Financement fédéral de 24 M$
RE-MOVE : redonner mouvement et autonomie aux personnes paralysées grâce à la neuromodulation

Photo : Mathieu Lanthier – UdeS
John vit avec une lésion de la moelle épinière depuis plus de 30 ans, à la suite d'un accident de voiture survenu à l'âge de 16 ans. Depuis ce jour, il est tétraplégique, et sa vie est marquée par les défis quotidiens liés à sa paralysie. Au-delà des limitations physiques évidentes, c'est une série de souffrances invisibles qui façonnent son quotidien : spasmes musculaires, douleur neuropathique intense et vigilance constante face aux risques de santé liés à sa condition. Pourtant, il y a quelques années, une rencontre avec le Pr Christian Iorio-Morin a changé la vision de son état et lui a donné une lueur d’espoir. À l’aide de John et entouré d’une équipe interdisciplinaire impliquant 13 autres cochercheurs, Christian Iorio-Morin, neurochirurgien et professeur-chercheur au Département de chirurgie de la FMSS, a mis sur pied RE-MOVE, un projet novateur qui vise à restaurer le mouvement chez des personnes paralysées, comme John.
Bien que ces atteintes entraînent généralement des déficits irréversibles, les circuits neuronaux responsables du contrôle musculaire, situés dans la moelle épinière, restent souvent intacts. Cela pourrait permettre de mettre en place des solutions de neuromodulation permettant de restaurer le mouvement en contournant la lésion.
Christian Iorio-Morin, neurochirurgien et professeur-chercheur à la FMSS
Les technologies de neuromodulation telles que celles que le Pr Iorio-Morin, également professeur-chercheur au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS), et son équipe souhaitent développer détectent l’intention de mouvement et activent les muscles paralysés via des interfaces homme-machine. Toutefois, les dispositifs actuels ne sont efficaces que pour une minorité de patients et patientes. Le projet RE-MOVE vise à surmonter ces limitations en développant un système de neuromodulation innovant, capable de restaurer un contrôle musculaire naturel et fonctionnel chez un plus grand nombre de personnes paralysées.
Le projet RE-MOVE est le fruit d’une vision que le Pr Iorio-Morin et moi partageons depuis plusieurs années. En tant que collaborateur, je suis convaincu que la combinaison de mon expertise en mécanismes neurophysiologiques et de la sienne en neurochirurgie fonctionnelle en plus de celles de nos nombreux autres collaborateurs, nous a permis de mettre sur pied un projet d’une portée exceptionnelle. Nous croyons qu’en redonnant non seulement le mouvement, mais aussi la sensation du mouvement, nous pouvons véritablement changer la donne pour les personnes vivant avec une paralysie.
Pr Alain Frigon, professeur-chercheur au Département de pharmacologie-physiologie
Le projet RE-MOVE propose de restaurer ce type de contrôle musculaire en utilisant des capteurs corticaux, des gants haptiques et des capteurs EMG, qui permettent de détecter l'intention de mouvement et de générer une stimulation adaptée, en temps réel. C'est cette interaction en temps réel avec la technologie qui pourrait permettre à John et à d’autres personnes paralysées de retrouver une autonomie qu’ils pensaient perdue.
Ce projet offre une chance réelle d’améliorer les conditions de vie des personnes vivant avec un ou des membres paralysés. En réunissant des technologies prometteuses, RE-MOVE pourrait transformer des vies et rendre la neuromodulation vraiment accessible à ceux qui en ont besoin et leur permettre de bouger de manière contrôlée.
Christian Iorio-Morin, neurochirurgien et professeur-chercheur à la FMSS

