Chaire SAQ sur la valorisation du verre dans les matériaux
Quand le génie sort de la bouteille
Qu’ont en commun le pont Darwin de L’Île-des-Sœurs, une cinquantaine de planchers de succursales de la SAQ et plusieurs km de trottoirs à Montréal et dans d’autres villes du Québec ? Le béton utilisé dans leur conception contient de la poudre de verre. Pour une 4e fois depuis 2004, la Chaire SAQ de valorisation du verre dans les matériaux peut compter sur l’enthousiasme et la participation de ses partenaires pour poursuivre les travaux en ce sens, avec à sa tête Arezki Tagnit-Hamou, professeur à la Faculté de génie. La Chaire s’appuie sur un financement de l’ordre de 2,4 M$ pour 5 ans, de 2020 à 2024. Cette somme comprend les contributions des partenaires suivants : SAQ, partenaire principal présent depuis 16 ans, Hydro-Québec, Ville de Montréal, Ville de Sherbrooke, Éco Entreprises Québec, Prodexim International, Techo-Bloc et La Fondation de l'UdeS.
Les recherches l’ont prouvé : l’ajout de poudre de verre dans le béton en remplacement d’une partie du ciment permet d’obtenir un béton beaucoup plus durable, imperméable et résistant, en plus de contribuer à réduire de façon importante l’émission de GES liée à sa production.
Poudre de verre : après la normalisation, la démocratisation
Aucun nouvel ajout cimentaire n’avait été normalisé dans le monde depuis les 40 dernières années.
Au cours des cinq dernières années, l’équipe de la Chaire s’est concentrée sur la normalisation de la poudre de verre comme matériau cimentaire – aussi bien dans la norme canadienne (CSA A3000) que dans la norme américaine (ASTM) – et sur le transfert des connaissances vers l’industrie. Plusieurs chantiers ont en effet été réalisés avec du béton de poudre de verre.
J’espère vivement que nos efforts basculeront vers une démocratisation accrue de l’utilisation de la poudre de verre dans le béton. Selon moi, on n’en est qu’aux balbutiements de l’utilisation de la poudre de verre dans des réalisations innovantes liées au transport ou à l’architecture. On doit consolider les acquis et poursuivre nos transferts de technologies vers l’industrie et les propriétaires d’ouvrages, comme les municipalités.
Pr Arezki Tagnit-Hamou, titulaire de la Chaire
Forte de ces succès, la Chaire SAQ a bien l’intention d’accentuer la synergie entre l’industrie, les municipalités et les activités de la Chaire dans la recherche de solutions toujours plus innovantes. Elles travailleront ensemble à valoriser le verre mixte, développer d’autres types de bétons, poursuivre le transfert de technologies vers l’industrie du ciment et du béton, participer à la normalisation de l’utilisation du verre dans le béton et à la caractérisation des agrégats de verre issus des centres de tri du Québec, ainsi qu’à effectuer l’analyse du cycle de vie du béton avec poudre de verre.
SAQ : fidèle partenaire depuis 16 ans
En 2022, la consigne élargie sera implantée au Québec, et les industries pourront alors profiter d’une grande quantité de verre récupéré d’excellente qualité prête à la transformation. Dans ce contexte, la poudre de verre sera une solution de choix pour donner une nouvelle vie à cette matière, notamment en l’intégrant comme composante dans le béton. »
Marie-Hélène Lagacé, vice-présidente, Affaires publiques et responsabilité sociétale, à la SAQ.
Des réalisations porteuses, dont une première mondiale
La poudre de verre et l’étendue de son utilisation suscitent l’intérêt à travers le monde. Dernièrement, c’est son intégration dans le pont Darwin, situé à L’Île-des-Sœurs, une première mondiale, qui a piqué la curiosité du monde scientifique et des Québécois. En effet, après la construction du second pont Darwin en 2021, ce sera l’équivalent de 70 000 bouteilles de vin qui auront trouvé une seconde vie et qui auront permis d’économiser 40 000 kg de ciment. L’American Concrete Institute (ACI) – volet Québec a d’ailleurs remis son Prix d’excellence « Infrastructures 2021 » à cette réalisation.
La Chaire SAQ : un pilier pour l’UdeS
Selon le vice-recteur à la recherche et aux études supérieures, le professeur Jean-Pierre Perreault :
La continuité des travaux de recherche de cette Chaire contribuera à consolider la position de l’Université de Sherbrooke comme chef de file en transfert de connaissances et en valorisation. Le groupe de recherche sur le béton de l’UdeS est l’un de nos piliers depuis de nombreuses années, représentant une carte maîtresse sur l’échiquier planétaire de la recherche universitaire. L’UdeS a une fois de plus démontré, en formant du personnel hautement qualifié dans le domaine, et avec l’aide d’un partenaire de longue date, la SAQ, que tout secteur d’activité pouvait être associé à l’innovation.
Le second souffle du verre
Béton et ciment ne sont pas synonymes, contrairement à l’usage populaire. Le ciment est une poudre avec laquelle on fabrique du béton : le ciment est donc au béton ce que la farine est au pain.
Le béton est l’un des matériaux de construction les plus utilisés sur la planète. Comme sa fabrication produit une grande quantité de GES, une production centrée sur le développement durable doit impérativement être mise de l’avant. La valorisation du verre mixte dans le béton présente donc une avenue très prometteuse dans ce contexte. Composé principalement de sable, une ressource surutilisée sur la planète et en voie de disparaître, le verre doit justement trouver son second souffle. La composition chimique et minéralogique du verre présente des propriétés intéressantes pour remplacer une partie du ciment dans le béton.
Pour chaque tonne de poudre de verre utilisée dans le béton comme ajout cimentaire, on réduit d’environ 0,6 tonne les émissions de GES. Actuellement, selon les critères spécifiques à chaque usage du béton, il est possible de remplacer entre 20 et 40 % du ciment par des ajouts cimentaires. Par ailleurs, pour la certification LEED, l’utilisation du verre dans le béton donne le double de points à une construction par rapport à l’utilisation d’autres ajouts.
L'ingénierie à l'interface du génie et du développement durable
Former du personnel hautement qualifié dans le domaine est un des objectifs fondamentaux de la Chaire. Ces professionnels sont en réelle demande dans le secteur des matériaux de construction avec une composante en développement durable. Plusieurs chercheuses et chercheurs postdoctoraux, doctorantes et doctorants, étudiantes et étudiants à la maîtrise et stagiaires de 1er cycle seront formés sous les travaux de la Chaire. On a besoin d’une solide équipe pour faire vivre un grand laboratoire où l’on teste à plusieurs échelles, où l’on fait plusieurs essais de durabilité et où l’on utilise des méthodes accélérées pour tester le béton. Les cadres et ingénieurs de l’industrie du béton seront également sensibilisés à l’importance de l’interdisciplinarité et du développement durable qui sous-tendent les travaux de la Chaire.
Un des avancements notables dont je suis particulièrement fier, conclut le titulaire, c’est la présence de plus en plus visible du développement durable dans l’industrie du béton. La Chaire permet justement de former des ingénieures et ingénieurs à l’interface du génie et du développement durable.