au travail afin de vous aider à reconnaitre les signes chez vous, chez votre collègue ou chez votre employé. Pour terminer, un quatrième article présentera des témoignages de personnes touchées de près ou de loin par l’anxiété de performance au travailEn bonus, vous pouvez également télécharger le livret illustré qui résume les 4 articles.

L’anxiété de performance au travail n’est pas sans conséquence comme il a été rapporté dans l’étude exploratoire de Paiement et ses collaborateurs (2021). Leurs participants ont décrit plusieurs conséquences individuelles et organisationnelles, notamment une diminution de la qualité des relations sociales, la difficulté à apprécier le temps personnel, l’avancement de carrière limité, l’épuisement professionnel, l’intention de quitter ou le présentéisme. Ainsi, comment pouvons-nous prévenir l’anxiété de performance au travail ? Une première étape est d’être en mesure de la reconnaitre. Ce troisième article a pour objectif de vous outiller dans ce sens en vous présentant les signes et symptômes concrets que vous pouvez observer chez vous, chez vos collèges ou chez votre employé. En dérivant de la définition, les manifestations seront d’abord décrites. Cette section se concentra sur les manifestations symptomatiques alors que la deuxième section détaillera quelques stratégies d’adaptation puisqu’elles peuvent être de bons indicateurs afin de reconnaitre l’anxiété de performance au travail. 

Les manifestations de l’anxiété de performance au travail

L’anxiété et l’anxiété de performance sont des phénomènes très complexes qui peuvent s’observer sous plusieurs facettes. Cela dit, il a été reconnu qu’elles sont une combinaison des réponses physiologiques, les cognitions (pensées) craintives et les comportements (Craske et Craig, 1984; Kirchner, 2003; Lederman, 1999). Pour l’anxiété de performance au travail, l’affectivité (les émotions et les sentiments) s’ajoute à ces trois manifestations (Ang et Huan, 2006; Barbeau, 2011; Paiement et al., 2021). Ainsi, il est possible d’observer quatre différents types de manifestations : physiologiques, cognitives, affectives et comportementales. Ces signes et symptômes seront détaillés, mais ci-dessous, vous trouverez une infographie les résumant pour l’anxiété de performance au travail.

Manifestations physiologiques ou les réponses du corps

Les manifestations physiologiques réfèrent aux réactions du corps lorsque nous vivons de l’anxiété de performance. Ces réponses sont de toutes sortes, allant à des réactions de stress (comme vu lors de l’article précédent) à des difficultés de digestion et de sommeil (Barbeau, 2011; Kenny et Osborne, 2006; Paiement et al., 2021; Patel et al., 2010; Walker et Nordin-Bates, 2010).

Quelques symptômes selon différentes catégories physiologiques :

  • Rythme cardiaque et respiration (accélération du rythme cardiaque, respiration rapide, difficulté à respirer, palpitation, essoufflement)
  • Tension (tensions musculaires, raideurs musculaires, courbatures)
  • Fatigue (se sentir drainé, ne pas avoir l’énergie pour faire ses activités habituelles)
  • Sommeil (insomnie, difficulté à s’endormir ou à rester endormi)
  • Digestion (nausée, vomissements, mal de ventre, estomac serré, perte d’appétit, diarrhée, constipation)
  • Autres (transpiration, mains moites, tremblement, eczéma, maux de tête, migraines, bouche sèche, besoin fréquent d’uriner, engourdissement, picotements)

Manifestation cognitive ou le petit hamster dans la tête et bien plus

Avez-vous déjà entendu parler de Pensouillard, ce petit hamster dans votre tête qui court et court et court (je vous invite à lire ce court livre de Serge Marquis si jamais votre Pensouillard est très rapide!). Ce dernier peut se manifester par des pensées intrusives, c’est-à-dire des pensées involontaires et indésirables : peut-être vous pensez constamment à votre travail à toute heure du jour ou de la nuit; peut-être vous remettez toujours tout en doute, vos capacités, vos compétences, votre performance…

Les pensées peuvent également se centrer sur vous-même (remettre en question vos capacités à atteindre le niveau désiré ou douter de vous-même), sur les autres (craindre le jugement des autres) ou sur votre performance (craindre de commettre des erreurs ou de créer des précédents indésirables). Les pensées peuvent aller jusqu’à de la dévalorisation : « Je ne mérite pas mes résultats/opportunités »; « Je ne suis pas suffisamment bon ou bonne » (Barbeau, 2011; Paiement et al., 2021; Spielberger, 1985; Spielberger et Vagg, 1995).

