Acheter en ligne : un geste rempli d'émotions!
On a aujourd'hui la possibilité d'acheter à peu près n'importe quel produit via Internet. Dans le confort de son foyer, on évalue différentes options, on cherche le meilleur prix, et quelques clics plus tard, nous voici prêts à donner un numéro de carte de crédit et à espérer la prochaine visite du facteur. Plusieurs personnes voient l'achat de produits en ligne comme une activité rationnelle, dénuée d'émotions. En effet, sans le contact humain entre le vendeur et le client, il semble difficile de faire passer le courant entre la personne et la machine. Or, la réalité est tout autre, explique le professeur Jean Éthier, de la Faculté d'administration.
«L'achat en ligne peut générer chez le consommateur plusieurs émotions, comme la joie, le plaisir et la fierté, ou à l'inverse, la crainte, la frustration et même la colère. Et ces émotions ont une importance capitale dans les décisions d'achat des internautes», dit le chercheur.
Le professeur Éthier a mené une première étude sur la question il y a quelques années. «À l'époque, les habitudes des consommateurs étaient moins ancrées, dit-il. Les gens moins férus de technologies pouvaient montrer une grande fierté à réussir un achat en ligne, alors qu'ils percevaient cette tâche comme étant complexe. Les gens étaient également plus craintifs quant à la sécurité des transactions.»
La clé : bien structurer l'information
En plus d'identifier les émotions et leur incidence sur le comportement des consommateurs internautes, les travaux du professeur Éthier visent à mieux cibler les composantes des sites Internet qui contribuent à susciter ces émotions. Autrement dit, à trouver des clés pour rendre l'expérience de navigation agréable et positive, en éliminant les irritants.
«Pour ce faire, nous avons analysé les aspects ergonomiques des sites Web en évaluant quels sont les éléments de l'interface qui peuvent faire ressortir les émotions positives, explique le professeur. Les quatre éléments pris en compte étaient la facilité de navigation, la structure de l'information, la disposition du texte et enfin, l'aspect visuel, comme le graphisme et le choix de couleurs.»
L'équipe de Jean Éthier a pu déterminer que ce sont les deux premiers éléments qui font la différence. La beauté graphique ou la prose des textes a moins d'importance car les acheteurs recherchent un site qui leur offre beaucoup d'information pertinente, et dans lequel ils peuvent naviguer facilement. «Cette notion est très importante pour quiconque développe un site, puisqu'il y a un lien important entre les sentiments positifs et les décisions d'achat. L'internaute qui trouve facilement réponse à ses questions aura envie de rester plus longtemps sur le site, ou d'y revenir. Par contre, s'il se perd dans un dédale de menus et de pages, il risque d'être frustré, de quitter la page et de se tourner vers un autre site. Et une telle démarche se déroule en quelques secondes à peine», illustre-t-il.
Un sujet à creuser
Selon des chiffres compilés par le Centre francophone d'informatisation des organisations, environ 17 % des Québécois ont recouru au Web l'an dernier pour des achats et ont dépensé 308 M$. Il s'agit d'une fraction des ventes de commerce au détail qui totalisent environ huit milliards de dollars. En proportion, certaines études estiment que les Québécois achètent deux fois moins en ligne que les Américains. Pour expliquer ce retard, certaines hypothèses ciblent la barrière de la langue et le fait que les sites d'achat se sont développés plus rapidement aux États-Unis que chez nous.
Ce constat motive d'autant plus le professeur Éthier à creuser le sujet des émotions liées aux habitudes d'achat des internautes. «Les gestionnaires de sites Internet ont tout intérêt à bien connaître les besoins de leur clientèle parce que les revenus des sites Web sont généralement associés au nombre de visites, explique le chercheur. Souvent, dans les sondages, on se limite à des aspects rationnels, mais on ne tient pas compte des aspects touchant à l'expérience : la navigation était-elle agréable? éprouvez-vous du plaisir à visiter notre site? Or, nos travaux montrent que cet aspect des comportements est crucial pour susciter l'intention d'acheter. Et quand on commence à acheter sur un site et qu'on apprécie l'expérience, on y retourne», dit-il.
Dans un second volet du projet soutenu par le Fonds québécois de recherche sur la culture et la société, Jean Éthier cherchera notamment à savoir si d'autres émotions sont en jeu dans le commerce électronique, et comment ces émotions pourraient se manifester. Il abordera des questions touchant à l'achat impulsif, à intention d'acheter à nouveau sur un site qui nous plaît.
Il tentera également de décortiquer les émotions en fonction de la dizaine d'étapes liées du processus d'achat, de la recherche d'information au paiement final. Enfin, il tentera de déterminer si l'achat de produits plus complexes ou plus coûteux a une influence sur les émotions générées.