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Texte tiré du magazine Paroles de droit – Hiver 2016

L'interdisciplinarité ouvre de nouvelles perspectives

Photo : Adobe Stock

L’Université de Sherbrooke a toujours jugé nécessaire de se distinguer en développant des créneaux d’excellence pointus. Et en le faisant de manière novatrice.

Les formations qu’elle offre doivent donc s’adapter continuellement aux besoins en constante évolution que les étudiantes et les étudiants veulent satisfaire selon leurs objectifs personnels et professionnels, surtout que ces objectifs sont eux-mêmes fixés en fonction des enjeux que la société fait naître. L’actualité module en quelque sorte ces besoins, puisque les phénomènes sociaux qui retiennent aujourd’hui l’attention ne sont pas les mêmes qu’il y a 20 ans et ne seront plus les mêmes dans 20 ans.

L’analyse de l’actualité fait souvent intervenir diverses considérations religieuses. Dans une mesure qui tranche, cependant, avec celles qu’avaient les générations précédentes. Or, c’est justement cette évolution, commandant un nouvel angle d’analyse, qui a poussé l’Université de Sherbrooke à renouveler sa manière d’appréhender les phénomènes religieux.

Concrètement, qu’il soit question de conflits religieux, de radicalisation religieuse, de neutralité étatique, de mesures d’accueil de réfugiés de confession musulmane, d’accompagnement spirituel en fin de vie, d’enjeux bioéthiques ou de fondamentalisme, il est clair que le religieux ne cesse d’interpeller nos sociétés contemporaines. Plus que jamais, une compréhension globale des transformations du champ religieux et de ses effets sur la gouvernance de l’État et sur la société civile doit mobiliser les expertises disciplinaires les plus variées.

Avancer dans le respect de la tradition

Les phénomènes religieux sont étudiés, questionnés et analysés à l’Université de Sherbrooke depuis plus de cinquante ans. Pendant toutes ces années, les travaux menés par les professeurs, chercheurs et étudiants ont non seulement permis d’interroger les fondements des phénomènes religieux, bousculant au passage les frontières des champs disciplinaires traditionnels, mais aussi de développer des outils et des formules pédagogiques parfaitement adaptés à ces thématiques complexes.

La difficile réflexion qui a mené à la dissolution de la Faculté de théologie et d’études religieuses (FaTER), à l’automne 2015, n’effacera évidemment jamais cette histoire remarquable. L’Université de Sherbrooke, en se dotant d’une entité intimement et tout naturellement liée à sa tradition : le Centre d’études du religieux contemporain (CERC), souhaitait plutôt donner un nouvel élan à l’étude des phénomènes religieux. Certains traits de caractère propres à l’Université de Sherbrooke transpirent d’ailleurs de la démarche amorcée lorsque le Centre n’était qu’un projet. Selon Lucie Laflamme, vice-rectrice aux études, l’institution a fait une fois de plus preuve d’innovation et démontré sa capacité à s’adapter à la réalité d’aujourd’hui. « Puisque le religieux contemporain touche différentes sphères et que l’intérêt pour l’étudier est toujours bien présent, le maillage d’expertises est d’autant plus intéressant. »

Préconiser une approche interdisciplinaire

Unique au Québec, le Centre d’études du religieux contemporain regroupe plus de 20 professeurs qui travaillent dans des champs disciplinaires très différents, y compris l’histoire, la théologie, la médecine, le droit, la sociologie, l’anthropologie, la science politique, la psychologie, le travail social et la philosophie. L’interaction de ces acteurs apportera un éclairage novateur permettant de mieux comprendre et interpréter la place du religieux dans nos sociétés contemporaines. « Notre objectif est de fédérer les multiples compétences des professeurs qui travaillent sur le religieux à l’Université de Sherbrooke, afin d’offrir des formations théoriques et pratiques intégrant pleinement l’interdisciplinarité dans l’analyse du religieux. Ces formations seront bénéfiques à l’intégration des étudiantes et des étudiants dans leurs divers milieux professionnels. Elles stimuleront la recherche et favoriseront une meilleure diffusion du savoir », précise le directeur du CERC, le professeur David Koussens.

