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Recherche innovante à l’IRCUS

L’ingénierie de l’ARN autoamplifiant : une nouvelle arme contre le cancer

Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

L’ingénierie moléculaire de l’ARN permet de concevoir ou de modifier des molécules d’ARN afin qu’elles accomplissent des fonctions biologiques spécifiques. De nombreuses thérapies innovantes contre le cancer sont conçues à cette échelle microscopique fascinante grâce à l’intégration de plusieurs disciplines, notamment la biologie, la chimie et l’ingénierie. Encore méconnue, l’ARN autoamplifiant (ARNaa) est une technologie prometteuse en plein essor à l’Institut de recherche sur le cancer de l’Université de Sherbrooke (IRCUS).

Les nouvelles thérapies à base d’ARN suscitent un intérêt croissant en oncologie car elles ouvrent des perspectives transformatrices pour le traitement du cancer. Une piste thérapeutique particulièrement novatrice repose sur l’ARN autoamplifiant (ARNaa), c’est-à-dire capable de se répliquer à l’intérieur des cellules. Cette technologie ouvre la voie à des traitements contre le cancer encore plus efficaces et mieux tolérés pour les personnes atteintes.

L’ARN, bien plus qu’un héros de la pandémie

Contrairement à la croyance populaire, l’usage thérapeutique de l’ARN n'est pas une technologie née dans l’urgence pandémique, elle l’a simplement révélée au grand public. Les scientifiques travaillaient avec cette molécule bien avant que les vaccins à ARN messager (ARNm) contre la COVID-19 ne la propulsent sur le devant de la scène. L’ARNm est une des formes d’ARN jouant un rôle essentiel, car il transporte l’information – la recette – pour fabriquer les protéines nécessaires au bon fonctionnement des cellules du corps.

Grâce aux avancées scientifiques portées par l’ingénierie moléculaire, on peut fabriquer de l’ARNm de manière synthétique. Il est alors encapsulé dans une nanoparticule lipidique (qui agit comme un transporteur) pour lui permettre de pénétrer dans la cellule. Une fois à l’intérieur, l’ARNm classique produit une protéine - un antigène - qui stimule le système immunitaire à combattre l’intrus. Les vaccins à ARNm classique contre la COVID-19 ne possèdent que les instructions pour produire un antigène.

L’IRCUS étant un milieu particulièrement fertile pour le développement de thérapies à base d’ARN, c’est qui a incité le jeune professeur-chercheur Taha Azad à s’installer à Sherbrooke pour mener son programme de recherche sur l’ARNaa.

L’ARNaa : un allié pour l’immunothérapie de demain

Les ARNaa thérapeutiques relèvent de l’immunothérapie, lorsqu’ils sont utilisés pour stimuler le système immunitaire contre les cellules cancéreuses. Les applications anticancers des ARNaa sont multiples et promettent de repousser les limites de l’immunothérapie en surmontant les défis qui freinent encore aujourd’hui son efficacité pour de nombreux patients.

Ils peuvent notamment être conçus comme des vaccins thérapeutiques personnalisés, en ajoutant les instructions pour éliminer spécifiquement les cellules cancéreuses d’un patient en ciblant leurs néoantigènes ─ des protéines uniques produites par les cellules cancéreuses ─ absentes des cellules saines. Ces vaccins sur mesure permettent au système immunitaire du corps d’entrer en action et de se « guérir » lui-même.

Les ARNaa peuvent également servir de vecteur pour produire, directement dans les cellules cancéreuses, des traitements d’immunothérapie ou des protéines immunostimulantes destinées à renforcer localement la réponse immunitaire antitumorale.

L’ARNm c’est bien, mais l’ARNaa, c’est mieux!

