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Il était une fois… la magie bénéfique des livres de contes

Plus de 1 000 ouvrages anciens sur la littérature québécoise et européenne pour l’enfance et la jeunesse se trouvent à la bibliothèque Roger-Maltais du Campus principal, grâce à la collection Jacques Cloutier.
Plus de 1 000 ouvrages anciens sur la littérature québécoise et européenne pour l’enfance et la jeunesse se trouvent à la bibliothèque Roger-Maltais du Campus principal, grâce à la collection Jacques Cloutier.
Photo : Michel Caron - UdeS

Pour plusieurs, la période des Fêtes marque un temps d’arrêt où il fait bon retrouver son cœur d’enfant, notamment en renouant avec la lecture de contes merveilleux. Plonger dans l’univers des Casse-Noisettes, Petite Fille aux allumettes et autres récits aurait en outre un effet des plus bénéfiques sur notre santé psychologique. Un constat qui fait du bien, en cette année difficile qui s’achève.

C’est d’ailleurs aux adultes que s’adressent les premiers contes français écrits, qui apparaissent à la fin du XVIIe siècle. Spécialiste de l’histoire de la littérature française de cette époque, le professeur Nicholas Dion mentionne l’effet de nostalgie vécue par celles et ceux à qui l’on a maintes fois raconté ces contes depuis l’enfance, qui les redécouvrent alors à l’écrit. L’inéluctable morale que l’on note à la toute fin des histoires n’est de plus pas destinée aux enfants, mais bien aux adultes.

La leçon du Petit Chaperon rouge qui tombe tragiquement aux mains du grand méchant loup de Perreault, c’est aux femmes qu’elle s’adresse, pour les mettre en garde contre les beaux parleurs en apparence doucereux.

 Professeur Nicholas Dion, du Département des arts, langues et littératures de la Faculté des lettres et sciences humaines

Il faudra attendre l’avènement du XVIIIe siècle et sa réflexion sur l’éducation des jeunes enfants, entre autres par l’entremise de la littérature, pour voir poindre des contes réécrits pour eux. Les récits seront alors fortement remaniés – principalement par des autrices –, soucieuses de les rendre plus convenables en en adaptant les préceptes moraux.

De l’oralité aux versions officielles écrites

Le professeur Nicholas Dion, spécialiste de l’histoire de la littérature française des XVIIe et XVIIIe siècles.
Le professeur Nicholas Dion, spécialiste de l’histoire de la littérature française des XVIIe et XVIIIe siècles.
Photo : Michel Caron - UdeS

Hérités de la tradition orale, les premiers contes français que l’on retrouve à l’écrit sont issus de nombreuses histoires qui se racontent depuis des milliers d’année. Les recueils publiés résultent ainsi de la combinaison de plusieurs versions de contes. Le fait de figer sur papier les tribulations de Peau d’âne, du Petit Poucet ou de Cendrillon a eu pour effet d’arrêter certaines versions devenues plus ou moins officielles, que l’on connaît aujourd’hui.

Les textes de l’époque sont rédigés dans une langue classique, pratiquement châtiée, qui ne rappelle que très peu les contes oraux, comme le mentionne le professeur Dion :

On est bien loin de la transcription phonétique du conteur ou de la grand-mère qui raconte. La langue est très bien écrite.

Des contes pour nous soutenir et traverser les épreuves 

Se laisser porter par la fantaisie des contes ou récits de fiction semble s’avérer par ailleurs une expérience des plus salutaires pour bon nombre de lectrices et lecteurs. C’est ce qu’observe la professeure et psychologue Anne Brault-Labbé, directrice du Laboratoire de recherche en psychologie existentielle du Département de psychologie.

Spécialiste de la psychologie humaniste, la professeure Anne Brault-Labbé, du Département de psychologie, dirige le Laboratoire de recherche en psychologie existentielle.
Spécialiste de la psychologie humaniste, la professeure Anne Brault-Labbé, du Département de psychologie, dirige le Laboratoire de recherche en psychologie existentielle.
Photo : Michel Caron - UdeS

Dans le cadre de leurs travaux, la spécialiste et son équipe d’étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs s’intéressent aux expériences d’adversité universelles, ces difficultés auxquelles toute personne peut être exposée au cours de sa vie. Le difficile contexte actuel de pandémie mondiale constitue sans contredit un exemple d’adversité existentielle à la fois éloquent et inédit.

La professeure se penche plus particulièrement sur la manière dont les gens tentent de composer avec de tels contextes d’adversité, et sur les mécanismes d’adaptation et de résilience mis en place pour y parvenir.

