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Mieux préparer les enseignants à travailler en contexte interculturel

Marilyn Steinbach
Marilyn Steinbach
Photo : Michel Caron

Plusieurs nouveaux enseignants estiment qu’ils ne sont pas adéquatement préparés pour travailler dans un milieu scolaire marqué par la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique. Selon au moins trois études récentes, certaines données mettent en relief «qu’il n’y a pas assez de temps consacré à la formation dans ce domaine et que l’apprentissage théorique n’est pas toujours réaliste ou applicable pour les futurs enseignants», indique la professeure Marilyn Steinbach, de la Faculté d’éducation, qui a co-organisé un colloque sur la question lors du 82e Congrès de l’Acfas, à la mi-mai.

Aux côtés de participants du Québec et de l’Ontario, la chercheuse du Département de pédagogie a fait état des perceptions des futurs enseignants sur leur formation en éducation interculturelle. Elle abordait également des pistes pour améliorer la formation initiale des enseignants à partir d’évaluations et de recherches menées auprès des jeunes enseignants. «Les résultats révèlent l'importance de favoriser des contacts interpersonnels et des interactions avec des personnes de diverses origines ethnoculturelles», résume-t-elle.

Formation initiale

L’importance de former les futurs enseignants à la réalité interculturelle fait partie des directives ministérielles depuis 1998 : les universités ont intégré cette composante dans leurs programmes de formation. «Mais les pratiques varient énormément d’un endroit à l’autre, dit la professeure Steinbach. Avec mes collègues du Centre d’études ethniques des universités montréalaises, nous menons des recherches pour analyser ce qui se passe dans chaque milieu de formation.»

Le constat assez répandu – autant chez les chercheurs que chez les acteurs du monde scolaire et du ministère ‒ c’est que les jeunes enseignants se sentent mal préparés à interagir avec des élèves d’autres cultures, dit-elle.

Un besoin connu

À l’UdeS, Marilyn Steinbach donne le cours obligatoire Éducation interculturelle aux futurs enseignants au secondaire. En parallèle à ses activités d’enseignement, elle a mené des recherches auprès des étudiantes et étudiants pour mettre en lumière leurs perceptions et leurs besoins.

«En général, chez mes étudiants, je constate un certain malaise dans les moyens de comprendre l’"autre", la personne issue d’une autre culture, dit-elle. En général, les gens qui choisissent de faire carrière en éducation ont vraiment bon cœur : ils sont disposés à ne pas offusquer ni à blesser personne. Alors ils vivent un malaise à ne pas savoir comment intervenir avec des gens qui arrivent d’un contexte différent.»

Certains, poursuit-elle, croient qu’ils doivent tout apprendre des différentes religions et cultures qu’ils auront à côtoyer, tandis que d’autres affichent une certaine résistance, par crainte de commettre des faux-pas qui laisseraient penser qu’ils sont racistes ou qu’ils manquent d’ouverture.

Favoriser le premier contact

«Le cours que l’on propose n’est pas une formation détaillée sur les différents types culturels : on ne donne pas aux étudiants de recette pour savoir comment agir avec les gens de telle ou telle culture! dit-elle. On travaille plutôt sur les moyens d’entrer en relation avec l’autre; d’être conscient de ses propres valeurs et de voir comment ces valeurs ne sont pas universelles. Le cours touche aux questions de discrimination et s’intéresse à toutes sortes de différences, comme l’homophobie.»

Mais la clé, selon elle, est de ne pas se limiter à la théorie et aux textes. Il faut rendre cette formation pratique et favoriser la rencontre de gens issus de l’immigration. «Par exemple, nous invitons dans nos classes des personnes en processus de francisation, dit la professeure. Ce genre d’expérience plus personnelle vise à rendre le cours plus efficace et influence l’individu positivement dans son apprentissage. Ces initiatives sont très appréciées par les étudiants.»

Vers de meilleures pratiques

Puisque l’on trouve une proportion d’immigrants de trois à quatre fois plus importante dans les centres urbains qu’en région, la chercheuse estime que la formation à l’éducation interculturelle est très pertinente pour tous les futurs enseignants.

«Les gens de certaines régions se sentent moins concernés mais pourtant, nous sommes plusieurs chercheurs à être d’avis que c’est d’autant plus important pour les enseignants qui évoluent dans un milieu plus homogène d’être préparés à côtoyer la différence, dit-elle. Quand on leur présente des données statistiques sur l’immigration, plusieurs étudiants sont très surpris de découvrir les chiffres de leur région.»

Lors du colloque, Marilyn Steinbach a présenté les résultats d'une autoanalyse des pratiques pédagogiques en éducation interculturelle, par le biais de données recueillies auprès des étudiantes et étudiants de l’UdeS. La rencontre a réuni des chercheurs universitaires, mais également des professionnels qui œuvrent dans le milieu scolaire.

«Nous sommes des chercheurs mais aussi des professeurs dont le mandat est de former nos futurs enseignants. Alors nous avons aussi un grand intérêt à voir quelles sont les pratiques qui sont efficaces et comment nous pouvons les améliorer. On peut regarder les politiques ministérielles en éducation interculturelle, mais les pratiques en milieu scolaire, c’est ce qui nous intéresse avant tout!» conclut-elle.

Étudier en médiation interculturelle à l’UdeS

La professeure Steinbach signale que l’UdeS propose depuis quelques années des programmes de formation interdisciplinaire de médiation interculturelle, auxquels prennent part des représentants de cinq facultés, dont celle d’Éducation. Les programmes de diplôme et de maîtrise en médiation interculturelle ont été créés pour répondre spécifiquement au besoin de former des personnes-ressources qui pourront œuvrer au sein de diverses organisations, dans le domaine de l’interculturalité. Pour plus de renseignements, voir le lien complémentaire, en fin de texte.


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