Le CERC a pour mission de systématiser l’étude interdisciplinaire du religieux contemporain en mobilisant les multiples expertises de son équipe de professeures et de professeurs. « On ne se contente pas de juxtaposer les expertises, mais on les croise pour une saisie plus globale de ce qu’est le religieux aujourd’hui », résume le professeur Koussens. Il ajoute que ce croisement peut facilement s’illustrer au moyen d’un exemple concret issu de l’actualité. « On parle beaucoup de la radicalisation religieuse; comment comprendre la radicalisation religieuse sans apport de la science politique et des enjeux géopolitiques, comment comprendre la radicalisation religieuse sans l’apport de la psychologie qui nous permet de saisir les trajectoires psychologiques des individus, l’apport de la sociologie qui nous outille sur la façon dont les jeunes issus de certains milieux vont rentrer dans des processus de sectarisation. »

David Morin, professeur à l’École de politique appliquée de la Faculté des lettres et sciences humaines et membre du corps professoral rattaché au Centre, est également d’avis que chaque discipline apporte un morceau du casse-tête permettant de comprendre les problématiques en lien avec la place du religieux dans les sociétés contemporaines. « L’importance de l’interdisciplinarité, c’est d’être capable de croiser les regards sur un même objet d’études, mais avec des points de vue différents pour essayer d’avoir une compréhension globale. Confronter les points de vue entre les différentes disciplines n’est aujourd’hui même plus un luxe, mais une nécessité pour essayer de bien comprendre ces phénomènes. »

Favoriser l’intégration et la collégialité

À la mission du Centre s’ajoutent une volonté d’intégrer les étudiants dans la vie universitaire et de faciliter la diffusion et la valorisation de leurs recherches, un désir de favoriser le regroupement de professeures et de professeurs pour permettre le développement de projets de recherche collectifs et une nécessité d’assurer une présence active de la recherche sur le religieux contemporain dans les communautés sherbrookoise, estrienne et québécoise.

Pour appuyer la poursuite de ces objectifs, le Centre a la chance de compter sur un important réseau de collaborations dans les milieux pratiques, ce qui facilite ensuite l’insertion professionnelle des étudiantes et des étudiants. De plus, le Centre collabore aussi avec des structures de recherche performantes, notamment la Chaire de recherche Droit, religion et laïcité et le Centre de recherche Société, Droit et Religions de l’Université de Sherbrooke (SoDRUS), qui alimentent la production et la diffusion des connaissances.

Le Centre est certes un lieu de formation, mais aussi et surtout un milieu de vie pour les étudiants et les professeurs. Sa taille humaine permet à chacun de trouver sa place pour y poursuivre au mieux ses projets. « Car c’est bien pour les étudiantes et les étudiants de l’Université de Sherbrooke que le Centre a vu le jour », précise David Koussens. « Il s’agit d’un véritable lieu d’échanges et de débats associant le plus largement possible l’ensemble de la communauté universitaire sherbrookoise ».

Élargir le spectre des sujets d’études

La structure du Centre et la diversité des disciplines qui y sont représentées permettent aux étudiantes et aux étudiants de formuler des problématiques extrêmement complexes faisant intervenir plus d’un spécialiste.

À titre d’exemples, on peut penser à la juriste qui vient prêter assistance au sociologue pour encadrer un doctorant qui veut approfondir la question de la liberté religieuse dans un Québec laïque, ou bien au théologien qui vient enrichir la réflexion amorcée avec le politologue quant à la délicate question de l’asile religieux.

Appliquer la connaissance sur le terrain

Selon Lorraine Derocher, professeure associée au CERC, les formations offertes au Centre permettent, bien sûr, de mieux comprendre certains phénomènes sociaux, mais aussi d’intervenir devant ceux-ci. Et c’est particulièrement pertinent dans son champ d’études : les sectes.

« Le Centre d’études du religieux contemporain vise à transférer la connaissance aux gens qui sont sur le terrain, aux gens qui sont dans le milieu. Je pense que le phénomène sectaire, le milieu des sectes religieuses, est un bon exemple d’un milieu qui est très difficile à aborder par les intervenants. Il faut connaître un peu ce que c’est une idéologie, ce que c’est la religion, il faut comprendre ce que c’est une communauté, ce que c’est une communauté fermée. Les intervenants qui s’intéressent et qui prennent le temps de comprendre ces phénomènes-là sont mieux au fait et mieux outillés pour intervenir. » Elle est ainsi persuadée que les formations offertes au CERC répondront bien aux besoins des gens qui, quotidiennement, sont confrontés à la diversité culturelle et à la diversité religieuse.

Ce constat est vrai pour la recherche sur les sectes comme il le sera aussi pour la recherche faite dans de nombreux autres secteurs, notamment en droit, puisque le fait religieux a une incidence juridique à d’innombrables égards.

Produire et diffuser les savoirs

Grâce à la collaboration de nouveaux professeurs et chercheurs, à une représentation toujours plus importante de nombreuses disciplines et à l’étude de questions de plus en plus pointues et pertinentes, il est facile d’affirmer que l’avenir du CERC est on ne peut plus stimulant pour l’ensemble de la communauté universitaire. « Le Centre va contribuer à la production des savoirs et les étudiants seront amenés à devenir des experts qui pourront intervenir dans l’espace public sur les questions liées au religieux contemporain », conclut le directeur du Centre, David Koussens.


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