L’inquiétude serait en fait l'un des principaux symptômes de l'anxiété (Eysenck, 1992; Liebert et Morris, 1967), mais les fonctions cognitives semblent également être affectées par l’anxiété de performance. En effet, les personnes vivant de l’anxiété de performance au travail ont rapporté avoir des troubles de mémoire et de concentration (Barbeau, 2011; Paiement et al., 2021; Patel et al., 2010; Smith et al., 2006; Walker et Nordin-Bates, 2010).
Manifestations affectives ou le ressenti intérieur et les émotions.

Auparavant, les réponses physiologiques et les cognitions (pensées) étaient les principaux symptômes de l’anxiété et de l’anxiété de performance. Ainsi, cette dernière manifestation est plus récente dans la littérature et peu étudiée. Néanmoins, des émotions ou états affectifs ont été rapportés par des personnes vivant de l’anxiété de performance au travail. Par exemple, vous pouvez vous sentir en panique, inadéquat, impuissant, incompétent ou irritable. D’autres émotions relevées sont la colère, la culpabilité, la déception, la tristesse ou la honte (Barbeau, 2011; Hjeltnes et al., 2015; Paiement et al., 2021). Ainsi, plusieurs émotions et sentiments surviennent lorsque nous vivons de l’anxiété de performance au travail.

Manifestations comportementales ou les réactions observables par autrui

Contrairement aux deux manifestations précédentes, les manifestations comportementales sont plus facilement observables par une autre personne. Certes, ces signes et symptômes ne sont pas tous exclusifs à l’anxiété de performance, mais il s’agit d’un bon point de départ pour reconnaitre qu’une personne de votre entourage ne va pas bien.

Certaines personnes vont devenir hyperactives et agitées. Elles ne tiendront pas en place et parleront rapidement. Il est possible de voir apparaitre certains tics comme replacer ses lunettes, cliquer le crayon, jouer avec une mèche de cheveux ou cligner des yeux. D’autres vont davantage paralyser. Elles vont figer et n’arriveront pas à réaliser leur travail ou à prendre une décision. D’autres signes facilement observables sont le bégaiement, le rongement des ongles, taper du pied ou faire les cent pas (Barbeau, 2011; Kenny et Osborne, 2006; Paiement et al., 2021; Patel et al., 2010).

Comme mentionné, il y a aussi les stratégies d’adaptation qui peuvent servir d’indicateurs d’anxiété de performance chez soi ou chez autrui. La prochaine section départagera les stratégies d’adaptation des manifestations et les décrira brièvement.

Les stratégies d’adaptation

Pour Lazarus et Folkman (1984), une stratégie d’adaptation est une tentative de répondre à ses besoins à l’aide d’efforts comportementaux et cognitifs lorsqu’on sent que les demandes et attentes (de nous-mêmes ou de notre environnement) dépassent nos ressources.

Autrement dit, les comportements ou les pensées qui m’aident à maîtriser, réduire ou tolérer son anxiété de performance au travail. Ainsi, les manifestations, contrairement aux stratégies d’adaptations, ne viendront pas influencer l’effet de l’anxiété de performance sur nous, mais ne font que témoigner de l’état d’anxiété.

Tirée et adaptée de l’étude de Paiement et ses collaborateurs (2021). Les stratégies en vert sont celles qui semblent plus saines. Toutefois, il est à noter qu’aucune étude n’a été réalisée sur le sujet jusqu’à présent sur l’impact réel de ces stratégies sur l’anxiété de performance au travail.
Tirée et adaptée de l’étude de Paiement et ses collaborateurs (2021). Les stratégies en vert sont celles qui semblent plus saines. Toutefois, il est à noter qu’aucune étude n’a été réalisée sur le sujet jusqu’à présent sur l’impact réel de ces stratégies sur l’anxiété de performance au travail.

Dans leur étude, Paiement et ses collaborateurs ont réparti les stratégies d’adaptions selon deux axes : 

  • Axe Problème – Émotions : Sur quoi les efforts sont orientés, l’élimination du stresseur (orientées sur le problème) ou sur l’élimination de la réaction émotionnelle (orientées sur les émotions).
  • Axe Soi – Autrui : Les stratégies peuvent être mises en place de manière autonome (centrées sur soi) ou déployées à l’aide de son entourage (centrée sur autrui).

