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Gagnante du Concours de vulgarisation scientifique

Les protéines alternatives : à la découverte d’un monde parallèle

Anaïs Chauvin, doctorante et candidate au Ph. D. au département d'anatomie et de biologie cellulaire
Anaïs Chauvin, doctorante et candidate au Ph. D. au département d'anatomie et de biologie cellulaire
Photo : Michel Caron - UdeS

Envisager l’existence d’un monde parallèle… Une idée folle? C’est pourtant la dernière théorie révolutionnaire que le célèbre astrophysicien Stephen Hawking a publiée peu avant sa mort en début d’année. Cette découverte engendre alors de nombreuses interrogations sur les potentiels « autres » individus présents dans ce monde parallèle. Ces autres… Combien sont-ils? Comment communiquer avec eux? Quels seraient les impacts sur notre société? Sont-ils dangereux?

Professeur Xavier Roucou, chercheur au Département de biochimie de l'UdeS
Professeur Xavier Roucou, chercheur au Département de biochimie de l'UdeS
Photo : Michel Caron - UdeS

Il y a quelques années, ce monde parallèle a été mis en évidence à l’échelle de la cellule par l’équipe du professeur Xavier Roucou, chercheur au Département de biochimie de l’Université de Sherbrooke. Cette découverte majeure annonçant l’arrivée de ces nouveaux acteurs sur la scène cellulaire et l’étude de leurs interactions avec les acteurs déjà connus peuvent apporter des précisions sur le fonctionnement de la cellule et représentent un espoir pour la compréhension de pathologies dont les causes exactes sont encore inconnues, par exemple, la maladie de Parkinson ou encore la maladie de Charcot.

C’est pourquoi, aujourd’hui, cette équipe cherche plus que jamais à identifier ces nouveaux individus, leurs rôles ainsi que les communications existantes dans l’univers cellulaire tel que nous le connaissons.

Un monde microscopique

Les cellules du corps humain sont semblables à des fourmilières. Elles fonctionnent grâce à de petites molécules appelées protéines, qui représenteraient les fourmis, et dont l’ensemble constitue le protéome. Il existe environ 100 000 protéines différentes chez l’homme qui agissent avec des fonctions définies dans la cellule comme des fourmis ouvrières. La découverte réalisée par l’équipe du Pr Roucou vient alors considérablement augmenter le nombre de fourmis ouvrières dans la fourmilière.

Les protéines : une histoire de lecture

Les protéines sont produites à partir de nos gènes. En biologie, on parle de traduction des gènes en protéines. L’ensemble des gènes est appelé génome. Imaginez que le génome soit un livre et que chaque gène représente un mot, par exemple « Découverte ». Nous avons appris à lire en commençant par la première lettre du mot. Commencez maintenant par la deuxième ou la troisième. On obtient alors « Ecouverte » ou encore « Couverte ». Si nous considérons que les mots sont des gènes, qui seront ensuite traduits en protéines, on obtient alors de nouvelles protéines dites alternatives selon la première lettre lue. On appelle ce phénomène le décalage du cadre de lecture. Pendant longtemps, ces protéines alternatives n’ont pas été considérées, mais sont aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches scientifiques très prometteuses qui risquent de remettre en question un bon nombre de points décrits dans les livres de biologie actuels.

Protéines alternatives : conte ou réalité?

Dans cette étude, les chercheurs ont analysé le génome humain et ont lu les différents cadres de lecture de ce livre grâce à de puissants outils bio-informatiques. Ils ont découvert plus de 150 000 protéines alternatives supplémentaires. Pour vérifier si l’histoire contée était réelle et si ces nouveaux acteurs existaient vraiment, ils ont étudié plusieurs protéines connues et leurs homologues alternatifs dans des cellules humaines. Pour plusieurs couples comme MID51/altMID51 ou DDIT3/altDDIT3, ils ont découvert que ces protéines étaient localisées au même endroit dans la cellule et que leurs fonctions étaient étroitement associées. Cette étude montre donc que même si elles sont différentes, ces ouvrières alternatives ne sont pas insignifiantes et qu’elles agissent en collaboration avec les ouvrières déjà connues dans la fourmilière.

Et le but dans tout ça?

Un mauvais contrôle de la quantité de protéines dans une cellule peut être responsable de maladies comme le cancer. Ces protéines sont souvent la cible des traitements existants cependant il existe encore de nombreuses maladies dont on ignore la cause. Les protéines alternatives constituent donc un espoir naissant pour l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques et la découverte de nouveaux traitements.

L’existence de ces protéines pourrait en partie expliquer pourquoi l’humain est un organisme beaucoup plus complexe que le chimpanzé ou la souris malgré un nombre de gènes similaire. Cette découverte vient élargir une vision étroite du protéome humain et permettra une meilleure compréhension du fonctionnement de nos cellules. Dans ce monde parallèle, tout reste à découvrir…

À propos d'Anaïs Chauvin

Anaïs Chauvin est étudiante au doctorat, candidate au Ph. D. au Département d’anatomie et de biologie cellulaire. Elle concentre ses recherches sur l’identification de biomarqueurs protéiques qui seraient capables de prédire la réponse au traitement chez les patients atteints de cancer du rectum. Elle utilise principalement la spectrométrie de masse pour ses études, notamment grâce à la plateforme dirigée par son directeur de recherche, le Pr François-Michel Boisvert. C’est la deuxième année qu’elle participe au concours de vulgarisation scientifique : « J’aime écrire et c’est encore plus stimulant d’écrire pour faire partager ma passion aux gens qui nous entourent. »

À propos du concours

L’Université de Sherbrooke tient annuellement le Concours de vulgarisation scientifique, dont les objectifs sont de stimuler des vocations en vulgarisation scientifique et d’augmenter le rayonnement des travaux de recherche qui s’effectuent à l’Université, qu’ils soient de nature fondamentale ou appliquée.


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