Sajedeh Esmaeilzadeh : réduire le volume des données afin d'approfondir le mystère de la matière noire

Pour souligner la Journée internationale des femmes et des filles de sciences qui a lieu le 11 février ainsi que la Journée internationale des droits des femmes qui se déroule le 8 mars, le 3IT a produit une série d'articles pour mettre en lumière quelques étudiantes de sa communauté et reconnaître leur contribution à l'innovation technologique.

Dans ce quatrième portrait, découvrez Sajedeh Esmaeilzadeh, étudiante au doctorat sous la direction de la chercheuse Audrey Corbeil Therrien.

Peux-tu résumer ton projet de recherche?

Les physiciens cherchent depuis longtemps à étudier l’existence de la matière noire, une composante mystérieuse de l'univers, à l'aide de détecteurs perfectionnés. Les progrès récents dans le domaine des détecteurs de photons et autres rayonnements ont considérablement amélioré la résolution, la sensibilité, la vitesse de lecture et la surface de détection. Ces améliorations sont particulièrement intéressantes pour la recherche sur la matière noire.

Toutefois, ces améliorations entrainent également une production massive de données scientifiques, ce qui pose des problèmes tels qu'une consommation accrue d'électricité, la nécessité d'un câblage important et des problèmes de stockage à haute vitesse de très grands volumes de données. Ces problématiques, qui sont particulièrement difficiles à résoudre pour des détecteurs tels qu'ARGO, un détecteur de matière noire qui génère un volume important de données, s’avèrent coûteuses.

Les méthodes traditionnelles de traitement des données ne peuvent pas gérer efficacement ce volume en raison de la limitation des ressources. Mon projet vise donc à relever ces défis spécifiquement dans le cadre du projet ARGO. Pour réduire les volumes des données transférées, je développerai une stratégie de réduction utilisant des algorithmes d'apprentissage automatique pour compresser les données près du détecteur avant de les transmettre aux centres de stockage.

En outre, je concevrai un algorithme agissant en temps réel pour le système de détection veto, qui filtrera efficacement les signaux du bruit de fond tout en préservant ceux liés à la matière noire. Les modèles optimisés seront déployés sur des FPGA afin de réduire l'utilisation des ressources et d'améliorer l'efficacité énergétique de l’ensemble.

Qu’est-ce qui te passionne dans ce projet?

Ce qui me passionne le plus dans ce projet, c'est l’excitation de travailler dans le domaine des sciences fondamentales, où la curiosité est le moteur de la découverte et où la résolution de problèmes complexes peut contribuer à la compréhension de l'univers par l'humanité. La science est un domaine où chaque réponse à une question ouvre la voie à de nouvelles possibilités, et faire partie de ce processus est incroyablement gratifiant.

En particulier, le mystère de la matière noire me fascine : l'idée que quelque chose que nous ne pouvons pas voir directement puisse constituer une part importante de l'univers est à la fois une source d'humilité et d'inspiration. Grâce à ce projet, j'ai la possibilité d'approfondir ce mystère et de contribuer à sa compréhension. En même temps, ce projet me permet d'élargir mes connaissances dans des domaines tels que l'apprentissage automatique et la technologie FPGA, où des techniques de pointe sont appliquées pour résoudre des problèmes concrets.

Par exemple, le développement d'algorithmes pour traiter l'énorme quantité de données produites par des détecteurs comme ARGO et l'optimisation de l'efficacité énergétique est non seulement passionnant, mais aussi très important pour l'avenir de la recherche sur la matière noire et au-delà. C'est cette combinaison de découvertes scientifiques, de progrès technologiques et d'épanouissement personnel qui rend ce projet vraiment passionnant pour moi.

En tant qu’étudiante internationale, qu’est-ce que tu aimes le plus de la culture québécoise et de Sherbrooke?

L'une des choses que j'apprécie le plus dans la culture québécoise est la chaleur des gens. Dès mon arrivée, j'ai ressenti un fort sentiment de communauté et de gentillesse. Lorsque je suis arrivée ici, je parlais très peu le français, mais les gens m'ont incroyablement aidée, par exemple quand je voulais louer un appartement, faire mes courses ou m'occuper des tâches quotidiennes.

Ce qui a été particulièrement significatif pour moi, c'est le soutien que les gens m'apportent lorsque j'essaie de parler français. Même si j'apprends encore, je ne me suis jamais sentie jugée pour mes erreurs. Au contraire, les gens sont patients et encourageants, ce qui me motive à m'améliorer et me donne plus de confiance dans la pratique de la langue. Leur gentillesse a rendu mon expérience d'apprentissage du français beaucoup plus agréable.

À Sherbrooke, j'aime l'équilibre entre la nature et la vie urbaine. La ville est entourée de paysages magnifiques, ce qui en fait un endroit idéal pour les activités de plein air comme la randonnée. En même temps, la communauté étudiante y est très dynamique, ce qui en fait un endroit inspirant pour apprendre et se développer.

