Aller au contenu

Prix Hector-Fabre

Comprendre l’autre pour bâtir des ponts

La Pre associée Michèle Vatz Laaroussi
La Pre associée Michèle Vatz Laaroussi

Photo : UdeS - Michel Caron

Le sourire franc de Michèle Vatz Laaroussi témoigne d’une vive soif de comprendre l’autre dans toute sa diversité. Le 18 janvier, la chercheuse a d’ailleurs reçu le prix Hector-Fabre, pour l’ampleur de sa contribution au rayonnement de Sherbrooke sur le plan international.

Pour elle, le prix Hector‑Fabre reconnaît surtout l’importance d’un sujet pourtant marginal, qui guide les recherches engagées qu’elle mène depuis 25 ans et la motive à donner une place aux voix que peu entendent. « Je suis fière d’avoir amené des gens, des groupes ou des sociétés à considérer les immigrants comme des êtres humains à part entière, avec des espoirs, des projets, de la résilience, des compétences et des différences, aussi », confie-t-elle, presque gênée.

Comprendre l'immigration, un projet de vie

Bien avant son propre déracinement, qui la mène, avec sa famille, de la France au Québec, l’humble professeure se penche sur la réalité des immigrants et immigrantes. Comme travailleuse sociale dans l’Hexagone, elle œuvre auprès d’eux dans un contexte qui est, déjà dans les années 1990, assez tendu. Comprenant que le dialogue est la clé de bien des maux, cette détentrice d’un doctorat en psychologie s’intéresse rapidement au rôle de la famille et de la femme dans l’immigration.

À son arrivée à l’Université de Sherbrooke, Michèle Vatz Laaroussi conserve ses premières amours, mais axe sa réflexion sur la situation en région. Comment se passe ce bouleversement dans la vie des gens qui s’installent hors des grands centres? Et comment réagissent les localités d’accueil?

Ces questions suscitent un tel intérêt que la chercheuse fonde l’Observatoire de l’immigration dans les zones à faible densité d’immigrants. Avec d’autres, elle y scrute les politiques mises en œuvre aux plans municipal et régional pour accueillir les personnes immigrantes. Son objectif? Dresser le portrait des options possibles selon leur contexte d’application et leurs résultats, positifs ou négatifs. Elle souhaite ainsi donner des pistes de réflexion et des outils concrets aux décideurs politiques.

L’initiative s’envole bientôt : de Sherbrooke à Thedford Mines ou Granby, puis aux provinces maritimes, à l’Alberta… Elle devient pancanadienne. Les efforts de l’Observatoire résonnent aussi à l’international : ils suscitent l’intérêt de la Suisse, de la Belgique, de l’Espagne et de l’Australie. Plusieurs pays d’Amérique du Sud et d’Afrique du Nord intègrent ensuite la réflexion amorcée.

Lutter contre les préjugés avec la médiation interculturelle

Partout, Michèle Vatz Laaroussi constate que les préjugés sont solides et qu’ils dressent des murs entre les communautés. « Les préjugés, c’est une vision fixe des autres, alors que les personnes sont mobiles, dynamiques », explique-t-elle, en comparant ce dynamisme à celui des cultures. La médiation interculturelle est l’outil de prédilection de cette professeure engagée pour diminuer, petit à petit, les tensions. Cette méthode vise à établir des ponts entre des groupes différents, voire opposés, afin de favoriser leur réunion sur un ou plusieurs enjeux qui les touchent. La médiation interculturelle n’est pas sans frictions, mais elle produit des résultats que la chercheuse trouve positifs.

Affiche annonçant le Grand dialogue, destiné à rapprocher des femmes de tout horizon
Affiche annonçant le Grand dialogue, destiné à rapprocher des femmes de tout horizon

Photo : Gracieuseté de Maïté Simard

Dans le cadre d’un projet de recherche action-médiation, Michèle Vatz Laaroussi et une équipe plurielle ont réuni, au campus de Longueuil, des femmes d’horizons variés pour un forum et un colloque international touchant les féminismes… Les féminismes? « Plusieurs courants féministes sont en jeu actuellement. Depuis les accommodements raisonnables ou le projet de Charte des valeurs, le tissu social entre les femmes a subi beaucoup de déchirures », précise celle pour qui ces déchirures ne sont pas irréparables.

L’objectif de ces rencontres était justement de renouveler les solidarités entre ces groupes divisés et, parfois, isolés. Par exemple, féministes québécoises et femmes de confession musulmane partagent plusieurs préoccupations, comme la lutte contre la pauvreté ou la violence faite aux femmes. Si les femmes d’un pays luttent contre des enjeux précis, elles n’en sont pas moins solidaires avec celles d’ailleurs. Se le rappeler rapproche plus que bien des projets de loi.

Page couverture du guide d'accompagnement
Page couverture du guide d'accompagnement

Photo : Gracieuseté de Maïté Simard

Partager les expériences grâce à un guide d'accompagnement

La recherche a donné lieu à un guide d’accompagnement. Basé sur l’expérience vécue au Québec, ce document propose une base, pratique et théorique, pour établir une relation entre groupes en tension. Chaque communauté l’adapte à sa réalité et à ses besoins. À Madagascar, notamment, il a été utilisé par des groupes s’intéressant au droit à l’avortement. Cette question divise le peuple malgache, et même ses femmes. Après la mort de Simone Veil, femme politique française ayant dépénalisé l’interruption de grossesse, un hommage lui a été rendu : il s’est accompagné de rencontres entre personnages clés de regroupements politiques, féministes, familiaux, religieux et universitaires. Et le dialogue est relancé…

Fidèle à elle-même, Michèle Vatz Laaroussi souligne la contribution des autres à l’hommage que constitue la réception du prix Hector-Fabre. La collaboration et l’implication d’organisations sherbrookoises, comme Rencontre interculturelle des familles de l’Estrie (RIFE), ont été centrales dans le rayonnement que l’énergique chercheuse a réussi à conférer à Sherbrooke. Membre du comité d’administration de RIFE, la professeure, retraitée depuis le début de l’année, entend continuer à rapprocher la recherche du « monde réel » et à enraciner le savoir là où des voix moins entendues résonnent enfin.


Informations complémentaires