La liberté comme processus de création

Dans le cadre du cours «Chanson francophone», quelque deux cents étudiants de l'UdeS ont eu l'occasion de rencontrer récemment l'auteur-compositeur-interprète Daniel Bélanger durant près de trois heures afin de discuter avec lui de son parcours professionnel et de son processus de création. Généreux, authentique et pince-sans-rire, il a su charmer son auditoire.

«C'est la première fois qu'on m'invite à discuter de mon travail, à expliquer comment je crée des chansons. Je suis très heureux de le faire avec des jeunes universitaires, mais c'est tout de même un peu ironique, moi qui n'ai pas complété mon secondaire 5», a révélé l'artiste tout en reconnaissant l'importance des études. «J'ai voulu y retourner, surtout pour améliorer ma maîtrise de la langue française, mais j'ai eu peur que ça change mon style d'écriture. Je prends beaucoup de détours quand j'écris et j'aime les tournures de phrases que ça provoque.»

L'instigatrice de cette rencontre, Noémi Doyon, doctorante en études françaises et chargée de cours au Département des lettres et communications, a complété un mémoire de maîtrise sur l'œuvre du chanteur québécois. «Je suis heureuse pour mes étudiants. Ils ont l'opportunité de rencontrer une figure marquante de la chanson francophone et d'explorer avec lui son travail. Ils pourront ainsi mieux comprendre le métier d'auteur-compositeur-interprète, et ce, de l'intérieur», a expliqué Mme Doyon. «En ce qui me concerne, c'est un rêve qui se réalise. C'est un grand moment pour moi.»

Animée avec intelligence, cette rencontre a tout d'abord permis aux participants de se remémorer les diverses productions de Daniel Bélanger – pour lesquelles il a remporté de nombreux prix – avant de se plonger dans l'étude plus approfondie de sa façon de créer. «Mon premier album était de la poésie, peut-être que je fuyais là-dedans. Au deuxième, j'étais déjà plus direct dans mon écriture et toujours de plus en plus direct au fil du temps. En fait, tout se passe bien souvent dans la première phrase de mes chansons. Je trouve cette phrase et tout le reste en découle», a-t-il confié.

Il avoue ne pas savoir comment recréer le "bon état" pour composer une chanson. «C'est différent d'une fois à l'autre. J'ai écrit Dans un spoutnik en temps réel, la chanson dure à peu près quatre minutes, j'en ai pris cinq pour l'écrire. Pour d'autres chansons, je peux prendre des mois. Quand j'écris, je me demande toujours comment j'expliquerais mon idée à une personne de mon âge si elle était devant moi. Je cherche bien sûr un angle nouveau, original pour le dire.»

Il est conscient qu'il a une approche très spontanée face à l'écriture. «Je ne force rien, j'assume qu'il peut ne rien se passer pendant un bout de temps et qu'il pourrait ne plus y avoir d'inspiration, que ce soit fini. J'accepte cette situation. Quand je crée, je fais ce que je veux. Plaire est un paramètre parmi bien d'autres dans ma démarche. Il y a un temps pour chaque chose. Je ne me censure pas, j'écris et, après, je me questionne sur ce que j'ai fait. Je me base sur mes goûts et sur ce que je ressens. Je veux ensuite établir un contact avec le public à partir de cette création, que je continue de travailler, mais à travers ce que je suis, sans compromis.»

Qu'est-ce qui le motive? «J'ai fait des chansons pour gagner ma vie, parce que j'ai été élevé comme ça, il faut travailler. À un moment, on veut aller plus loin. Quand on a une bonne réponse, on veut continuer et même se dépasser, pousser un peu plus. Je veux surprendre le public, certains restent et me suivent, d'autres partent. Je sais qu'il y a des gens qui s'attendent à ce que je les surprenne.»

Daniel Bélanger vient de terminer la création de la musique pour le théâtre musical Sainte Carmen de la Main, pièce écrite par Michel Tremblay et mise en scène par René Richard Cyr, qui sera présenté au printemps 2013. Ce nouveau projet découle évidemment du succès récent du spectacle Belles-Sœurs, une autre pièce de Tremblay, pour lequel il a aussi composé la musique.

L'artiste a révélé être actuellement en écriture, mais qu'il n'était pas satisfait du résultat. Parions qu'il trouvera bien quelques chansons à l'intérieur de sa guitare, selon son expression, et qu'il saura encore nous surprendre avec son prochain album. En attendant, laissons cette multitude de lignes de son œuvre, bien imprimées dans notre mémoire, nous habiter jusqu'à la prochaine rencontre.

Oeuvre de Daniel Bélanger

Discographie
Les insomniaques s'amusent (1992)
Quatre saisons dans le désordre (1996)
Tricycle (1999)
Rêver mieux (2001)
Déflaboxe (2003)
L'échec du matériel (2007)
Joli chaos (2008)
Nous (2009)

Publications
Erreur d'impression (2000)
Auto-Stop (2011)