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6,8 M$ pour donner un nouveau souffle à la lutte contre la douleur

Les analgésiques du futur made in UdeS

Photo : vaXzine/Flickr

Grâce à la recherche, les avancées en sciences de la santé au cours des 50 dernières années ont été exponentielles. Toutefois, en ce qui a trait au traitement des douleurs aiguës et chroniques, la morphine et ses dérivés sont toujours la référence, deux siècles après leur découverte.

Pourtant, la douleur chronique est loin d’être un problème marginal, bien au contraire. Elle affecte près du tiers des Québécois, et environ 70 % des patients atteints ne sont pas soulagés efficacement par les analgésiques d'ordonnance. De plus, les effets secondaires engendrés par les médicaments actuels sont nombreux : constipation, dépression respiratoire, tolérance, dépendance. Le développement de nouveaux analgésiques efficaces et aux effets secondaires limités reste donc un besoin à combler et un énorme défi afin de mieux contrôler la douleur.

Développer les analgésiques du futur, c’est précisément l’objectif que s’est donné une équipe de chercheurs de l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke (IPS), en collaboration avec des partenaires de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. Un pas de plus vient d’être franchi en ce sens, puisque l’établissement se voit octroyer un appui financier de 6,8 millions $, grâce à des investissements de la Fondation canadienne pour l’innovation (2,7 M$), du Gouvernement du Québec (2,7 M$) et de partenaires privés (1,4 M$).

La douleur chronique
- Affecte près d’un tiers des Québécois
- Un coût annuel d’environ 15 000 $ par patient. 
- Selon Statistique Canada, la prévalence de la douleur chronique augmentera de 75 % d'ici 25 ans. 
- La douleur chronique est souvent associée à des troubles du sommeil et émotionnels (dépression, anxiété) affectant ainsi la qualité de vie et les rapports sociaux.
- Près de 80 % des consultations médicales sont reliées à des problèmes de douleur, engendrant par le fait même une utilisation intensive des services de santé et des médicaments.

L'équipe de direction de l'IPS, professeurs Philippe Sarret, Éric Marsault et Robert Day.
L'équipe de direction de l'IPS, professeurs Philippe Sarret, Éric Marsault et Robert Day.

Photo : Université de Sherbrooke

« L’argent servira en totalité à l’achat d’équipements de pointe qui aideront, d’une part, à mieux comprendre la fonction de différentes protéines dans la douleur chronique et, d’autre part, à accélérer le développement d’une nouvelle génération d’analgésiques plus efficaces et mieux supportés par les patients », explique le Pr Philippe Sarret, codirecteur de l’IPS et professeur au Département de pharmacologie-physiologie à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke.

Plus précisément, ces nouveaux appareils permettront l’étude approfondie de cinq récepteurs couplés aux protéines G (RCPGs). Ces récepteurs représentent la plus grande famille de protéines exprimées à la surface des cellules et sont la cible de 40 % des médicaments actuellement prescrits. « Ils constituent une classe de cibles thérapeutiques de choix pour le traitement de la douleur, dont on n'exploite pas encore le plein potentiel », précise le Pr Sarret, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neurophysiopharmacologie de la douleur chronique.

Afin d’exploiter ces nouvelles cibles et ultimement de développer une nouvelle gamme d’analgésiques, les chercheurs de l’IPS s’attarderont au concept émergent de la signalisation biaisée des RCPGs, une nouvelle approche visant à favoriser les effets bénéfiques (analgésiques) d’un médicament au détriment des effets secondaires. Une idée qui peut paraître simple, mais qui nécessite une quantité phénoménale de manipulations et de tests en laboratoire. L’équipement acquis grâce à la subvention assurera une plus grande efficacité pour synthétiser les molécules au potentiel analgésique et une meilleure performance pour évaluer leurs effets, positifs ou non, sur l’organisme.

David contre Goliath ?

Est-il utopique de croire qu’un établissement de la taille de l’IPS puisse faire bonne figure dans la course aux « analgésiques du futur » contre des géants pharmaceutiques aux budgets faramineux? Absolument pas, car le modèle opérationnel des pharmaceutiques a énormément changé au cours de la dernière décennie.

« Pendant des années, les pharmaceutiques ont englouti des sommes colossales en tentant de créer le super médicament qui pourrait apaiser tous les maux, une stratégie qui n’a pas porté ses fruits. Plusieurs laboratoires ont fermé leurs portes, forçant du même coup une nouvelle approche », précise le Pr Sarret. Maintenant, l’accent est davantage sur le développement de traitements spécifiques à certaines maladies ou conditions, favorisant par le fait même la recherche axée sur le patient.

« Pour y arriver, les compagnies pharmaceutiques ont changé leur modèle d’opération et s’associent de plus en plus avec les centres universitaires pour valoriser les innovations issues de ces milieux. Ceci permet aux compagnies d’avoir accès à de la recherche fondamentale de haut niveau et aux universités de voir avancer leurs découvertes vers des produits commercialisés. Dans le cas présent, les infrastructures qui découleront de cet investissement iront bien au-delà du traitement de la douleur. Elles serviront également à d’autres indications thérapeutiques sur lesquelles travaillent les chercheurs de l’IPS. En bout de ligne, ceci permettra à nos chercheurs de livrer des produits qui profiteront directement aux patients », commente le Pr Éric Marsault, directeur de l’IPS.

À ce titre, l’IPS se démarque avantageusement sur la scène internationale en raison de la forte concentration de technologies et d’expertises qu’il abrite dans toutes les étapes précliniques du développement d’une molécule (chimique, cellulaire, tissulaire, in vivo). Les nouveaux appareils ne feront qu’amplifier son potentiel attractif auprès de partenaires industriels privés soucieux de faire du développement préclinique.

Qui sait, peut-être que, dans quelques années, l’antidouleur qui vous sera prescrit tirera ses origines d’un laboratoire de l’IPS. « C’est un objectif qui est tout à fait accessible », conclut le Pr Sarret.

Photo : Université de Sherbrooke

À propos de l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke
Fondé en 1997, l’IPS est situé au cœur du Campus de la santé et prend ses racines dans deux disciplines pour lesquelles l'Université de Sherbrooke s'est distinguée au niveau international : la pharmacologie et la chimie organique. Aujourd'hui, l'IPS rassemble 33 chercheurs, 55 étudiants à la maîtrise, 120 au doctorat et 37 stagiaires postdoctoraux provenant de 10 départements et 3 facultés (médecine et sciences de la santé, sciences et génie). Depuis sa création, l'IPS favorise l'éclosion de collaborations interdisciplinaires, dans un contexte de développement de médicaments, d'agents diagnostiques, de validation de cibles à potentiel thérapeutique et/ou diagnostique ou de technologies visant à améliorer ces processus. L’Institut est aussi un incubateur permettant l’émergence de technologies innovantes à fort potentiel commercial.


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