Obsolescence programmée : de la classe à l'Assemblée nationale
Le 9 avril 2019 : à 14 h 05, le député indépendant Guy Ouellette dépose le projet de loi 197, écrit par le groupe d’interprétation juridique, cours donné par Jonathan Mayer. Pour ces 51 étudiants et étudiantes de la Faculté de droit, c’est l’aboutissement d’une session d’efforts intensifs. Et 18 d’entre eux assistent, sur place, à ce moment chargé de fierté, synonyme d’apprentissages à la fois professionnels et personnels.
En effet, pendant cette aventure pédagogique novatrice, les futurs juristes ont bien compris les enjeux liés à l’écriture des lois… Mais l’aventure leur a aussi réservé plusieurs surprises.
Un « esprit de coopération » en classe
La première de ces surprises est relationnelle.
On a une complicité avec notre enseignant qui est différente de celle dans les autres cours.
Jade Racine, étudiante de Jonathan Mayer
Cette complicité est née, entre autres, de l’ampleur de l’enjeu abordé.
Si plusieurs démarches juridiques ont été entreprises à travers le monde, l’obsolescence programmée pose tout un défi. Elle touche de multiples acteurs, dont les consommateurs, les gouvernements mais aussi les entreprises. Et elle a des répercussions tout aussi diverses : ses effets sont autant économiques qu’environnementaux.
La complexité du sujet a donc exigé une communication réelle entre Jonathan Mayer et son groupe, communication fort appréciée par Philippe Beaulieu, lui aussi étudiant du cours d’interprétation juridique pendant l’hiver 2019. « L'enseignant n’est pas sur son piédestal sans nous écouter », souligne-t-il.
Il y a deux cours, Jonathan nous a carrément demandé de quoi on allait parler [dans le projet]. Et il s’est assis. Pendant une demi-heure, nous avons échangé des idées de sujets, puis nous les avons choisies… Il n’a pas été là pour nous dire “Ça, ce n’est pas bon; moi, je n’aime pas ça”. On a vraiment fait ça main dans la main.
Philippe Beaulieu
Les échanges ouverts avec le chargé de cours ont plusieurs effets collatéraux sur l’intérêt et l’attention des étudiants… « C’est agréable, le lundi matin, de ne pas être en mode veille dans ton cours, explique Jade, amusée. Ça te force à participer. »
Tu n’as pas le choix d’être là et tu n’as pas le choix d’écouter, parce que les parties des autres viennent toucher ta partie à toi!
Jade Racine
Obliger les étudiants à créer des liens et à se poser des questions est au cœur de la démarche de Jonathan Mayer. Au-delà des apprentissages théoriques, il souhaitait que son groupe expérimente tous les défis liés à l’écriture des lois.
Les étudiants ont dû se demander, eux-mêmes, “quels sont les mots qu’on choisit pour atteindre les objectifs qu’on cible? Est-ce que nos dispositions sont logiques? Est-ce qu’elles sont cohérentes avec ce qu’ont fait les autres équipes?
Jonathan Mayer, chargé de cours
Le chargé de cours signale que, en plus, le législateur prudent se questionne sur l’histoire autour de l’adoption d’une loi (son contexte d’origine) et sur sa relation avec les valeurs de la société.
Jonathan Mayer a décidé de pousser l’exercice pratique encore plus loin, en interpelant la classe politique et des acteurs de différents milieux de pratiques en lien avec l’obsolescence programmée. Mettre à profit des gens d’horizons variés a eu plusieurs effets bénéfiques sur les apprentissages du groupe…
Un lien entre population et décideurs
Jade a ainsi participé, aux côtés de ses collègues Guillaume Bourbeau et Marc Cordahi, à la tenue d’un point de presse lors du dépôt du projet de loi 197. Guillaume y a souligné l’importance citoyenne de la démarche.
Si le projet aboutit à quelque chose – et c’est ce qu’on espère –, ça devient un précédent pour tous les Canadiens; ça devient un précédent pour la population québécoise au niveau de l’initiative civile. C’est un projet qui part d’étudiants d’une université…
Guillaume Bourbeau
Le projet a demandé énormément d’investissement de la part de tous, selon Guillaume. Pas difficile à croire, venant de celui qui a étudié les avenues fiscales possibles, alors qu’il n’avait aucun bagage en la matière!
Et il faut croire que le sujet motive non seulement les étudiants de ce groupe, mais aussi les quelque 45 000 consommateurs qui ont signé la pétition liée à l’initiative ainsi que les députés et les acteurs liés à l’environnement qui ont répondu présents lorsque Jonathan Mayer a lancé ses invitations.
C’est important pour moi d’interpeler les gens du milieu, parce que, dans la pratique du droit, les étudiants vont avoir à travailler avec eux. Faire intervenir des spécialistes de l’environnement ou des gens dont la carrière est davantage politique, c’est préparer mon groupe à ce qu’il fera concrètement sur le marché du travail.
Jonathan Mayer
Jade explique que l’expérience a modifié son rapport aux intervenants politiques. Elle, qui avait l’impression que les élus étaient des intouchables, a eu la surprise de voir ces mêmes élus dans ses cours, lui présentant des avenues envisageables pour ses réflexions ou commentant les présentations finales des étudiants.
Ça brise ce qu’on appelle en théâtre “le quatrième mur”. Ça rend accessible des gens qu’on voit à la télévision.
Philippe Beaulieu
La participation de ces acteurs sociaux a aussi aiguillonné l’espoir des étudiants.
C’est une expérience pratique magistrale, avec – on l’espère! – des conséquences dans le réel.
Philippe Beaulieu
Moments clés
4 février
Rencontre entre Guy Ouellette, Lise Thériault, tous deux députés, et le groupe d’interprétation juridique, afin d’aborder la vie politique d’un projet de loi
Lancement de la pétition sur le site de l’Assemblée nationale
11 mars
Visite de Lucie Lecours et de Thierry Fournier, intervenants politiques, ainsi que de Geneviève Duchêne, avocate à l'Office de la protection du consommateur, venus couvrir l’enjeu de la protection des consommateurs
18 mars
Présentations finales des étudiants à une table ronde regroupant des personnalités politiques et d’autres liées à l’environnement – les députés Guy Ouellette, Lise Thériault, Christine Labrie, Catherine Fournier et Marwah Rizqy; le fondateur du Pacte pour la transition, Dominic Champagne; la professeure Hélène Mayrand; le fondateur de Zone accro, Martin Masse
2 avril
Dépôt de la pétition à l’Assemblée nationale, avec 45 028 signatures
7 mai
Rejet de la motion demandant qu’une Commission se penche sur la pétition