Journée internationale des femmes
Carrière, famille et pouvoir : où en sont-elles?
En ce lendemain du 100e anniversaire de la Journée internationale des femmes, l'heure est au questionnement. Le statut social de la femme a-t-il évolué? Pour le meilleur ou pour le pire? Avis de quelques spécialistes de l'Université de Sherbrooke.
Plus que jamais, les femmes modernes doivent composer avec une pression sociale qui incite à la performance et à l'atteinte de la perfection. Elles jonglent éperdument avec une carrière prolifique, une famille épanouie, une relation amoureuse équilibrée, une saine alimentation, les activités parascolaires, les loisirs, la vie sociale, les trois matins au gym, les cours de ski la fin de semaine… En a-t-il toujours été ainsi? Il est surprenant d'apprendre que les femmes débordées d'aujourd'hui le sont probablement moins que celles de la Nouvelle-France.
Des femmes actives en Nouvelle-France
Benoît Grenier, professeur au Département d'histoire, explique : «Les femmes de la Nouvelle-France étaient de véritables femmes d'affaires. Leur mari, devant s'absenter plusieurs mois par année, signait des procurations, laissant le devoir de tenir le commerce à leur épouse. Elles étaient donc des femmes de métier : artisanes, boulangères, forgeronnes, agricultrices, orfèvres, marchandes, etc. Contrairement à ce que l'on pense, les rôles de l'homme et de la femme n'étaient pas encore définis à cette époque. Ce n'est que plus tard, à l'arrivée de l'industrialisation, en 1850, qu'ils ont pris forme et que la femme a été attitrée à la maison.
«Avant cela, tout se faisait en famille et tous étaient mis à contribution. De plus, les femmes étaient obligées d'avoir beaucoup d'enfants. La conciliation travail-famille était alors encore plus difficile qu'aujourd'hui», affirme Benoît Grenier. Il y a par contre une nuance : même si la douce moitié était très autonome, elle n'avait pas pour autant de pouvoir «concret». Rien ne lui appartenait et sans procuration de son mari, elle ne pouvait rien faire. C'est là que s'inscrit l'évolution. Les femmes d'antan et de maintenant sont tout aussi occupées, mais celles d'aujourd'hui ont acquis beaucoup d'indépendance.
PDG de la colonie?
De nos jours, une femme peut théoriquement accomplir tout ce qu'elle veut. Mais en pratique, le peut-elle vraiment? Est-ce qu'une femme désirant devenir PDG d'une compagnie, par exemple, aura autant de facilité qu'un homme? La réponse est non. «Dans notre société, il existe malheureusement un plafond de verre, précise Allison Marchildon, professeure en éthique appliquée. Ce plafond invisible fait en sorte que plus on monte dans la hiérarchie, moins il y a de femmes. Pas parce qu'on leur en empêche concrètement, mais parce que la réalité est que la conciliation travail-famille est encore très difficile pour une femme.»
Comment devenir PDG alors qu'on doit s'occuper de trois enfants, alors qu'on doit prendre des congés de maternité chaque année, alors qu'on doit revenir avant 18 h parce que la garderie ferme? C'est un peu le même scénario que dans «l'ancien temps»; une femme ne pouvait pas vraiment devenir une entrepreneure indépendante ou gouverner la colonie.
Des changements familiaux
Dans les années 60, l'arrivée des anovulants a donné le ton au mouvement féministe qui allait s'opérer. Louise Bienvenue, directrice du Département d'histoire, explique : «La transition entre le mode de vie rural et urbain a fait en sorte que les femmes ont voulu limiter leurs grossesses. Habiter dans un 3½ avec 18 enfants, ce n'était pas l'idéal. La femme maternelle est une image tellement puissante dans l'imaginaire collectif qu'il en reste des résidus dans notre société; une femme qui ne veut pas avoir d'enfants est encore mal perçue.»
Et maintenant?
Après le droit de vote, l'accès aux études, l'équité salariale, qu'est-ce qui attend les féministes? Certains pensent que leur temps est révolu, mais au contraire, elles mènent un combat plus difficile que jamais : la lutte pour déconstruire les stéréotypes sexuels. Il faut imposer un discours critique sur l'objectivation du corps féminin. De ce côté, très peu d'évolution, une bataille à ses balbutiements et qui nécessitera des efforts soutenus.