Un autre aspect que j'apprécie vraiment est l'importance accordée à l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les gens d'ici apprécient à la fois le dévouement professionnel et le fait de profiter de la vie, que ce soit par le biais d'événements culturels, de festivals ou simplement en passant du temps à l'extérieur. Ce mode de vie m'encourage à explorer, à tisser des liens avec les autres et à profiter pleinement de mon séjour ici.

Qu’est-ce qui te plaît particulièrement de l’environnement du 3IT?

Ce que j'apprécie le plus au 3IT, c'est son environnement dynamique et collaboratif, qui favorise à la fois l'innovation scientifique et le développement professionnel. L'institut offre un encadrement exceptionnel et l'accès à des installations de recherche de pointe, y compris des laboratoires et des plateformes avancées. L'organisation de séminaires, de conférences et d'ateliers enrichit encore l'expérience de la recherche. C'est un lieu où des chercheurs, des ingénieurs et des étudiants de différents horizons s’unissent pour travailler sur des projets novateurs, ce qui en fait un endroit inspirant et stimulant.

Sous la direction de la chercheuse Audrey Corbeil Therrien et avec le soutien de mon groupe de recherche et de mes collègues, je bénéficie d'un encadrement qui encourage l'autonomie, la créativité et l'esprit critique. Au-delà de l'expertise technique, l'environnement du 3IT favorise l'apprentissage continu et le développement des compétences, ce qui me permet de renforcer mes capacités de résolution de problèmes et d'élargir ma perspective en recherche. L'accent mis sur le travail d'équipe et le partage des connaissances en fait un lieu de travail vraiment inspirant, où je me sens à la fois stimulée et soutenue dans mon parcours scientifique.

Quelle est ta plus grande fierté professionnelle?

L'une de mes plus grandes réussites professionnelles est d'avoir été acceptée dans le groupe de recherche de la professeure Audrey Corbeil Therrien et d'être venue au Canada pour travailler dans un environnement stimulant et favorable. Collaborer avec des collègues brillants au 3IT m'a permis de m'épanouir tant sur le plan professionnel que personnel. L'adaptation à une nouvelle culture, l'amélioration de mon français et la collaboration avec des experts de divers domaines ont été des expériences inestimables qui ont façonné mon parcours scientifique.

Une autre réalisation majeure est la contribution aux techniques d'apprentissage automatique pour optimiser le traitement des données dans la recherche sur la matière noire. En travaillant sur le détecteur ARGO, j'ai relevé des défis liés aux volumes massifs de données en concevant des algorithmes en temps réel qui améliorent l'efficacité et la précision. Je suis fière de repousser les limites de la science et de faire progresser notre compréhension de la matière noire, l'un des plus grands mystères actuels de la physique, tout en développant mon expertise en matière d'apprentissage automatique.

Pourquoi avoir choisi le domaine des sciences ou du génie?

J'ai toujours été fascinée par la façon dont la science et la technologie peuvent résoudre les problèmes du monde réel et améliorer la vie des gens. Ma curiosité pour les systèmes logiques et la résolution de problèmes m'a amenée à étudier les mathématiques et la physique, puis l'ingénierie informatique et électronique, et maintenant à me concentrer davantage sur l'IA, la science des données et l'apprentissage automatique. La capacité d'analyser des données complexes et de développer des systèmes intelligents pour aider les industries et les personnes est ce qui me passionne le plus.

L'idée d'utiliser l'informatique avancée pour repousser les limites de la science et découvrir des phénomènes cachés dans les données est ce qui me motive dans ce domaine. L'intégration de l'apprentissage automatique, de l'intelligence artificielle et du calcul à haute performance pour relever les défis scientifiques permet non seulement d'approfondir notre compréhension de l'univers, mais aussi d'ouvrir de nouvelles possibilités d'innovation. Aujourd'hui, contribuer à des découvertes majeures, comme celles de la recherche sur la matière noire, renforce ma passion et me motive à continuer à développer mon expertise dans ce domaine en constante évolution.

Quel conseil donnerais-tu aux jeunes filles pour les encourager à s’intéresser aux sciences et au génie?

Mon plus grand conseil aux jeunes filles intéressées par les sciences et l'ingénierie est de rester curieuses, de relever les défis et de ne jamais douter de leur capacité à réussir. La science, c'est l'exploration, la résolution de problèmes concrets et l'impact sur la société. Si vous aimez la logique, la résolution de problèmes et l'innovation, ce domaine vous offrira d'innombrables possibilités d'évoluer et de créer des changements.

Lorsque j'ai commencé à étudier les mathématiques, la physique et l'ingénierie, j'étais fascinée par la façon dont la technologie pouvait améliorer la vie des gens. Au fur et à mesure que j'avançais dans l'ingénierie informatique, j'ai réalisé que des domaines comme l'IA, la science des données et l'apprentissage automatique ne se limitaient pas à la programmation, mais permettaient de remodeler les industries, les soins de santé et même notre compréhension de l'univers. J'encourage les jeunes filles à poursuivre leur passion sans crainte, à chercher des mentors et à saisir toutes les occasions d'apprendre, car leurs contributions à la science peuvent révolutionner la vie des gens.