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L’internationalisation de la justice transitionnelle en questions

Safa Ben Saad est chercheurepostdoctorale au CERC et à laChaire de recherche Droit, religion et laïcité.

Safa Ben Saad est chercheure
postdoctorale au CERC et à la
Chaire de recherche Droit, 
religion et laïcité.


Photo : Université de Sherbrooke

La justice transitionnelle a beau être d’actualité, ni le concept ni le processus ne font l’unanimité. Les critiques fusent sur la politisation du processus ; de l’insuffisance des commissions vérité à la banalisation de la réconciliation, « les règles de bonnes conduites » que prétendent représenter les mécanismes de la transitologie à la marge des normes étatiques peinent à convaincre. Non seulement l’improvisation du « vainqueur » appuyé par un panel d’acteurs nationaux et internationaux crée un flou juridique, mais aussi, la variété des expériences met à rude épreuve le modèle. Les récentes expériences au Moyen Orient et en Afrique du Nord remettent le débat à l’ordre du jour.

L’internationalisation de la justice transitionnelle appelle un certain nombre de remarques. S’il est admis que les droits humains forment une charnière entre les ordres juridiques, la frontière entre le national et l’international demeure floue en matière de justice transitionnelle. Les principes qui s’érigent en règles universelles émanent en réalité d’expériences nationales dont l’importation n’est pas nécessairement judicieuse. L’internationalisation de la justice transitionnelle est un phénomène paradoxal ; d’un côté, les organisations onusiennes s’emparent du concept et d’un autre côté, le droit international demeure dépourvue d’instruments spécifiques de nature conventionnelle relatifs à l’administration de la justice pendant la période de transition. Les rapports onusiens définissent un éventail de normes comme le fondement normatif de l’assistance de l’ONU en la matière : la Charte des Nations Unies, le droit international des droits de l’homme, le droit international humanitaire, le droit pénal international et le droit international des réfugiés. La situation est logique car si la justice est universelle, le fonctionnement de la justice est bien une affaire nationale.

La création d’une justice pénale internationale qui consacre l’idée de la globalisation de la justice, porte désormais des affaires locales entre les mains d’étrangers appliquant un droit non national. Comment alors articuler justice nationale et internationale ? Le judiciaire et l’extrajudiciaire ? Et quelle est avant tout la légitimité de l’internationalisation de la justice transitionnelle ?

Safa BEN SAAD, Revue juridique et politique des États francophones, janvier-mars 2016,70e année N°1, numéro spécial : Le droit international saisi par "la communauté universitaire"


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