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L’intestin, un joueur important dans la gestion du poids

Le professeur François Boudreau
Le professeur François Boudreau
Photo : UdeS - Mathieu Lanthier

Les professeurs François Boudreau et André Carpentier unissent leurs expertises afin de trouver de nouveaux outils pour combattre le diabète de type 2. Dans leur recherche, publiée dans la revue Nature communications, en janvier dernier, ils démontrent que l’intestin pourrait avoir un rôle inattendu dans la perte de poids.

Plus d’un million de Québécoises et de Québécois sont touchés par le diabète de type 2. Cela entraîne, dans plusieurs cas, des risques de complications dans divers organes, la prise de médicaments sur une base quotidienne et une réduction de l’espérance de vie. Le diabète de type 2 est un diabète qui apparaît généralement à l’âge adulte et, dans la majorité des cas, il est exacerbé par le surplus de poids en partie lié à de mauvaises habitudes de vie telles que la sédentarité et une alimentation de mauvaise qualité.

Cette maladie peut être gérée et même traitée grâce à des choix de vie sains. Une saine gestion du poids s'avère le premier facteur protecteur. La perte de poids pourrait ainsi améliorer la qualité de vie des gens atteints de diabète de type 2, et même renverser un récent diagnostic. Or, il peut s’avérer difficile de changer de comportement afin de perdre du poids.

Le professeur François Boudreau, directeur du Département d’immunologie et de biologie cellulaire de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) et membre de l’Institut de recherche sur le cancer de l’Université de Sherbrooke (IRCUS), aidé par André Carpentier, professeur à la FMSS, endocrinologue et directeur scientifique du Centre de recherche du CHUS (CRCHUS), a fait une découverte qui pourrait grandement aider les gens atteints de diabète de type 2 à perdre du poids. Leur découverte? Le récepteur nucléaire HNF4A, lorsqu’il est défectueux dans l’intestin, réduit la production d’une hormone de l’intestin appelée GIP qui, normalement, stimule le stockage de lipides dans les cellules adipeuses. L’absence de HNF4A dans l’intestin force ainsi le corps à plutôt utiliser les lipides comme combustible principal, réduisant l’accumulation de tissus adipeux, et ce, malgré une diète riche en gras.

Leur recherche démontre que l’intestin a un rôle, encore peu connu, dans la gestion du poids. Une découverte tout à fait intéressante pour la gestion du diabète, puisque jusqu’à maintenant, peu d’attention avait été donnée à l’épithélium intestinal, la couche de cellules qui recouvre l’intestin, là où HNF4A est présent. Cette découverte pourrait permettre de contrôler le taux de gras corporel et ainsi avoir une emprise sur la résistance à l’insuline. Pourquoi? Parce que l’intestin, grâce à son hormone GIP, communique aux cellules adipeuses en leur demandant d’emmagasiner le gras. En enlevant le facteur HNF4A, cette hormone n’est plus libérée. Elle est complètement absente. À ce moment, l’organisme est donc obligé d’utiliser ses réserves de gras comme source d’énergie. Les lipides ne sont plus emmagasinés dans le tissu gras. Comprendre le rôle de l’intestin dans la gestion du poids et ses mécanismes de communication avec les tissus gras a donc des impacts majeurs sur la façon d’aborder et de traiter la maladie.

Mieux comprendre cette relation de la gestion du gras, du mauvais gras chez l’humain, permet d’envisager de nouvelles façons d’aider les personnes atteintes de diabète de type 2 à assurer un certain contrôle du poids pour qu’elles retrouvent une meilleure qualité de vie et une insuline qui sera active, qui ne sera plus résistante chez ces personnes.

Professeur François Boudreau, auteur principal de l’étude

Une étude, de nombreux impacts

Cette découverte représente une avancée non négligeable dans le traitement de l’obésité et du diabète de type 2, mais pourrait aussi bénéficier aux recherches entourant le cancer colorectal. En effet, plusieurs recherches antérieures démontrent que HNF4A est aussi impliqué dans la réparation des bris d’ADN et le contrôle de la prolifération des cellules de cancer colorectal.

« HNF4A est déjà impliqué dans la survie des cellules cancéreuses du côlon, notamment. On sait que HNF4A est un régulateur du métabolisme, donc le métabolisme de la cellule cancéreuse est aussi altéré », mentionne le professeur Boudreau, qui a déjà publié d’autres articles qui démontrent que HNF4A régule les cellules cancéreuses.

Comme le surplus de poids augmente les risques de développer un cancer, la gestion du poids est, pour une raison de plus, d’une grande importance.

Une collaboration entre la recherche fondamentale et la recherche clinique

Le professeur André Carpentier
Le professeur André Carpentier
Photo : UdeS

Le duo que forment les professeurs Boudreau et Carpentier est propice à la mise en application des résultats de recherche. Cette collaboration ne présente que des avantages, comme le souligne le professeur Carpentier : « D’avoir des modèles précliniques et une expertise préclinique de recherche poussée sur ces systèmes s’articule très bien avec nos recherches faites dans le domaine clinique. C’est vraiment intéressant d’avoir tout le continuum dans notre milieu, d’avoir des gens qui travaillent sur les aspects fondamentaux de ces systèmes, et d’autres qui travaillent sur des aspects plus appliqués. L’écosystème présent à Sherbrooke facilite cette proximité. »

Ce partage de connaissances permet également d’avoir une vue d’ensemble de la situation. « Le travail qui vient d’être publié nous aide à comprendre comment le GIP fonctionne et est régulé. Avoir cette connaissance nous permet de pouvoir développer d’autres façons de travailler et une foule de connaissances parallèles, telles que comprendre tout ce qui se passe après la chirurgie bariatrique – qui change les niveaux de GIP –, et comprendre comment de futurs médicaments mimant les effets de GIP pourraient fonctionner. Ça nous donne plus de profondeur sur notre savoir, ça nous permet d’anticiper des développements, de les moduler et de les modifier, éventuellement. Cette collaboration de chercheurs qui travaillent dans des domaines connexes nous permet de comprendre ce système sous plusieurs angles », affirme également le professeur Carpentier.

Les recherches se poursuivent

Comme ils ont pu démontrer qu’il est possible de cibler HNF4A, les professeurs Boudreau et Carpentier travaillent déjà sur des molécules qui se lieront au HNF4A et qui pourront modifier son activité, car cette étude est susceptible de permettre la mise en place de nouvelles stratégies pharmacologiques pour le contrôle du surpoids.

Cette découverte permet de croire qu’il serait possible de créer un composé ciblant HNF4A dans l’intestin, et qui contrôlera l’effet néfaste de l’obésité. Le professeur Carpentier et son équipe clinique sont d’ailleurs récipiendaires d’une subvention de l’ordre de 956 250 $ pour 5 ans des Instituts de recherche en santé du Canada – Concours automne 2021, dont le projet a pour but de raffiner la compréhension du mécanisme de stockage des acides gras dans les tissus adipeux après une chirurgie bariatrique.

À propos de Pr François Boudreau
Directeur du Département d’immunologie et de biologie cellulaire, FMSS
Membre de l’Institut de recherche en cancer de l’UdeS (IRCUS)
Chercheur au CRCHUS
Profil du Pr Boudreau

À propos de Pr André Carpentier
Professeur au Département de médecine, FMSS
Directeur scientifique et chercheur au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS)
Endocrinologue au CIUSSS de l’Estrie - CHUS
Profil du Pr Carpentier


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