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Collaboration internationale

Le Chili fait appel à l’Université de Sherbrooke pour réformer ses programmes en génie

Faculté de génie de l'Université Australe du Chili.
Faculté de génie de l'Université Australe du Chili.

Photo : Universidad Austral de Chile

L’une des plus importantes universités du Chili, l’Université Australe, a choisi l’Université de Sherbrooke pour l’aider à la réforme pédagogique de ses programmes en génie. Financée principalement par la Banque Mondiale, cette collaboration vise à passer de l’enseignement traditionnel magistral à l’apprentissage par problèmes et par projets.

L’Université Australe souhaite former des ingénieurs plus compétitifs à l’échelle internationale tout en augmentant leur mobilité professionnelle.  Pour y arriver, elle fait appel à une équipe de l’UdeS formée de trois spécialistes de l’apprentissage par problèmes et par projets en génie, une approche implantée avec succès à Sherbrooke depuis 2001. Le Centre universitaire de formation continue participe également à titre de coordonnateur et gestionnaire du projet.

Oublier l’approche classique au profit des compétences

L’équipe est composée du professeur Patrick Doucet et du doyen Gérard Lachiver de la Faculté de génie, ainsi que du professeur Jacques Tardif de la Faculté d’éducation. Le projet-pilote concerne spécifiquement les programmes en génie mécanique et génie électrique de  la Faculté de génie de l’Université Australe. Pour l’équipe sherbrookoise, cela implique trois missions sur place. Au terme du projet, en mars 2013, deux opérations devront être complétées : redéployer les contenus de cours pour favoriser la construction progressive des compétences, et revoir l’architecture des programmes et leur mise en oeuvre.

«Autrement dit, quels moyens doit-on mettre à la disposition des étudiants pour qu’ils acquièrent les compétences ciblées?», illustre Gérard Lachiver.  La cinquantaine de professeurs chiliens impliqués dans le projet-pilote sont chargés de concevoir des situations d’apprentissage facilitant l’acquisition des connaissances et le développement des savoir-faire. L’un des objectifs est de responsabiliser les étudiants vis-à-vis leurs apprentissages. Les capacités de travailler en équipe, de communiquer efficacement, de résoudre des problèmes et d’apprendre par soi-même sont sans contredit les compétences les plus sollicitées par ce modèle d’apprentissage intégré.

Une culture d’enseignement à transformer

Comme c’est le cas à la Faculté de génie de l’UdeS, ce modèle pédagogique modifie radicalement le rôle des professeurs. «C’est l’aspect le plus bénéfique du projet mais c’est aussi le volet plus difficile de notre collaboration», confie Gérard Lachiver. Quand on touche aux stratégies d’enseignement, on touche les habitudes de travail de chaque professeur.»  La pédagogie par problèmes, ou par projets, promeut une vision de l’enseignement fort différente de celle par laquelle la plupart des professeurs ont appris, soit celle de l’expert qui transmet son savoir. Dans une approche par problèmes ou par projets, l’enseignement magistral n’est pas approprié et le professeur n’est plus au centre de  l’enseignement; il joue dorénavant un rôle d’accompagnateur, d’expert, de coach vis-à-vis de ses étudiants, qui eux sont au cœur du dispositif d’apprentissage.

Pédagogue de renommée internationale, le professeur Jacques Tardif est un des pionniers de  la conception de programmes par compétences à l’UdeS.  Il a participé activement à introduire cette approche à Sherbrooke au cours des années 1990. « Ce style pédagogique facilite le transfert des connaissances dans la pratique, indique Jacques Tardif. Les étudiants prennent en charge leur formation et cela commande l’autonomie, condition essentielle au succès professionnel.» Le professeur, quant à lui, agit comme plutôt un metteur en scène dont le but est de guider les étudiants dans l’atteinte d’un objectif, généralement constitué de 4 ou 5 habiletés à développer.

«Quand on touche aux stratégies d’enseignement, on touche les habitudes de travail de chaque professeur», confie Gérard Lachiver, doyen de la Faculté de génie de l'UdeS.
«Quand on touche aux stratégies d’enseignement, on touche les habitudes de travail de chaque professeur», confie Gérard Lachiver, doyen de la Faculté de génie de l'UdeS.
Photo : Michel Caron

«Nos collègues chiliens ont une bonne connaissance théorique de l’approche mais pour l’instant, ils voient difficilement comment ils peuvent la mettre en œuvre», explique Gérard Lachiver, qui a effectué la première mission au Chili du 26 au 30 mars dernier, en compagnie de Jacques Tardif. «Ils ont peine à croire que les étudiants peuvent apprendre de façon autonome. Nous intervenons en leur démontrant que c’est possible et en les appuyant.»

Chaque mission dure une semaine pendant laquelle l’équipe sherbrookoise organise des séminaires, des ateliers et des discussions sur des aspects précis et convenus d’avance. Entre les rencontres, les professeurs de l’Université Australe sont tenus de produire chaque mois des rapports d’étape permettant à l’équipe UdeS de connaître l’état d’avancement des travaux et de fournir une rétroaction constructive.

L’importance du travail d’équipe

Pour Gérard Lachiver, il n’est pas question de transposer au Chili le modèle sherbrookois : les ingénieurs chiliens doivent décider eux-mêmes, et entre eux, comment ils désirent transformer leur programme. Est-ce réaliste de réaliser ce virage à 180 degrés en une seule année?

«L’architecture du nouveau programme est presque complétée et nos collègues chiliens sont très motivés», répond M. Lachiver. Il ajoute que l’UdeS a précisément été choisie par un appel de candidatures internationales  pour sa capacité à accompagner des équipes engagées dans de profonds changements organisationnels et pédagogiques. «En Europe et en Amérique du Nord, l’UdeS fait figure de modèle en matière d’une part, de conception de programmes orientés sur le développement des compétences et, d’autre part, de la mise en œuvre de stratégies d’apprentissage par problèmes et par projets.»

Jacques Tardif et Patrick Doucet s’envoleront bientôt vers le Chili pour la deuxième mission, à la fin juillet. L’objectif de cette mission sera de valider la cohérence entre les compétences visées par les programmes, les situations pédagogiques développées et les modalités pédagogiques envisagées. Si l’aventure s’avère concluante, en 2013, le projet-pilote pourrait s’étendre à l’ensemble des programmes de la Faculté de génie de l’Université Australe.