Il est à noter que certaines de ces stratégies rapportées dans cette étude semblent plus saines que d’autres (en vert dans la figure 1). Elles permettent de détacher psychologiquement du stress vécu ainsi que de récupérer physiquement, cognitivement et émotionnellement. Par ailleurs, il a été rapporté que chez les musiciens que d’utiliser un plus grand éventail de stratégies d’adaptation est associé à une anxiété de performance facilitante plutôt que débilitante (Wolfe, 1990). Ainsi, il semble pertinent de diversifier vos stratégies afin d’en avoir qui sont orientées sur le problème et d’autres sur les émotions! Les stratégies moins saines, elles, vont souvent engendrer une surcharge cognitive et émotionnelle qui nuit à la récupération et à la distanciation des problèmes rencontrés au travail.

Le discours pour reconnaitre l’anxiété de performance au travail
Bien que certaines stratégies d’adaptation soient moins saines que d’autres, elles s’avèrent être des indicateurs observables qui pourraient suggérer la présence d’anxiété de performance au travail chez vous, chez votre collègue ou chez votre employé. Outre les stratégies d’adaptation et les manifestations comportementales, le contenu du discours peut également aider à identifier une personne qui est aux prises avec de l’anxiété de performance au travail (p. ex., si elle est particulièrement préoccupée par sa capacité à atteindre des standards de performance peu nuancés, si elle communique une crainte de décevoir ou de jugement). Clarifier les attentes et offrir de la rétroaction sont de bonnes stratégies en tant que gestionnaires pour permettre à l’employé de constater l’atteinte des attentes au lieu de continuellement se préoccuper de sa performance.

Et donc? Que pouvons-nous faire?

Comme mentionné, il existe plusieurs stratégies pour faire face à l’anxiété de performance au travail. En voici quelques-unes pour vous aider la prévenir ou la diminuer :

  1. Adopter une bonne hygiène de vie.
  2. Déterminer les situations au travail, le "où, quand et comment" se déclenche votre anxiété de performance au travail  (Le questionnaire CINÉ de Sonia Lupien est un bon outil pour vous appuyer dans cette démarche.).
  3. Sortir de l’anticipation (éviter scénarios catastrophiques)  et se concentrer sur sa zone de contrôle (gestion de son temps, préparation, plan de travail, sa confiance. ATTENTION. Il peut être facile ici de tomber dans le perfectionnisme, et donc le workaholisme, en voulant se préparer à tout, en voulant tout contrôler ou en s’attardant à chaque détail.
  4. Questionner ses croyances (restructuration cognitive). Remettre en question ses cognitions et ses pensées anxiogènes, notamment, ses croyances sur la réussite, l’échec et possiblement leur lien avec notre estime personnelle.
  5. Pratiquer la pleine conscience et la relaxation (régulation émotionnelle).
  6. Aller chercher du soutien.

Cette infographie vous présente quelques techniques que vous pouvez faire au bureau pour prévenir ou diminuer l’anxiété, le stress et l’anxiété de performance au travail.

Vous êtes maintenant bien équipé pour reconnaitre l’anxiété de performance au travail chez vous, chez un collègue ou chez un employé. L’infographie fournie est un bon guide pour vous appuyer! Dans le prochain article, vous lirez des témoignages de personnes vivant avec de l’anxiété de performance au travail et des individus de leur entourage. Si vous souhaitez partager votre expérience, n’hésitez pas à me contacter!


Quelques ressources

Aide immédiate

Info-Social, composer le 811, option 2.

Jeunesse, j'écoute ou au 1-800-668-6868 (sans frais) ou textez le mot PARLER au 686868.

suicide.ca ou au 1-866-277-3553.

Parlons suicide Canada ou au 1-833-456-4566.

Aide à plus long terme

Ordre des psychologues du Québec.

Relief.

Retrouver son entrain.

Outils, guides et autres ressources

Réseau Global-Watch, bien-être au travail et performance durable.

Anxiety Canada.

Espace mieux-être Canada.

Association canadienne pour la santé mentale.

- Application ISmart.

 

 


Références

Ang, R. P. et Huan, V. S. (2006). Academic expectations stress inventory: development, factor analysis, reliability, and validity. Educational and Psychological Measurement, 66(3), 522–539.