Photo : Mathieu Lanthier – UdeS
Ce projet a fait l’objet d’un important financement de 24 M$, par le gouvernement du Canada. Il s'agit d'un des plus grands financements de l’histoire de l’Université de Sherbrooke. Le projet s’appuie également sur une étroite collaboration avec le CIUSSS de l’Estrie – CHUS, l’Université de Montréal, l’Université Laval, l’Université de Melbourne, l’Université d’Alberta et Polytechnique Montréal, et sur des partenariats avec Moelle épinière et motricité Québec (MÉMO-Qc), la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada ainsi que l’Institut de la moelle épinière Praxis.
Un projet interdisciplinaire au service des personnes paralysées
Le projet RE-MOVE s'appuie sur une équipe interdisciplinaire qui travaille en chœur pour dépasser les défis techniques, éthiques et humains. Ces experts et expertes viennent de divers horizons : neurosciences, ingénierie, droit et éthique. Ce modèle de collaboration, selon John, est l'une des plus grandes forces du projet.
Un aspect qui rend RE-MOVE unique est son engagement éthique, avec une approche dite « éthique par conception », où les considérations éthiques, techniques et réglementaires sont intégrées dès le départ, garantissant que chaque avancée technologique respecte les droits et le bien-être des utilisateurs.
En soi, la paralysie est un problème relativement simple : les commandes par lesquelles le cerveau contrôle les mouvements ne se rendent plus aux muscles, car une lésion interrompt le message en chemin. En théorie, un système de neuromodulation pourrait permettre de contourner cette lésion, mais le concept est très difficile à démontrer, car il nécessite le développement simultané de nouveaux dispositifs, de nouveaux logiciels, de nouveaux algorithmes de traitements de signaux et de nouvelles connaissances neurophysiologiques. Tous ces développements soulèvent des enjeux éthiques et réglementaires qui rendent des études humaines extrêmement complexes à mettre sur pied. Réaliser tout cela de manière séquentielle prendrait des décennies. L’idée est donc de tout faire simultanément, en parallèle, afin que les enjeux éthiques ou règlementaires soulevés puissent influencer directement le développement de la technologie.
Christian Iorio-Morin, neurochirurgien et professeur-chercheur à la FMSS
Le témoignage de personnes atteintes : un aspect essentiel au cœur de l’innovation
L’histoire de John est, en soi, un témoignage poignant de ce que les technologies comme celles développées dans RE-MOVE peuvent signifier. Son savoir expérientiel est d’autant plus important, car son vécu et celui de plusieurs de ses collègues influencent directement le développement technologique.
La force de RE-MOVE réside dans le leadership et la vaste expertise du Pr Iorio-Morin. Son équipe rassemble des experts de partout au Canada. Ce projet va au-delà de la technologie, il inclut l'éthique et les voix des personnes vivant avec des blessures de la moelle épinière, comme moi, pour s'assurer que la technologie réponde véritablement à nos besoins.
John, tétraplégique et collaborateur au projet de recherche
L’équipe interdisciplinaire derrière RE-MOVE
Le succès de RE-MOVE repose sur une équipe diverse et expérimentée, dont chaque membre apporte son expertise pour faire avancer les travaux. Parmi les figures clés du projet :
Neuroscience, Alain Frigon, professeur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé
Le Pr Alain Frigon, professeur-chercheur au Département de pharmacologie-physiologie de la FMSS et au CRCHUS, joue un rôle central dans le projet RE-MOVE en dirigeant la composante de recherche fondamentale. Spécialiste reconnu des circuits sensorimoteurs de la moelle épinière, il travaille en étroite collaboration avec les ingénieurs et les cliniciens pour développer des approches visant à restaurer le mouvement ainsi que la sensation du mouvement, notamment la proprioception, après des lésions spinales complètes ou partielles. Son apport consiste à concevoir et à affiner des méthodes innovantes de neuromodulation, qui seront d’abord testées sur des modèles précliniques avant d’être transposées à l’humain.
Ce projet repose sur une collaboration étroite entre des experts issus de disciplines complémentaires. C'est grâce à cette approche interdisciplinaire que nous pouvons avancer dans la recherche sur la neuromodulation au Canada.
Pr Alain Frigon, professeur-chercheur au Département de pharmacologie-physiologie et au CRCHUS

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Gant haptique et ingénierie, François Michaud, professeur à la Faculté de génie
François Michaud, professeur au Département de génie électrique et de génie informatique, de la Faculté de génie, joue un rôle central dans le projet RE-MOVE en supervisant le développement du logiciel d’intégration et la conception du gant haptique destiné à la neurostimulation. Fort de son expertise en robotique, il met à profit les compétences de son équipe pour relever les défis technologiques complexes liés à l’intégration des systèmes. Sa contribution vise à assurer la cohérence et l’efficacité des différentes composantes technologiques du projet. Il s’appuie sur la plateforme logicielle OpenTera, un environnement libre de droits développé par une équipe interdisciplinaire composée de membres du regroupement stratégique INTER de l’Université de Sherbrooke, qu’il enrichira avec des modules, applications et services de neuromodulation adaptés aux besoins spécifiques du projet. Cette approche contribue ainsi à accélérer le développement et le déploiement des technologies RE-MOVE, dans une optique à la fois efficace, collaborative et durable, dépassant le cadre strict de la recherche en optimisant le prototypage et son intégration.

