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Porter ses convictions environnementales

Noémie Videaud Maillette, étudiante à la maîtrise en gestion de l’environnement et économie circulaire au Campus de Longueuil
Noémie Videaud Maillette, étudiante à la maîtrise en gestion de l’environnement et économie circulaire au Campus de Longueuil
Photo : Jacques Frenette – collaborateur

Que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle, Noémie Videaud Maillette, lauréate de la bourse Laure Waridel 2022, s’intéresse aux enjeux socio-environnementaux de la mode. L’étudiante à la maîtrise en environnement multiplie les occasions de s’impliquer et de partager ses connaissances sur le sujet. Portrait d’une jeune entrepreneure à la fibre engagée.

Noémie a démarré pas une, mais deux entreprises en économie circulaire. La coopérative Entremaille et la compagnie Collatéraux sont toutes deux nées des préoccupations environnementales de l’étudiante, mais aussi de son désir d’agir pour changer les choses.

Ce désir retentit jusque dans sa maîtrise, qu'elle suit au Campus de Longueuil, où elle compte réaliser un projet d'envergure qui prendra une forme bien différente de l’essai classique. Mariant engagement et créativité, elle souhaite que son projet s’inscrive dans l’offre du Centre universitaire de formation en environnement et développement durable (CUFE), qui permet, depuis 1 an, à ses étudiants et étudiantes d’explorer d’autres formats que l'essai comme projet de fin d'études.

Noémie amorce tout juste sa maîtrise, tout est encore à bâtir concernant ce projet final. Mais si une chose est bien présente, c'est son ambition de concrétiser le projet qu'elle caresse et qui l'a poussée à s'inscrire aux études supérieures en environnement.

Actrice de changement

Passionnée de théâtre, Noémie a toujours su qu’elle utiliserait l’art de la scène pour conscientiser le public aux enjeux environnementaux. L’étudiante a d’ailleurs un projet bien particulier, celui de sensibiliser les gens aux impacts de l’industrie de la mode sous forme de théâtre documentaire!

Le théâtre documentaire se distingue notamment par son contenu engagé, où des sujets politiques, sociaux, historiques et contemporains sont abordés.

Pour l’étudiante-entrepreneure, le médium du théâtre s’impose. « Pour éduquer quelqu’un, pour le conscientiser, il faut d’abord le toucher, explique-t-elle. On a la fâcheuse habitude de ne pas changer nos comportements tant qu’on n’en voit pas les impacts directs. »
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a nommé son projet « Loin des yeux, loin du cœur ».
Malgré son profond désir de voir les choses changer, Noémie ne se berce pas d’illusions, elle sait que ça prendra bien plus qu’une pièce de théâtre pour renverser les habitudes de consommation de toute une communauté.

Mon but, c’est de planter une petite graine dans la tête des gens pour qu’ils puissent poursuivre la réflexion par eux-mêmes.

« Parce que ce n’est pas réaliste pour quiconque de changer complètement ses habitudes de consommation en allant voir un théâtre documentaire, concède-t-elle. Ça prend du temps. »

Au-delà de l’étiquette

Comment peut-on faire pour connaître la portée environnementale de notre garde-robe? La vraie réponse, c’est qu’actuellement c’est impossible.

Même si nos vêtements proviennent de compagnies québécoises et même s’ils sont fabriqués avec des tissus écoresponsables, l’impact environnemental demeure énorme, parce que les tissus ont déjà parcouru des milliers de kilomètres. On a beau lire attentivement l’étiquette d’un vêtement, celle-ci ne nous dit pas tout.

« C’est difficile de voir la réelle portée environnementale de nos vêtements. Aujourd’hui, les textiles viennent essentiellement de l’extérieur du Québec. Et, bien souvent, les créateurs de vêtements n’ont, eux-mêmes, pas accès à l’entièreté de l’information concernant leurs tissus. Ils ne connaissent pas non plus la provenance de chacune des fibres d’un tissu. » Donc, comment un consommateur pourrait-il, lui, mesurer l’impact ou la portée environnementale d’un vêtement?

