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Formation continue

La résilience organisationnelle, la clé pour rebondir et se propulser ?

Ghislaine Clot, consultante intervenant dans les champs du management et du développement organisationnel, en France et au Québec, depuis 25 ans.
Ghislaine Clot, consultante intervenant dans les champs du management et du développement organisationnel, en France et au Québec, depuis 25 ans.

La situation actuelle ébranle chacun de nous dans ses certitudes, mais elle met également au défi notre vie organisationnelle, par les réorganisations massives, l’arrêt des activités, l’instauration du télétravail, etc. Comment retrouver son souffle et ses repères dans ce contexte ? Quelles bonnes pratiques mettre en place ? Comment se doter de mécanismes pour ensemble, transformer cette situation qui s’impose à nous et la convertir, pour le meilleur et non le pire ?

Tirées d’un article écrit pour la revue Gestion d’HEC Montréal en 2017, Ghislaine Clot, formatrice, vous propose diverses stratégies qui permettent de mieux rebondir lors d'une telle situation.

La pandémie et sa propagation dévastatrice révèlent de nouvelles lignes de fracture au sein des entreprises et des salariés. Les services en première ligne tels les services de santé et alimentaire font face à des défis sanitaires, d’organisation du travail, de mobilisation de leurs équipes et d’employés sursollicités. Les services qui sont essentiels à des franges de la population exclues sont soudainement privés de leurs bénévoles et des soutiens financiers. Les artistes, les concepteurs médias, les techniciens sont sans travail et seront confrontés à une grande précarité. Les entrepreneurs et PME sont confrontés à une chute brutale de leurs activités. La liste est longue et révèle des lignes de fractures importantes qui appellent à réinventer nos mécanismes de solidarité.

Pourtant, malgré l’avalanche quotidienne de mauvaises nouvelles et les témoignages de groupes de population ou entreprises en difficultés, des initiatives inspirantes émergent, de la part d’entreprises ou citoyens, en vue de faire barrage au virus ou d’inventer de nouvelles manières de réaliser leur mission. On peut penser à l’entreprise québécoise Pur Vodka qui a cessé sa production de vodka pour produire massivement des gels désinfectants grâce aux stocks d’alcool ou encore, l’entreprise Décathlon qui convertit des masques de plongée sous-marine en appareil respiratoire.

Et si la pandémie nous invitait, sur un plan personnel, mais aussi organisationnel, à changer notre regard et notre représentation, souvent négatifs, de l’épreuve ou du changement qui nous est imposé, pour puiser dans les forces nouvelles et les opportunités qui apparaissent ? et, à l’instar de l’huitre, transformer les grains de sable douloureux qui pénètrent nos coquilles en perles convoitées ?

Cela ne se fait pas du jour au lendemain, et il serait réducteur de céder à une vision positiviste, qui transformerait un processus de transformation face à la crise actuelle, en une série de recettes miracles pour venir à bout des défis qui se présentent sur notre route.

Le chemin que nous vous invitons à suivre s’apparente plutôt à celui de la spirale, qui revient en arrière et dans le passé, pour mieux se propulser en avant. La résilience permet de rebondir, sans pour autant revenir à l’état initial, et de transformer le choc, l’échec, l’épreuve en une opportunité pour tracer une nouvelle voie. Ces passages se font selon nous en quatre mouvements.

Dans la crise actuelle, prenons le temps de souligner et reconnaître les forces, les bons coups, les initiatives, les exploits quotidiens réalisés. Un ou deux scrum par jour, un appel ou message d’un gestionnaire à son employé, d’un employé à un autre, un message de reconnaissance sont des gestes essentiels. La plus grande erreur serait d’oublier que ce sont les humains qui font tourner les organisations. La pandémie est une formidable occasion de faire preuve, aussi, de bienveillance, dans nos organisations et pas seulement dans notre vie sociale.

Dans un premier mouvement, nous proposons d’aider les individus et les organisations à prendre conscience de leurs forces, et se réapproprier les ressorts, les talents, la créativité qu’ils ont su déployer face aux défis relevés quotidiennement. L’enjeu est de rebâtir la confiance, et identifier les éléments positifs et vivants des épreuves ou échecs vécus, comme individu, et comme organisation. « La difficulté attire l’être de caractère, et c’est en l’étreignant qu’il se réalise lui-même », écrivait le Général de Gaulle.

