Réaliser le rêve de voler par sa propre force
Le projet Pégase vise à construire le 1er avion à propulsion humaine au Canada
Concevoir un avion à propulsion humaine n’est pas une idée nouvelle, mais le défi est majeur. À preuve, seuls quelques prototypes ont été créés à ce jour dans le monde. Un groupe de 12 étudiants de la Faculté de génie a décidé de s’attaquer à ce défi et de réaliser un rêve vieux comme le monde. «Le rêve de voler avec sa propre force, ça date d’il y a des milliers d’années. Pouvoir le réaliser, ça donne une énorme motivation!» affirme Ludovic d’Anjou, membre du groupe Pégase, qui achève la fabrication d’un premier avion à propulsion humaine au Canada.
L’idée du projet a surtout été suggérée par un des membres de l’équipe, Étienne Demers, qui en rêvait depuis le secondaire. L’étudiant a été inspiré par des reportages et des vidéos sur les projets qui se sont faits ailleurs dans le monde, mais aussi par les nombreux défis qui ont été tentés durant les années 1970, comme celui de traverser la Manche. Cependant, ajoute son collègue Alexandre Bouchard : «Les projets d’avion à propulsion humaine sont rares; seule une trentaine a évolué dans le monde.» Le groupe de l’UdeS travaille à la réalisation de son prototype depuis bientôt deux ans.
Des ailes de 27 m soulevées par l’énergie de 3 ampoules
Pour concrétiser son projet, l’équipe de Pégase a trouvé des commanditaires, qui lui ont permis d’amasser la somme de 45 000 $. Elle a également conclu des ententes avec des fournisseurs et commandé des matériaux.
Les objectifs techniques du projet consistent à créer un prototype modulaire qui se transporte facilement et qui puisse voler sur une distance de 200 m. L’avion doit aussi être le plus léger possible, et tout a été soigneusement calculé afin que son poids total à vide n’excède pas 40 kg. L’envergure totale du prototype une fois assemblé est de 27 m.
L’avion sera piloté par un des membres de l’équipe, Alexandre Bouchard, qui pédalera jusqu'à ce qu'il atteigne les 300 watts de puissance indispensables pour faire décoller l’appareil. L’avion ne nécessite donc qu'une puissance équivalente à trois ampoules.
La réalisation du projet comporte de nombreux défis. «La conception d’un avion, à la base, c’est un défi», affirme François Bolduc-Teasdale, coordonnateur du projet. Mais du point de vue technique, les grandes préoccupations sont surtout en lien avec la masse et la puissance. «Le gros défi est de savoir quelle sera la masse finale de l’avion, poursuit l’étudiant. On connaîtra la vraie masse du prototype lorsqu’il sera assemblé. Il faut faire les bonnes estimations, conserver un bilan de masse tout au long du projet pour en arriver à la fin avec les bonnes approximations.»
Beaucoup de travail
La charge de travail, énorme, a été répartie entre les 12 membres au début du projet. Ceux-ci se sont divisé le travail selon les quatre grands sous-systèmes : les ailes, la section du fuselage, les contrôles et le système de propulsion. Toutefois, les étudiants ont adapté leurs tâches au cours de la réalisation du projet. «Toutes les responsabilités ont changé. Chacun a pris l’initiative de travailler sur une partie de la fabrication, chacun s’est spécialisé», soutient Ludovic d’Anjou. Par exemple, Alexandre Bouchard est en quelque sorte devenu le «spécialiste» du tressage des joints de kevlar.
Bien que le projet demande beaucoup d’efforts, les membres de l’équipe y voient une belle manière d’appliquer ce qu’ils apprennent en classe. «Ça permet de maîtriser la matière et ça force à bien la comprendre», explique Alexandre Bouchard. «C’est très intégrateur», ajoute Étienne Demers. Le projet leur permet également d’expérimenter la gestion de projet et de développer leurs aptitudes à travailler en équipe.
Éveiller la passion chez les plus jeunes
En plus de réaliser les objectifs techniques de leur projet, les étudiants ont décidé de s’en servir pour motiver les jeunes. Ils souhaitent piquer la curiosité des jeunes afin de les encourager à poursuivre leurs études.
Le décrochage scolaire chez les garçons au secondaire est préoccupant selon eux. «Un faible pourcentage de garçons passent du secondaire au cégep», affirme François Bolduc-Teasdale. L’étudiant cite un article de La Presse paru en 2010, qui évoquait que seulement 57 % des élèves du secondaire s’inscrivaient au cégep, une proportion qui chutait à moins de 50 % chez les garçons. Mais les filles sont aussi visées, puisque beaucoup d’entre elles hésitent à s’inscrire en génie, estimant la profession réservée aux garçons.
Les membres de Pégase ont donc décidé de visiter les établissements scolaires primaires, secondaires et collégiaux pour parler de leur projet. Cette idée leur est venue après avoir entendu une déclaration du président de la compagnie d’aéronautique Pratt & Whitney, qui faisait part de ses inquiétudes face au décrochage élevé chez les jeunes. Celui-ci était préoccupé par une pénurie possible de main-d’œuvre dans le secteur aéronautique.
L’intérêt que les membres de Pégase ont suscité auprès des jeunes leur a aussi servi de motivation. «C’est hyper valorisant. Quand les jeunes viennent te voir après ta présentation et te disent "Je pense que vous avez confirmé notre choix de carrière, on veut vraiment aller là-dedans", tu vois que tu ne fais pas ça pour rien!» soutient Ludovic d’Anjou. L’équipe a également pris l’initiative de faire connaître son projet, dont une participation aux événements 24 h de science, Oser la recherche et l’Expo-sciences.
L’avion sera de l’exposition Mécagéniale de la Faculté de génie en décembre, et les étudiants espèrent avoir fait voler le prototype d’ici là. L’équipe s’est d’ailleurs démarquée en remportant le Prix nouveauté du Défi étudiant de l’Université de Sherbrooke en mars 2012.
Une compétition? Pourquoi pas!
L’équipe de Pégase a l’esprit de compétition. «On voudrait lancer le défi aux autres universités canadiennes, lancer une compétition d’avions à propulsion humaine», propose Étienne Demers. Le projet Pégase représente pour ses membres une démonstration de ce qu’il est possible de faire, et ceux-ci aimeraient motiver les autres universités à créer des projets comme le leur. «On veut faire un appel à la communauté universitaire canadienne. Leur dire : regardez, nous on a fait ça, on a volé sur une telle distance et à telle vitesse, donc venez battre nos records», soutient François Bolduc-Teasdale.
Le prototype a été assemblé pour la première fois et exposé au public lors d’une journée portes ouvertes le 26 octobre au Centre sportif.