Condensation de Bose-Einstein dans un système magnétique

Dans le cadre d’une collaboration avec le groupe de Kate Ross à Colorado State, le groupe de Jeffrey Quilliam a mis en évidence un nouveau matériau magnétique quantique basé sur l’élément terre rare ytterbium (Yb), le Yb2Si2O7.

À basse température et à faible champ magnétique, les spins de ce matériau sont enchevêtrés en formant des singulets non-magnétiques sur des dimers de Yb, donnés par la  fonction d’onde | ψ› = (| ↑↓›−|↑↓›) /2. Cet état de singulets est illustré à la Figure 1a où les singulets sont représentés par des ellipsoïdes rouges. Les excitations de cet état fondamental sont ce qu’on appelle des triplons – des quasi-particules de spin -1 – qui peuvent sauter d’un dimer à l’autre et qui peuvent être décrites comme des bosons. En appliquant un champ magnétique, on arrive à fermer le gap entre l’état de singulet et les triplons. Le gap se ferme complètement au champ magnétique critique, ce qui provoque la condensation des triplons, c-à-d la formation d’un ordre magnétique (illustré dans la Figure 1b) qui est potentiellement analogique à la condensation de Bose-Einstein. À plus fort champ, une deuxième transition quantique nous amène à une phase ferromagnétique où les spins sont tous parfaitement alignés (Figure 1c). Le diagramme de phase de ce matériau exotique, élucidé dans le cadre de ce projet, est représenté à la Figure 2.

C’est la première fois qu’une telle physique est générée dans un système à base de terres rares. Typiquement, les interactions entre spins sont relativement faibles dans les oxides à base de terres rares. Ceci fait en sorte que les champs magnétiques critiques dans ce type de matériaux (0,4 T et 1,5 T) sont très accessibles, comparés aux systèmes à base de métaux de transition où il faut souvent travailler à champ intense. Cependant, les interactions entre spins dans les terres rares sont habituellement davantage anisotropes à cause de l’interaction spinorbite. Ici, les interactions entre spins sont étonnamment isotropes, mais de légères anisotropies pourraient expliquer la présence d’une phase magnétique supplémentaire et mystérieuse présente de 1,2 T à 1,5 T. L’article publié dans Physical Review Letters présente les résultats d’un ensemble impressionnant de techniques de recherche utilisées en tandem entre les groupes Quilliam et Ross : chaleur spécifique, aimantation, vitesse ultrasonore et diffusion de neutrons inélastique. Les expériences de chaleur spécifique et vitesse ultrasonore à très basses températures ont été réalisés par Djamel Ziat et Léo Berges.

 

Figure 1

Illustrations des phases magnétiques du Yb2Si2O7

Figure 2

Diagramme de phase magnétique du Yb2Si2O7
obtenu par chaleur spécifique et vitesse ultrasonore

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