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Portrait de l’étudiante Léïla Paul

Des berges du Pekuakami à l’UdeS

Originaire de Mashteuiatsh, Léïla Paul entame cet automne sa deuxième année au baccalauréat en droit.
Originaire de Mashteuiatsh, Léïla Paul entame cet automne sa deuxième année au baccalauréat en droit.
Photo : Michel Caron - UdeS

Bordant le majestueux Pekuakami – ou lac Saint-Jean, la communauté de Mashteuiatsh est le berceau de bon nombre de figures de proue de la culture innue. L’animateur et écrivain Michel Jean, qui en a campé le décor dans son roman à succès Kukum, et la talentueuse poétesse Marie-Andrée Gill, sont du lot. Après un passage professionnel à l’UdeS, Julie Philippe devenait quant à elle la première femme autochtone à accéder à la magistrature au Québec. Portée par un vif désir de défendre les droits des personnes et de crier haro sur les injustices, l’étudiante Léïla Paul, qui entreprenait l’an dernier des études au baccalauréat en droit à Sherbrooke, pourrait être la prochaine à faire la fierté des Pekuakamiulnuatsh.

Lorsqu’elle évoque le Nitassinan, territoire ancestral où elle allait en famille marcher en forêt, taquiner la truite et chasser le petit gibier, les yeux de Léïla pétillent.

Je suis très attachée à mon territoire. C’est tellement ressourçant et agréable d’y être. J’aime ce calme, la nature.

Récemment, l’étudiante a même renoué avec la descente en canot, un sport qu’elle pratiquait de manière régulière dans l’enfance avec son père.

Parce qu’elle aime les animaux, elle envisage d’abord de devenir vétérinaire. Ses parents lui inculquent dès son plus jeune âge l’importance de l’établissement d’un rapport de respect envers le règne animal. Pas question de s’adonner à la chasse récréative, et encore moins de jouer avec les os et les carcasses d’animaux.

On chassait pour se nourrir, et on gardait absolument tout :  la viande, la peau, les os. Mon cousin récupérait certaines parties pour en faire de l’artisanat. C’était essentiel d’avoir une reconnaissance vis-à-vis de l’animal.

Des contes et légendes transmis de générations en générations au sein de la communauté placent d’ailleurs au centre de leur morale le respect sacré des animaux. Léïla se remémore un mythe populaire dans lequel, par exemple, une divinité animale revient hanter deux fillettes s’étant coiffées, pour se moquer, d’arêtes de poissons sur leurs têtes.

« Tu ferais une bonne avocate! »

Finalement, c’est plutôt vers des études en droit que Leïla choisit de se diriger. Pour celle qui a toujours aimé argumenter et débattre, mais aussi aider les autres, une carrière d’avocate semblait toute désignée.

Sans doute parce que j’aimais bien m’obstiner et que je ne lâchais pas le morceau facilement, mon père me disait que je ferais sûrement une bonne avocate, rigole-t-elle. Défendre les droits et les injustices, ça vient me chercher, j’aime mon domaine.

Son intérêt pour le droit a par ailleurs été confirmé dans le cadre de visites estivales dans sa communauté, où elle a pu travailler avec une avocate basée sur place. Depuis 2019, Mashteuiatsh a entamé des démarches visant à se doter de sa propre Constitution, qui devrait voir le jour sous peu. Véritable geste d’affirmation de protection de sa culture et de ses valeurs, la nouvelle loi vise à établir le cadre juridique dans lequel la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh souhaite évoluer.

On est vraiment à côté de la ville de Roberval; il y a des avantages, mais ça fait aussi en sorte qu’on a un peu perdu notre culture. Ma langue maternelle, c’est le français. Le nehlueun est de moins en moins parlé à Mashteuiatsh. Il faut préserver notre langue et notre identité.

L’étudiante se réjouit par ailleurs que des cours de nehlueun soient offerts chaque semaine à l’ensemble du personnel employé par le Conseil de bande de la communauté, afin qu’il puisse se familiariser avec la langue Pekuakamiulnuatsh.

Écologistes avant l'heure

La communauté de Mashteuiatsh borde le majestueux Pekuakami, vu ici depuis Chambord, aux portes de la région du Lac-Saint-Jean.
La communauté de Mashteuiatsh borde le majestueux Pekuakami, vu ici depuis Chambord, aux portes de la région du Lac-Saint-Jean.
Photo : Fournie

Mashteuiatsh se trouvant à plus de 450 kilomètres de Sherbrooke, il arrive que Léïla s’ennuie de sa famille et de son coin de pays, qu’elle ne peut pas revoir aussi souvent qu’elle le souhaiterait. La proximité avec la nature et le calme qu’elle retrouve dans une ville verte comme Sherbrooke lui rappellent toutefois sa région natale, ce qui lui fait le plus grand bien.

Questionnée à savoir quel serait selon elle l’un des enseignements ou savoirs issus des Autochtones dont les allochtones gagneraient à s’inspirer, la future bachelière en droit répond sans hésiter que c’est le rapport à la nature. Si elle ne peut qu’applaudir la prédominance actuelle du discours écologiste, elle souligne que les peuples autochtones vouent depuis toujours un véritable respect à l’environnement. Jeune, lorsqu’elle descendait en canot avec son père, celui-ci se faisait un devoir de ramasser les déchets croisés en chemin.

Ça fait combien d'années que les Autochtones protègent la nature? Ça a toujours été inné. La nature, on ne la brise pas. Il y a forcément des apprentissages, encore aujourd’hui, à tirer de notre rapport à plus grand que nous.

Lorsqu’elle aura terminé sa formation universitaire, la jeune Pekuakamiulnu aspire à retourner chez elle, afin de se rapprocher de sa famille et contribuer de manière concrète à défendre les droits des membres de sa communauté… tout en profitant du calme et de la beauté du Nitassinan.


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