Photo : Mathieu Lanthier – UdeS
Encadrement normatif, Charles-Étienne Daniel, professeur à la Faculté de droit et à la Faculté de génie
Charles-Étienne Daniel, professeur à la Faculté de droit et à la Faculté de génie, contribue au projet RE-MOVE en apportant une expertise essentielle sur les aspects normatifs et éthiques liés aux technologies émergentes. En collaboration avec son équipe, il mène une analyse approfondie du cadre normatif entourant le projet, abordant des enjeux tels que la responsabilité des acteurs, la régulation des données, la protection des droits fondamentaux et l’encadrement de la recherche. Il travaille également en étroite collaboration avec la Pre Allison Marchildon pour élaborer des lignes directrices et des outils de réflexion éthique à destination des membres du projet. Son double ancrage disciplinaire permet d’intégrer le droit dès les premières étapes du projet, plutôt que comme une validation finale, favorisant une réflexion continue sur les normes en jeu.
Le projet RE-MOVE offre une perspective très stimulante d’étudier différents enjeux situés à la frontière du droit, de l’éthique et du développement de technologies avant-gardistes, entre autres liés aux défis de l’incorporation de dispositifs artificiels dans le corps humain.
Charles-Étienne Daniel, professeur à la Faculté de droit et à la Faculté de génie

Photo : Mathieu Lanthier – UdeS
Éthique, Allison Marchildon, professeure à la Faculté des lettres et sciences humaines
La Pre Marchildon agit comme accompagnatrice éthique dans le projet RE-MOVE, présente dès les toutes premières étapes et jusqu’à la fin du processus. En collaboration avec son équipe et Charles-Étienne Daniel, elle soutient les chercheurs tout au long du projet — de l’idéation à l’expérimentation. Son rôle est d’intégrer l’éthique à chaque stade du développement technologique, afin d’anticiper les risques en amont et d’ajuster les choix jusqu’à la mise en usage réelle. Elle ne dicte pas de solutions, mais favorise une réflexion critique et collaborative sur les enjeux humains, sociaux et moraux. L’objectif est de concevoir une technologie éthique « par conception », en impliquant activement les équipes de recherche ainsi que les personnes susceptibles d'utiliser la technologie et en assurant un dialogue constant avec eux pour guider des décisions responsables et sensibles aux contextes d’utilisation.
Une démarche éthique réussie, c’est quand les questions éthiques ne sont pas un ajout en fin de parcours, mais un moteur de réflexion tout au long du projet — quand elles influencent les décisions concrètes et transforment, au besoin, la technologie elle-même. C’est exactement ce que permet le projet RE-MOVE, en intégrant l’éthique dès le départ et jusqu’à la fin, de façon réelle et engagée.
Allison Marchildon, professeure au Département de philosophie et d'éthique appliquée, Faculté des lettres et sciences humaines

Photo : Mathieu Lanthier – UdeS
Démonstration clinique, Christian Iorio-Morin
Le projet RE-MOVE suscite un fort engagement au sein du milieu hospitalier, en raison de son approche collaborative et de son potentiel à améliorer la qualité de vie des usagers et usagères. L’un des principaux défis du projet réside dans la réalisation de chirurgies sur des sujets humains, ce qui exige des équipements spécialisés ainsi que des salles d’opération à la fine pointe de la technologie. C’est pourquoi la collaboration avec le CIUSSS de l’Estrie – CHUS revêt une importance capitale.
Comme le souligne le Dr André Carpentier, directeur scientifique du CRCHUS : « RE-MOVE est à l’image de la mission universitaire de notre milieu et de son impact. On y retrouve des personnes de différents domaines qui unissent leurs forces, dans un esprit d’innovation, de collaboration et d’espoir. On y croise les savoirs, l’humain et l’action avec un but commun : veiller au mieux-être des usagers et des usagères. »
La chirurgie expérimentale est très rare au Québec. Le projet RE-MOVE repousse les limites de la collaboration habituelle avec le milieu hospitalier en l’appliquant à la chirurgie. C’est une contribution majeure qui favorisera et facilitera grandement la recherche chirurgicale dans le futur, bien au-delà des avancées déjà ambitieuses du projet lui-même.
Un futur transformé grâce à la neuromodulation
Le projet RE-MOVE incarne un espoir tangible pour des millions de personnes à travers le monde, dont John. Ce projet interdisciplinaire a le potentiel de transformer la vie des personnes paralysées suite à une lésion médullaire, un AVC, ou la sclérose en plaques, en offrant une solution technologique afin de permettre le retour de mouvements contrôlés. Une nouvelle possibilité de rétablir ce qui semblait perdu à jamais. Pour John, chaque avancée dans le cadre de RE-MOVE est un pas de plus vers un futur où la technologie pourrait non seulement améliorer sa qualité de vie, mais aussi redonner un sens à son autonomie.
À propos de Christian Iorio-Morin
- Professeur-chercheur au Département de chirurgie, FMSS
- Professeur-chercheur au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS)
- Neurochirurgien au CIUSSS de l'Estrie – CHUS
À propos de l’équipe du projet RE-MOVE
- Alain Frigon, Professeur-chercheur au Département de pharmacologie-physiologie, FMSS
- François Michaud, Professeur-chercheur au Département de génie électrique et de génie informatique, Faculté de génie
- Charles-Étienne Daniel, Professeur-chercheur à la Faculté de droit et à la Faculté de génie
- Allison Marchildon, Professeure-chercheuse au Département de philosophie et d'éthique appliquée, Faculté des lettres et sciences humaines