Parmi les moyens utilisés, on constate que l’art semble occuper une place importante : non seulement il divertit, mais souvent il semble soutenir la traversée d’épreuves et de situations de vie difficiles.

Professeure Anne Brault-Labbé, du Département de psychologie de la Faculté des lettres et sciences humaines

À la fois divertissants et captivants, les récits nourrissent l’imaginaire et permettent entre autres de sortir du quotidien, de s’évader, en mettant ses responsabilités et tracas entre parenthèses. Plusieurs évoquent le côté « rafraîchissant », « stimulant », « réconfortant » et « reposant » des œuvres de fiction, indique la directrice du Laboratoire de recherche en psychologie existentielle.

En outre, le fait de s’immerger, de plonger dans une histoire présentant une situation et des émotions d’adversité semblables à celles que l’on vit, aurait le potentiel de produire des bienfaits sur la santé psychologique et mentale. Selon la professeure Brault-Labbé, le recours au style métaphorique et imagé des contes fait davantage appel au canal émotionnel qu’au canal rationnel pour appréhender différents aspects de la réalité et représenter différentes expériences humaines. Cela favoriserait la prise de contact avec des parties de soi parfois mises de côté, plus ou moins consciemment. Par ailleurs, le fait que cette connexion à soi s’établisse par voie indirecte, de manière symbolique ou à travers l’histoire de quelqu’un d’autre, apparaît plus propice à l’apprivoisement et à l’exploration d’émotions difficiles, afin d’entreprendre une réflexion plus distanciée et moins confrontante sur son propre parcours.

Moins de solitude là où il y a les livres

Les récits de fiction sembleraient remplir une certaine fonction « relationnelle », qui contribuerait à diminuer le sentiment de solitude.
Les récits de fiction sembleraient remplir une certaine fonction « relationnelle », qui contribuerait à diminuer le sentiment de solitude.
Photo : Michel Caron - UdeS

Les récits et autres œuvres de fiction rempliraient en outre une certaine fonction « relationnelle », en ce qu’ils contribueraient à diminuer le sentiment de solitude ressenti par plusieurs personnes. Ces dernières verraient – voire vivraient – souvent ces manifestations artistiques comme une présence réconfortante et rassurante.

Elles ont l’impression d’être comprises, soutenues en quelque sorte, avec l’illustration de difficultés qui ressemblent aux leurs, et l’impression que l’histoire ou son autrice ou auteur s’adresse à elles.

Professeure Anne Brault-Labbé

Elle ajoute que les récits offrent souvent des modèles inspirants de courage, de ténacité, de solidarité ou de générosité, qui permettent d’entrevoir la réalité sous un angle nouveau ou différent, et parfois d’apporter un tout autre éclairage sur l’interprétation de certaines situations.

En somme, à l’approche d’une période des Fêtes qui n’a rien à voir avec celles que l’on a connues, et qui sera invariablement ponctuée de moments de solitude pour bon nombre d’entre nous, la magie des livres de contes et d’histoires pourra certainement apporter un peu de baume et de réconfort pour traverser la prochaine année.

À propos du Laboratoire de recherche en psychologie existentielle
Le Laboratoire de recherche en psychologie existentielle est dirigé par la professeure spécialiste en psychologie humaniste et psychologue Anne Brault-Labbé, du Département de psychologie de la Faculté des lettres et sciences humaines. Les travaux qui y sont menés s’articulent autour de trois axes, soit le vécu individuel et collectif lié aux adversités de l'existence humaine, les arts et la culture au service du mieux-être individuel et collectif, ainsi que la compréhension de la douance et de sa complexité, notamment sur le plan existentiel. Dans le cadre de leur thèse ou de leur mémoire doctoral, les étudiantes et étudiants Amélie Hamel-Lesieur, Alex Lachance, Vicky Veilleux, Julie-Ann Parent et Jessica Lalande contribuent activement au développement de l’axe portant sur les arts et la culture.

À propos de la collection Jacques Cloutier
Principalement utilisée par les chercheuses et chercheurs en histoire et en littérature, la collection Jacques Cloutier regroupe 1539 ouvrages publiés entre 1871 et 1890 sur la littérature québécoise et européenne pour l’enfance et la jeunesse. Ces livres anciens doivent être consultés sur place, à la bibliothèque Roger-Maltais de l’UdeS.

Exposition « Il était une fois… la magie bénéfique des livres de contes »
Jusqu'au 12 février 2021, une exposition de livres rares se tient à l’entrée de la bibliothèque Roger-Maltais du Campus principal de l'UdeS. Cette exposition a été préparée par le professeur Nicholas Dion, et présente des livres rares de la collection Jacques Cloutier. Il s’agit de livres pour enfants dont le sujet est le conte. 


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