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Acfas 2019

Apprendre les sciences à l’extérieur : une alternative pour favoriser le transfert des apprentissages

Jean-Philippe Ayotte-Beaudet, chercheur régulier du CREAS et professeur au Département d'enseignement au préscolaire et au primaire de l'Université de Sherbrooke.
Jean-Philippe Ayotte-Beaudet, chercheur régulier du CREAS et professeur au Département d'enseignement au préscolaire et au primaire de l'Université de Sherbrooke.
Photo : Fournie

Dans son manuel de biologie, Chloé découvre que la menthe est une plante originaire de l’Europe et de l’Asie connue pour ses vertus culinaires et médicinales. Elle apprend sa leçon grâce au travail compétent de son enseignante, réussit son examen, cumule les points et reçoit des félicitations. Puis, une fois l’année terminée, Chloé passe chaque jour près d’une talle de menthe qui pousse le long du ruisseau bordant sa cour, sans savoir qu’elle s’y trouve et qu’elle pourrait en déguster les feuilles.

Au-delà des notes, Chloé a-t-elle réellement intégré les apprentissages de cette leçon? Comment faire pour que ses connaissances se tissent à son cheminement citoyen toute sa vie durant, à notre époque où la sensibilité aux questions environnementales et scientifiques prend une importance capitale?

Un moule à briser : l’enseignement scientifique hors contexte

C’est le thème des travaux réalisés par le professeur Jean-Philippe Ayotte-Beaudet, chercheur au Centre de recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des sciences (CREAS) et professeur en didactique des sciences et technologies à l’Université de Sherbrooke, qui suggèrent déjà une réponse : « L’élève qui découvre la science en contexte réel vit une émotion particulière et se rappelle son expérience beaucoup plus longtemps, car il tisse naturellement des liens significatifs avec son milieu. De plus, quand on voit des scientifiques au travail, ils sont généralement sur le terrain ou dans leur laboratoire. Il y a donc plusieurs formes de dissonance à confiner l’enseignement scientifique au contexte de la classe, alors que les exemples réels sont souvent à deux pas des écoles – même en milieu urbain. »

Le jeune chercheur prône de briser ce moule pour que les élèves intègrent pleinement ce qu’ils apprennent et l’appliquent à leur vie – condition essentielle à la formation de citoyens responsables qui agissent sur les enjeux du monde.

C’est un défi quotidien pour les personnes qui enseignent, car nous avons toutes et tous tendance à reproduire l’enseignement que nous avons nous-mêmes reçu. Il y a une culture à transformer et cela se fait d’abord en outillant le personnel enseignant.

Choisir ou créer le milieu optimal pour chaque apprentissage

Une première clé pour y parvenir est de quitter les carcans et les dogmes traditionnels de l’école et de se donner les moyens de choisir ou de créer le contexte le mieux adapté à chaque apprentissage. « Pour chaque situation didactique, je prône d’innover et de tout remettre sur la table en visant un seul but : pérenniser les apprentissages. Quand on choisit les meilleurs moyens, cela donne souvent lieu à des situations très créatives qui marquent l’esprit des élèves. »

Le pouvoir didactique de la chenille en pâte à modeler

Une enseignante aide un élève d'une école montréalaise à confectionner une chenille-appât qui servira à réaliser une expérience de biologie en contexte réel.
Une enseignante aide un élève d'une école montréalaise à confectionner une chenille-appât qui servira à réaliser une expérience de biologie en contexte réel.
Photo : Fournie

De connivence avec le personnel enseignant de trois écoles montréalaises et de concert avec ses collègues Pierre Chastenay et Alain Paquette, de l'UQAM, le professeur Ayotte-Beaudet a récemment réalisé une expérience-terrain d’un genre unique pour les élèves, qui étudiaient les interactions entre les êtres vivants. Avec l’aide de leur enseignante, ceux-ci ont d’abord confectionné de petites chenilles en pâte à modeler qu’ils ont ensuite déposées dans des arbres, sur le terrain de leur école. Les élèves sont retournés chercher leurs chenilles quelques jours plus tard pour constater leur état : certaines avaient été attaquées par des oiseaux, des rongeurs et des insectes. En faisant ce constat, ils se sont approprié des connaissances qui ne les quitteront jamais. « Le moment clé pour moi, c’est quand j’apprends que les enfants reproduisent ensuite leurs apprentissages de leur propre initiative, à la découverte de l'environnement de leur chalet ou dans leur cour. Ceux qui font ça sont accrochés pour la vie.

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Le moment clé pour moi, c’est quand j’apprends que les enfants reproduisent ensuite leurs apprentissages de leur propre initiative, à la découverte de l'environnement de leur chalet ou dans leur cour. Ceux qui font ça sont accrochés pour la vie.

Photo : Fournie

Connaître pour aimer, aimer pour protéger

Au début de ses études de doctorat, le professeur Ayotte-Beaudet envisageait de se consacrer à l’éducation relative à l’environnement. « Je suis très engagé dans ma vie personnelle et ce thème de recherche me semblait aller de soi. »

Photo : Fournie

Puis, lors d’un voyage d’études au Bénin, il a constaté que même dans un milieu scolaire si proche de la nature, les élèves apprenaient la science sans quitter leur siège. « J’ai alors compris qu’il était impossible de les sensibiliser réellement à leur environnement dans un tel contexte et j’ai réorienté mes travaux vers la didactique des sciences. Au primaire, il faut parler à l’enfant de façon positive de l’environnement pour développer son sentiment d’appartenance afin qu’il s’engage activement à le protéger. C’est tout le sens de ma recherche : changer les choses à long terme, en transformant d’abord l’expérience des enfants avec des approches didactiques stimulantes et motivantes. Ce qui m’anime réellement, ce sont les apprentissages eux-mêmes. Au final, j’atteins pleinement mes objectifs initiaux. »

Un élève observe à la loupe les traces laissées par différents prédateurs sur sa chenille en pâte à modeler.
Un élève observe à la loupe les traces laissées par différents prédateurs sur sa chenille en pâte à modeler.
Photo : Fournie

Le professeur Ayotte-Beaudet dirige actuellement les travaux sur ce thème de trois étudiantes à la maîtrise en sciences de l’éducation.

Le Pr Ayotte-Beaudet a présenté ses travaux de recherche le mercredi 29 mai 2019, dans le cadre du 87congrès de l’Association francophone pour le savoir (Acfas), qui s'est tenu du 27 au 31 mai à l’Université du Québec en Outaouais.


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