C’est en 2020 qu’on marque un point tournant avec un premier essai clinique chez l’humain réalisé avec un vaccin à ARNaa. Comme les vaccins à ARNm classique, ceux à ARNaa peuvent être utilisés pour entraîner le système immunitaire, mais avec une efficacité renforcée puisqu’il possède, en plus, des instructions pour se répliquer une fois à l’intérieur des cellules. Cette capacité d’autoamplification permet une production prolongée des protéines, ce qui améliore la réponse immunitaire tout en réduisant les doses nécessaires. On peut ainsi imaginer tout le potentiel thérapeutique de l’ARNaa.

Du Mexique à Sherbrooke : le parcours inspirant d’une étudiante à l’IRCUS

À l’IRCUS, chaque projet de recherche reflète la passion et la détermination d’une personne étudiante dont le parcours mérite d’être raconté. Celui d’Abril Muñoz en est un bel exemple. Après des études en génie biotechnologique à l’université ITESO, elle a quitté le Mexique pour entreprendre une maîtrise en microbiologie à l’Université de Sherbrooke et plus particulièrement à l’IRCUS.

Le développement d’ARNaa novateurs capables de mieux traiter le cancer constitue le cœur du projet de recherche qu’Abril réalise au sein du laboratoire de Taha Azad, un jeune professeur-chercheur de l'IRCUS engagé à former une relève de calibre international.
Le développement d’ARNaa novateurs capables de mieux traiter le cancer constitue le cœur du projet de recherche qu’Abril réalise au sein du laboratoire de Taha Azad, un jeune professeur-chercheur de l'IRCUS engagé à former une relève de calibre international.
Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

Animée par son intérêt pour la recherche sur le cancer, elle a troqué le soleil de son pays natal contre la neige québécoise, déterminée à bâtir une carrière dans un milieu qu’elle qualifie de formidable.

Son projet de maîtrise se divise en plusieurs étapes successives. La première étape consiste à fabriquer des ARNaa, à partir de quatre virus différents possédant ce mécanisme d’autoamplification, qui produiront des protéines clés pour activer la réponse immunitaire antitumorale et d’optimiser leur entrée dans des cellules cancéreuses en culture (in vitro) en testant différentes nanoparticules lipidiques

Ce protocole doit par la suite être optimisé pour une application dans un modèle in vivo de cancer, permettant une validation préclinique pour des cancers agressifs du sein et du cerveau. Ainsi, on pourra savoir si les ARNaa fabriqués sont en mesure de stimuler une réponse immunitaire antitumorale efficace menant à l’élimination des cellules cancéreuses.

Ce projet vise à développer des thérapies qui vont utiliser les défenses naturelles du corps humain — le système immunitaire — pour lutter contre le cancer.

Chaque jour, à l’IRCUS, nous faisons de notre mieux pour développer de meilleures thérapies pour les patients atteints de cancer, avec moins d’effets secondaires et une efficacité accrue, souligne Abril Muñoz.

L’immunothérapie a révolutionné le traitement du cancer, mais de nombreux défis majeurs persistent, dont le faible taux de réponse de plusieurs cancers menant à l’échec des traitements. Les années à venir seront cruciales pour le développement des thérapies à base d’ARNaa. Cet outil flexible ouvre la voie à une réelle personnalisation des traitements contre le cancer, un atout majeur pour les personnes qui en sont atteintes.

Il ne s’agit pas de science-fiction, mais bel et bien d’une révolution à nos portes : des essais cliniques sont en cours aux États-Unis pour tester l’immunothérapie standard en combinaison avec des vaccins à ARNaa personnalisés contre les cancers du sein et du côlon.

À propos de Taha Azad
- Professeur-chercheur au Département de microbiologie et d'infectiologie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke
- Professeur-chercheur à l'Institut de recherche sur le cancer de l'Université de Sherbrooke (IRCUS)
- Chercheur au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS)

Une recherche qui s'élève à la puissance dix!
Ce n'est pas un hasard si l'Université de Sherbrooke se démarque en recherche. Son secret? Le mariage judicieux du partenariat, de la mutualisation et de l'interdisciplinarité, trois forces qui font désormais sa renommée. Apprenez-en plus sur ce qui a propulsé l'UdeS 10e en recherche au Canada.


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