Dans un deuxième mouvement, il s’agit, pour chaque organisation, équipe, personne, de réinventer le sens de cette crise qui vient ébranler nos fondations et nos certitudes : qu’est-ce que cet événement non choisi nous demande de commencer à faire, cesser de faire, faire différemment ? En quoi est-ce un cadeau, une invitation inespérée à laisser tomber de vieilles façons de faire, à oser se lancer dans une nouvelle manière de rendre un service et pourquoi pas un nouveau service ou produit ? Où voulons-nous aller, quelle vision pouvons-nous développer, ou réaffirmer à la faveur de cette crise, qui nous permettra de redevenir acteur, plutôt qu’objet ? Des secteurs entiers de l’économie sont invités à se réinventer, pensons par exemple aux soins d’esthétique ou de coiffure, à l’art, à l’enseignement, aux fleuristes..La pire chose qui pourrait nous arriver comme humain, ce serait d’arrêter de rêver. Créons notre futur, demain commence aujourd’hui.

Le troisième mouvement nous invite à soutenir la capacité et l’agilité des personnes et des équipes à évoluer dans cet environnement devenu chaotique, mouvant, incertain, complexe, fait de changements continus. Cela prend du courage, pour aller dans l’inconnu et un monde pour lequel nous n’avons plus de repère. Mais quand tout s’effondre, c’est aussi une invitation à tout reconstruire. Cultiver le droit à l’erreur, reconnaître que l’on ne sait pas, changer les standards d’exigence, accepter l’imperfection au quotidien, identifier l’essentiel, oser sortir du cadre, deviennent des comportements essentiels à adopter par tous, au sein des organisations, pour stimuler l’innovation et la capacité à se transformer dans l’adversité. C’est la clé pour accélérer la capacité à rebondir. Il s’agit du « ressort invisible », ce mouvement opéré par les blessés de la vie, pour redonner du sens à l’épreuve. Le « ressort » transforme l’obstacle en tremplin et permet de se propulser plus loin, ou ailleurs, pour créer de nouveaux espaces de développement.

Enfin, la résilience est aussi le fruit de liens, de mains tendues, de nouvelles capacités à travailler et vivre ensemble qui se révèlent dans l’épreuve ou le choc. C’est le « tricotage » des liens avec les autres, maille après maille, qui permet de s’en sortir véritablement. Le mythe du héros solitaire qui traverse seul l’épreuve n’existe que dans les contes et légendes, pour soutenir notre imaginaire et nous donner le courage et la force de traverser les obstacles que nous rencontrons dès l’enfance sur notre route. Mais ces héros sont toujours entourés de personnages plus secondaires, rencontrés miraculeusement, et grâce auxquels ils vaincront l’adversité.

Le rebond ne se fera que si les personnes, les équipes et les organisations développent de nouvelles synergies, manières de fonctionner ensemble, favorisant la complicité, l’intelligence collective, la collaboration, l’entraide, plutôt que la compétition. La cohésion et la solidarité entre les personnes, et entre les équipes, sont les leviers indispensables pour sortir des silos et rendre les organisations plus agiles et aptes à traverser la turbulence. Il devient essentiel dans chaque équipe, organisation, d’identifier des « toxic handlers » cités par Gilles Teneau et Guy Koninckx, ces personnes invisibles vers lesquelles tous se tournent en cas de difficultés, les confidents, les personnes dotées d’une véritable écoute, qui vont dissoudre les toxines générées par ce stress majeur vécu par tous, grâce à leur capacité de présence et d’empathie. Identifiez ces personnes dans vos équipes, et confiez leur le mandat de soutenir leurs collègues. En conclusion, nous vous invitons, à la faveur de ce tsunami qui nous frappe tous, à apprivoiser la résilience, pour porter un regard différent sur l’épreuve, comme société, comme entreprise, comme individu. Ce sont des révélateurs salutaires, nous invitant à sortir de nos paradigmes, puiser dans de nouvelles forces plus collectives, solidifier nos ancrages et nos relations, faire preuve de créativité, et oser bâtir une vision audacieuse, renouvelée, à partir de modèles d’affaires à réinventer.

Pour lire d'autres articles de Ghislaine Clot, vous pouvez consulter son blogue : http://clotconseil.ca/blogue


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