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Mois de la sensibilisation à la cybersécurité

Pandémie de COVID-19 : l’art d’exacerber les enjeux de cybersécurité

La pandémie de COVID-19 a exacerbé les enjeux de cybersécurité à travers le monde.
La pandémie de COVID-19 a exacerbé les enjeux de cybersécurité à travers le monde.
Photo : Andose24 | Dreamstime.com

Télétravail, offre de soutien à la population, manipulation de l’information : la pandémie de COVID-19 a révélé et accéléré les enjeux de cybersécurité à travers le monde. Alors que l’on entend plus souvent parler de l’angle informatique de la cybersécurité, ce sont ses aspects sociaux et politiques qui intéressent le professeur Hugo Loiseau pour saisir l’ensemble du phénomène et ses conséquences sur la société.

Hugo Loiseau, professeur titulaire à l’École de politique appliquée et membre du Groupe de recherche interdisciplinaire en cybersécurité (GRIC), définit la cybersécurité comme un phénomène à la fois matériel, logiciel, informationnel et social. C’est ce dernier aspect, plus méconnu, qui le passionne.

Selon moi, la cybersécurité consiste à observer, du point de vue social et politique, les changements qu’induit l’informatique.

Pr Hugo Loiseau

Ces changements se divisent en deux catégories : bénéfiques et préjudiciables. Bénéfiques : parce que les outils technologiques et logiciels permettent des avancées sociétales telles que le télétravail, les services gouvernementaux en ligne et le commerce électronique. Cependant, ils entrainent aussi de nombreux problèmes : campagnes de désinformation, manipulation des élections, vols de données et fraudes bancaires.

À propos du GRIC
Issu de subventions de Ressources naturelles Canada et de Sécurité publique Canada, le GRIC travaille à la sécurisation des petits distributeurs et producteurs d’hydroélectricité. Il est composé d’une vingtaine de membres de la communauté de l’Université de Sherbrooke issus de différentes facultés.

L’hygiène informatique

Hugo Loiseau, professeur titulaire à l'École de politique appliquée.
Hugo Loiseau, professeur titulaire à l'École de politique appliquée.

Concepteur d’un cours intitulé Enjeux politiques du cyberespace à l’École de politique appliquée, Hugo Loiseau prône l’enseignement de bonnes pratiques matérielles et logicielles afin de se protéger. Gestion des mots de passe et protection des caméras d’ordinateurs représentent quelques-unes des pratiques quotidiennes à intégrer. Elles servent à protéger les individus et à prévenir les problèmes inhérents au cyberespace.

Mais, en plus de la population générale, le professeur Loiseau avance que c’est l’ensemble de la classe politique qui doit être sensibilisée à ces questions. Les enjeux de cybersécurité ont tendance à s’accumuler sur les autres enjeux sociaux et politiques plus prégnants, qui doivent être réglés très rapidement telle la pandémie actuelle.

En arrière-plan, tous les grands enjeux de cybersécurité demeurent et, si on ne s’en occupe pas, c’est eux qui vont s’occuper de nous.

Pr Hugo Loiseau

Peser sur l’accélérateur

Le 13 mars dernier, lorsque le confinement au Québec et au Canada a commencé, les organisations sont passées du jour au lendemain en télétravail, et personne n’y était préparé. Comme c’est toujours le maillon faible qui cède en premier, les organisations se sont retrouvées à la merci de mauvaises manipulations de leurs employées et employés. Éduquer les gens et sécuriser la connexion entre le travail et la maison étaient donc les priorités afin de diminuer les risques de cybersécurité.

Même chose du côté des gouvernements. C’est pourquoi, dans tous les pays qui ont accordé de l’aide à leur population, le nombre de fraudes a explosé pendant la pandémie. Les initiatives mises en place dans l’urgence ont ouvert des brèches dans les systèmes informatiques dans lesquelles les pirates se sont infiltrés.

Les enjeux de manipulation de l’information sur les médias sociaux ont été prégnants pendant la pandémie.

Les enjeux de manipulation de l’information sur les médias sociaux ont été prégnants pendant la pandémie.


Photo : Michel Caron - UdeS

En plus des problèmes liés aux failles des ordinateurs et des logiciels, la pandémie a révélé des enjeux de manipulation et d’intoxication des informations de santé publique par les médias sociaux. La caisse de résonnance créée par ceux-ci a permis à des personnes, inaudibles auparavant, de prendre beaucoup de place dans l’espace public, et les théories complotistes ont envahi le cyberespace. De plus, le phénomène de la « science en train de se faire » a engendré de la dissonance dans la tête de la population; les individus ont donc éprouvé de la difficulté à détecter la vérité. Les mesures mal comprises ont entrainé des comportements délinquants, avec pour résultante une accentuation malheureuse des contaminations et des décès.

Ça pose un gros problème parce que les conséquences ne se mesurent pas en millions de dollars mais en morts. La cybercriminalité obtient habituellement de l’argent ou de l’information, mais rarement il y a mort d’homme en cybersécurité.

Pr Hugo Loiseau

Enseigner le respect

Dans la présente situation, ce qui prime, c’est la notion de respect. Surpris de constater à quel point les gens manquent de respect les uns envers les autres, en ligne ou hors ligne, le professeur Loiseau plaide pour de la sensibilisation sur le sujet telle que celle faite pour les violences à caractère sexuel (VACS). Il est cependant heureux de constater que les questions d’éthique se fraient un chemin dans les domaines de l’informatique et de l’ingénierie. Il intercède d’ailleurs pour que tous les professionnels et professionnelles qui ont accès à des données confidentielles ou personnelles soient sensibilisés et responsabilisés par rapport à ces enjeux.

Les problèmes de désinformation et de cybersécurité vont exploser dans les prochaines années avec l’augmentation de l’usage des outils informatiques, et c’est grâce à l’apprentissage de bonnes pratiques que les problèmes de cybersécurité pourront être régulés et diminués. Reste à savoir si les gens, confrontés à ces enjeux, vont développer de nouveaux réflexes et de bonnes habitudes. La vision optimiste présuppose que la société va progresser, mais, pour ce faire, des actes doivent être posés dès aujourd’hui afin d’éduquer chaque individu.

Vous souhaitez en apprendre davantage au sujet des aspects sociaux et politiques de la cybersécurité? Cybersecurity in Humanities and Social Sciences, le prochain livre d’Hugo Loiseau et de ses collègues Daniel Ventre et Hartmut Aden, paraîtra en anglais en novembre 2020, et la version française est attendue au courant de l’année 2021. Cet ouvrage s’intéresse aux outils de recherches en sciences sociales pour analyser la cybersécurité.


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