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Subvention 2022-2023 du CRSH

Enjeux juridiques relatifs aux femmes et aux filles victimes de traite des êtres humains, réfugiées ou migrantes, au Canada

Photo : UdeS

La professeure Kristine Plouffe-Malette vient de recevoir une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) pour son projet intitulé Enjeux juridiques relatifs aux femmes et aux filles victimes de traite des êtres humains, réfugiées ou migrantes, au Canada : étude croisée en droit des réfugiés et en droit pénal. Elle sera appuyée par Me Vanessa Tanguay, chargée de cours à la Faculté de droit et doctorante à la Faculté de droit de l’Université McGill.

Selon les plus récentes données, la problématique de la traite des personnes, dont les femmes et les filles représentent près de 96 % des victimes au Canada, ne cesse de s’accentuer dans les Amériques. Constituant un crime au Canada depuis 2005, la traite est également un motif de refuge. Par conséquent, le droit canadien produit deux types de victimes de traite des êtres humains : l’un via le droit pénal, l’autre via le droit des réfugiés. Or, toutes deux ne bénéficient pas du même traitement migratoire et juridique.

Une victime migrante collaborant avec les autorités canadiennes se verra octroyer un statut de résidence temporaire renouvelable et éventuellement un statut de victime de traite, alors qu’une demandeure d’asile peut se voir accorder un statut permanent, mais sans reconnaissance de statut de victime de traite des êtres humains.

Puisque l’on observe une hausse marquée des demandes d’asile aux frontières depuis 2017, il est envisageable que le croisement entre cette arrivée de migrantes et l’accentuation du phénomène de traite des femmes et filles exige de comprendre cette expérience particulière de violence vécue par les victimes et les survivantes. De nombreuses études ont déjà permis de comprendre les dynamiques, les enjeux et les défis que rencontrent les demandeures d’asile et les victimes de traite. Or, peu de littérature se penche précisément sur les liens qui s’opèrent entre ces femmes et ces filles qui demandent l’asile et qui se disent – ou pourraient être identifiées comme – victime de traite des êtres humains et les migrantes non réfugiées qui collaborent avec les autorités pénales en raison d’une situation vécue de traite des êtres humains.

Certaines font apparaitre les problèmes concrets relatifs à l’identification de la victime, sa protection, son soutien, ainsi que son accès à la justice. Nous constatons que les deux régimes juridiques applicables, soit le droit des réfugiés et le droit pénal, reposent sur des fondements, des objectifs, des conceptions et des mécanismes distincts. La connaissance n’opérant pas de ponts entre ceux-ci, on pourrait envisager des effets inégalitaires disproportionnés du traitement juridique de l’expérience vécue par ces femmes et ces filles. Elles sont exposées à des risques accrus de violences en raison de leur genre à l’intersection de leur statut migratoire.

Notre collecte de données cernera l’état des lieux des enjeux énoncés précédemment, avec une vision globale, distincte de l’approche compartimentée habituellement adoptée. La recension de la littérature juridique ainsi que des sources provenant des branches exécutive, législative et judiciaire de l’État canadien sera effectuée pour la période 2012-2022, période marquée par l’entrée en action de la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et le lancement du premier Plan d’action nationale de lutte contre la traite de personnes. Cette synthèse de connaissances permettra ainsi de constater les possibilités du droit applicable pour répondre à ces problématiques et en démontrer les lacunes pour garantir la protection de ces femmes et filles. L’analyse permettra de proposer de potentielles transformations du droit et des politiques à adopter en plus d’énoncer les défis de recherche à explorer à l’avenir.