En tant qu’entrepreneure, je me suis retrouvée face à un enjeu : comment je fais pour concevoir des vêtements avec la plus faible empreinte écologique possible, alors que même les tissus écoresponsables sont produits à l’autre bout de la planète?

Designer d’aujourd’hui pour demain

Voici un exemple des créations vestimentaires de Noémie.
Voici un exemple des créations vestimentaires de Noémie.
Photo : Fournie

La solution à notre contexte actuel, au Québec, c’est de produire à partir de matière qu’on possède déjà.

J’ai constaté qu’il y avait des pertes énormes, oui en ce qui a trait à la postconsommation, mais il y a aussi beaucoup de pertes postindustrielles.

La jeune entrepreneure explique que le découpage d’un vêtement va entraîner beaucoup de pertes et de retailles de tissu, qui ne seront généralement pas réutilisées par nos entreprises. Puis, les modes s’enchaînent si vite, sont si éphémères, que les rouleaux de tissu ne seront souvent pas utilisés complètement. Et, malheureusement, les tissus ne seront pas réutilisés pour une autre collection, parce qu’ils seront considérés comme démodés.

C’est à partir de cette prise de conscience qu’elle a commencé à produire elle-même des vêtements provenant de tissus récupérés. Puis, elle a décidé d’élargir son offre pour permettre à d’autres de se vêtir, eux aussi, de vêtements à la fois confortables et écologiques.

À un certain moment, dans mon processus entrepreneurial, je me suis rendu compte qu’on avait besoin de centraliser ces pertes, de les remettre sur le marché, de créer un marché d’économie circulaire. Parce que ce n’est pas avec une seule entreprise qui fait de l’économie circulaire qu’on va y arriver.

C’est de là qu’est né le projet Entremaille, qui agit, notamment, à titre de boutique de chutes textiles et de fin de rouleaux postindustriels.

Le marché de seconde main : une solution?

L’économie circulaire fait effectivement partie de la solution. Mais qu’en est-il du marché de seconde main? Ne fait-il pas, lui aussi, partie de la solution? Pas tout à fait!

Bien que l’industrie de seconde main soit favorable à un aspect circulaire de notre consommation, un enjeu demeure : notre consommation ne ralentit pas.

À vrai dire, on ne consomme pas moins. Ce qui a changé, c’est que les gens ne se tiennent plus responsables de leur consommation, ils justifient un achat impulsif en se disant qu’ils pourront toujours le redonner au suivant lorsqu’ils n’en voudront plus.

« Les gens consomment rapidement et se débarrassent rapidement; ça, ça n’a pas changé. » 

La réelle solution, selon Noémie, est de changer notre rapport au vêtement. 

Pourquoi on n’achèterait pas un vêtement comme on achète un meuble?

« Quand on achète un divan, par exemple, on réfléchit au tissu, à la texture, aux motifs, à la durabilité, poursuit-elle. On sait qu’on aura à le voir longtemps dans notre salon et qu’on ne pourra pas se permettre de le changer à court terme. On réfléchit donc aux moindres détails, on veut s’assurer que ça s’agence bien avec ce qu’on a déjà à la maison. On devrait réfléchir tout autant quand on achète un vêtement. » 

Pour réduire le gaspillage textile, il est primordial d’aller à la source du problème et, donc, de revoir nos pratiques. C’est pourquoi le deuxième volet d’Entremaille est un Centre de formation en écoconception, essentiel à la transition de l’industrie et celle de sa clientèle. Noémie précise que le changement s’opère que lorsque l’ensemble de la collectivité se sent concerné et peut prendre part au changement.

Les deux projets entrepreneuriaux de Noémie :

Collatéraux produit des vêtements et accessoires à partir de pertes postindustrielles et postconsommation pour donner une seconde vie à la matière. Collatéraux produit aussi une baladodiffusion qui présente les initiatives locales afin de partager et démocratiser le savoir-faire durable au Québec.

Entremaille est une coopérative qui offre une boutique de chutes textiles et de fin de rouleaux postindustriels, et un centre de formation en écoconception pour instruire et accompagner l’industrie et sa clientèle.



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