Une transition de phase quantique sous-tend la supraconductivité dans les oxydes de cuivre

Une transition de phase quantique sous-tend la supraconductivité dans les oxydes de cuivre

Des chercheurs de l’IQ et leurs collaborateurs en France dévoilent un principe d’organisation clé de la supraconductivité à température élevée

Des physiciens ont cerné la transition qui pourrait expliquer pourquoi les oxydes de cuivre recèlent une puissance supraconductrice si impressionnante.

Venant clore un débat vieux de vingt ans dans le domaine, les chercheurs ont découvert qu’une mystérieuse transition de phase quantique, appelée « pseudogap », entraîne une forte diminution du nombre d’électrons conducteurs disponibles pour l’appariement nécessaire à la supraconductivité. L’équipe avance l’hypothèse que ce qui se passe à ce moment explique probablement pourquoi les cuprates permettent la supraconductivité à des températures bien plus élevées que d’autres matériaux – à mi-chemin de la température ambiante.

« Il est très probable que ce point critique explique pourquoi la supraconductivité se manifeste, et pourquoi elle le fait avec une telle force », dit Louis Taillefer, chercheur de l’IQ et Boursier principal de l’ICRA (Institut Canadien de la Recherche Avancée). Les nouveaux résultats sont publiés dans la revue Nature.

Louis Taillefer, directeur du programme Matériaux quantiques, a collaboré avec son équipe, ainsi qu’avec d’autres membres de l’ICRA, soit : Cyril Proust (Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses), Doug Bonn, Walter Hardy et Ruixing Liang (tous trois de l’Université de la Colombie-Britannique). L’étude a su allier l’expertise de l’Université de la Colombie-Britannique en matière de fabrication de cuprates, l’expertise de l’Université de Sherbrooke en matière d’analyse et les compétences du laboratoire de Toulouse dans la production de puissants champs magnétiques.

Leurs travaux s’inscrivent dans une initiative internationale visant l’exploitation de la supraconductivité – la transmission d’électricité sans résistance dans certains matériaux – afin d’augmenter considérablement le rendement énergétique de nombreuses technologies. Actuellement, les cuprates constituent les matériaux les plus prometteurs en la matière, mais le milieu de la recherche doit relever un formidable problème de physique : comprendre la mystérieuse phase « pseudogap ».

« Voilà le débat qui fait rage depuis vingt ans – que se passe-t-il dans la phase pseudogap? », dit Taillefer.

Le mystère est demeuré entier pendant tout ce temps principalement parce que quand la supraconductivité se manifeste, il devient difficile d’en étudier les comportements sous-jacents. Grâce à un champ magnétique deux millions de fois plus puissants que celui de la Terre, l’équipe de scientifiques a réussi à supprimer la supraconductivité dans des échantillons de cuprates et à examiner avec soin la phase pseudogap à des températures près du zéro absolu (- 273 C).

Au point d’instabilité où s’installe la phase pseudogap, la structure électronique des cuprates subit un changement radical. Le nombre d’électrons disponibles diminue brusquement d’un facteur 6. Cela marque une transition de phase quantique – un changement fondamental de comportement dans le matériau.

Selon les scientifiques, ces nouveaux travaux vont considérablement modifier l’orientation des recherches futures et mèneront à une nouvelle compréhension des propriétés des supraconducteurs. Taillefer explique que ce résultat nous rapproche de l’élucidation de la nature du point critique et de ses fluctuations, ainsi que de l’exploration du mécanisme de fonctionnement de la supraconductivité à température ambiante.

Cette découverte vient dans la foulée de recherches intenses sur le mystère du pseudogap, après que ce même groupe de chercheurs de l’ICRA eu découvert les premiers signes d’un comportement étrange par l’observation d’oscillations quantiques en 2007. « La mise au point à Toulouse de mesures à très bas niveau de bruit, essentielles à la découverte des oscillations quantiques en 2007 et, récemment, la conception et la construction de notre aimant 90 T, ont donné lieu à de nouvelles possibilités nous permettant d’examiner directement le point critique pseudogap », dit Cyril Proust.

 

L'article paru dans Nature

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