Barbeau, A.-K. (2011). Performance anxiety inventory for musicians (PERFAIM): A new questionnaire to assess music performance anxiety in popular musicians [Mémoire de maitrise, McGill University]. McGill University Libraries.

Clark, M. A., Michel, J. S., Zhdanova, L., Pui, S. Y. et Baltes, B. B. (2016). All work and no play? A meta-analytic examination of the correlates and outcomes of workaholism. Journal of Management, 42(7), 1836-1873. https://doi.org/10.1177/0149206314522301

Craske, M. G. et Craig, K. D. (1984). Musical performance anxiety: The three-systems model and self-efficacy theory. Behaviour research and therapy, 22(3), 267–280.

Eysenck, M. W. (1992). Anxiety: the cognitive perspective (1re éd.). Psychology Press.

Hjeltnes, A., Binder, P.-E., Moltu, C. et Dundas, I. (2015). Facing the fear of failure: an explorative qualitative study of client experiences in a mindfulness-based stress reduction program for university students with academic evaluation anxiety. International Journal of Qualitative Studies on Health and Well-Being, 10 (1), 1-14. https://doi.org/10.3402/qhw.v10.27990

Kenny, D. T. et Osborne, M. S. (2006). Music performance anxiety: new insights from young musicians. Advances in Cognitive Psychology, 2(2), 103–112. https://doi.org/10.2478/v10053-008-0049-5

Kirchner, J. M. (2003). A qualitative inquiry into musical performance anxiety. Medical Problems of Performing Artists, 18(2), 78–82. https://doi.org/10.21091/mppa.2003.2015

Lazarus, R. S. et Folkman, S. (1984). Stress, appraisal, and coping. Springer Publishing.

Lederman, R. J. (1999). Medical treatment of performance anxiety: a statement in favor. Medical Problems of Performing Artists, 14(3), 117–121.

Liebert, R. M. et Morris, L. W. (1967). Cognitive and emotional components of test anxiety: a distinction and some initial data. Psychological Reports, 20(3), 975–8.

Maheu, L., Longpré, P., et Richard, S. (soumis). Création et validation de l’échelle d’anxiété de performance au travail : Vers une conceptualisation de l’anxiété de performance au travail. Humain et organisation. [Manuscrit soumis pour évaluation par les pairs].

Marquis, S. (2011). Pensouillard le hamster : petit traité de décroissance personnelle. Éditions Transcontinental.

Paiement, A.-M., Desroches, O. -A., Maheu, L., Leduc, F.-É., et Longpré, P. (2021). L’anxiété de performance au travail : une étude exploratoire. Revue québécoise de psychologie, 42 (3), 139-172. https://doi.org/10.7202/1084583ar

Patel, D. R., Omar, H. et Terry, M. (2010). Sport-related performance anxiety in young female athletes. Journal of Pediatric and Adolescent Gynecology, 23(6), 325–335. https://doi.org/10.1016/j.jpag.2010.04.004

Reiner, S. M., Balkin, R. S., Gotham, K. R., Hunter, Q., Juhnke, G. A. et Davis, R. J. (2019). Assessing life balance and work addiction in high-pressure, high-demand careers. Journal of Counseling et Development, 97(4), 409-416. https://doi.org/10.1002/jcad.12289

Smith, R. E., Smoll, F. L., Cumming, S. P. et Grossbard, J. R. (2006). Measurement of multidimensional sport performance anxiety in children and adults: the sport anxiety scale-2. Journal of Sport and Exercise Psychology, 28(4), 479–501.

Spielberger, C. D. (1985). Anxiety, cognition and affect: A state-trait perspective. Dans A. H. Tuma et J. D. Maser (dir.), Anxiety and the anxiety disorders (1re éd., p. 171–182). Routledge.

Spielberger, C. D. et Vagg, P. R. (dir.). (1995). Test anxiety: Theory, assessment, and treatment. Taylor & Francis.

Walker, I. J. et Nordin-Bates, S. M. (2010). Performance anxiety experiences of professional ballet dancers: the importance of control. Journal of Dance Medicine et Science: Official Publication of the International Association for Dance Medicine et Science, 14(4), 133–45.

Wolfe, M. L. (1990). Coping with musical performance anxiety: Problem-focused and emotion-focused strategies. Medical Problems of Performing Artists, 5(1), 33-36.