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Chaire de recherche du Canada en physique du bâtiment multi-échelle

Vers une diminution des îlots de chaleur urbains

Pre Dominique Derome, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physique du bâtiment multi-échelle.

Pre Dominique Derome, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physique du bâtiment multi-échelle.


Photo : UdeS - Martin Blache

On vous propose d’aller faire une promenade en plein centre-ville d’une métropole, fin juillet, avec une température de l’air qui frôle les 32 degrés Celsius et un indice humidex à 40. On imagine tout de suite une sensation d’inconfort. L’augmentation des îlots de chaleur urbains, amplifiée par les changements climatiques, affecte non seulement les humains mais aussi tout l’environnement bâti qui gravite autour. Spécialiste en la matière, Pre Dominique Derome s’est jointe à l’équipe professorale de la Faculté de génie il y a quelques mois et poursuivra ses recherches dans le domaine. À la question à savoir quel était l’élément central de ses recherches, elle l’a résumé en un seul mot : « L’eau! »

La Chaire de recherche du Canada en physique du bâtiment multi-échelle vise globalement à comprendre le comportement de l'environnement bâti et ses principaux enjeux actuels et futurs, avec un intérêt particulier pour le rôle de l'eau à différentes échelles, de l'étude des microclimats urbains jusqu’aux matériaux de construction poreux. Pre Derome est à la tête de cette Chaire de recherche, qui présente un calendrier de recherche réparti sur 7 ans et un budget global de plus de 2 M$.

Du nano jusqu’à l’îlot

Dans un premier temps, le programme de recherche proposé explorera la physique en jeu à différentes échelles d’observation : du kilomètre au mètre (milieu urbain), du mètre au millimètre (enveloppe du bâtiment) et du millimètre au nanomètre (matériaux).

À l’échelle du quartier urbain, on s’intéresse à la relation des bâtiments entre eux et avec leur environnement. Par exemple, comme cet environnement bâti contient des matériaux qui absorbent plus de chaleur que la nature, les villes n’arrivent pas à se refroidir suffisamment la nuit, contrairement aux milieux naturels. La situation est accentuée lors de vagues de chaleur, phénomènes en nette augmentation. La végétation, par exemple les arbres dans les rues, les aires gazonnées et même les plantes de balcon, joue un rôle pour réguler les conditions urbaines extérieures. Le programme vise à élucider l’impact des plantes et à développer des systèmes d’ombrage et d’évaporation qui s’inspirent des plantes. Et la pluie a aussi un réel potentiel comme composante des stratégies de rafraichissement de l'environnement urbain.

Dominique Derome

À l’échelle de l’enveloppe du bâtiment, les recherches sont fort intéressantes et pointent encore une fois sur l’étude de l’eau. « L’eau est un élément non négligeable qui affecte l’enveloppe du bâtiment. On s’intéresse à la quantité d’eau qu’elle reçoit, comment les gouttes de pluie se déposent sur les surfaces des toits, des murs », donne en exemples Pre Derome. Toutes ces données permettront de développer des modèles pour mieux évaluer les risques de dommages causés par l’humidité et le comportement à long terme de l'enveloppe du bâtiment.

Et l’équipe ira même plus loin dans les recherches en étudiant la présence d’eau liquide ou de vapeur directement dans les matériaux. On plonge alors à l’échelle du nanomètre et on regarde le rôle et l'impact des matériaux poreux dans la capture, la distribution et la libération de l’eau. Pour ce faire, on utilisera notamment l'imagerie et la modélisation avancées à l'échelle des pores.

Modélisation informatique et recherche expérimentale

Le programme de recherche de la Chaire vise donc à développer de nouvelles méthodologies d'évaluation des performances pour la durabilité hygrothermique – température et taux d'humidité de l'air ambiant d'un local – et l’atténuation des îlots de chaleur urbains en combinant la modélisation informatique et une recherche expérimentale avancée.

Grâce à ces deux modes d’investigation qu’on peut appliquer à chacune des échelles, on veut faire progresser la compréhension du comportement complexe des matériaux et des systèmes bâtis auxquels ils sont intégrés. On utilise de vrais paramètres, comme l’humidité de l’air, la température de l’air et la vitesse du vent, ce qui augmente considérablement le niveau de précision et d’exactitude des données obtenues.

Santé et confort des habitants

Finalement, le dernier angle des recherches prévues se projette dans le futur : on veut appliquer les modèles nouvellement développés pour proposer des solutions de mitigation - réduction de la vulnérabilité - pour le milieu bâti existant, évaluer le potentiel de ces mesures d'atténuation et d'adaptation des îlots de chaleur urbains et penser la ville de demain avec une vision d’ingénierie innovante et durable. Les expériences seront mises à profit pour poser les actions nécessaires afin d’atténuer les impacts du changement climatique sur les bâtiments et l'environnement urbain, mais, surtout, sur les personnes vivant en ville.

C’est vraiment important de développer des notions intégrées liées à l’enveloppe du bâtiment et à l’environnement urbain, soutient la titulaire. Mieux on comprend sa mécanique, le transfert de chaleur observé, la dynamique des fluides et les liens entre chacun de ces éléments, meilleure sera la qualité des bâtiments oui, mais cela aura aussi un impact directement sur d’autres éléments comme le confort intérieur et extérieur des habitants et leur santé. Aussi, plus un habitat est durable, plus les matériaux sont en place longtemps, meilleur est son rendement énergétique, moins de CO2 il rejette et meilleur est son impact environnemental global. Il faut penser aux charges climatiques incertaines des prochaines années et agir en conséquence. 

Dominique Derome

Retour au Québec : un alignement de planètes parfait!

Précédemment professeure associée en génie du bâtiment à l’Université Concordia, puis à la tête d’une équipe de recherche au laboratoire national de recherche Empa en Suisse depuis 2008, Pre Derome visait un retour au Québec à court ou moyen terme. L’opportunité sherbrookoise est arrivée comme un alignement de planètes parfait. La Faculté de génie a démarré à l’automne 2017 un programme de baccalauréat en génie du bâtiment, ce qui la positionne dans une étape intense de développement de tout l’écosystème autour de cette discipline.

« Ce retour à l’enseignement, au transfert de connaissances, me plaît énormément. En plus, après avoir travaillé toute ma carrière en anglais, ou presque, c’est aussi une belle occasion de ramener le français dans mon quotidien de travail! », exprime-t-elle. Entre une formation initiale en architecture et l’octroi d’une chaire de recherche du Canada en physique du bâtiment, la chercheure a emmagasiné une ramification impressionnante de connaissances, qui l’amènent maintenant à vouloir répandre, partager et rendre pérennes ces connaissances emmagasinées au fil du temps. Avec son expertise multidisciplinaire – les recherches franchissent les frontières vers la climatologie, la météorologie et la dynamique des fluides - et sa compréhension poussée des bâtiments sous différents angles, son bagage constitue un legs de synthèse incroyable.

Obtenir une CRC de niveau 1 dans un domaine somme toute nouveau, c’est tout un exploit! Dominique a une expérience diversifiée, un parcours atypique qui débute par l’architecture et un dossier hyper solide en recherche. En plus, elle avait déjà enseigné pendant plusieurs années avant son séjour en Europe. Elle contribue déjà à dynamiser le Département : elle a déjà développé un nouveau cours sur la physique du bâtiment qu’elle enseigne cet hiver, incluant de nouveaux montages au laboratoire de génie du bâtiment . Elle attirera aussi assurément d’excellentes candidatures aux études supérieures dans ce domaine spécialisé.

Jean Proulx, directeur du Département de génie civil et génie du bâtiment


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