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Deux chercheuses à la croisée des données et de la santé

Karine Choquet et Michelle Scott, pionnières de la bio-informatique de l’ARN au service de la médecine de demain

Les professeures Michelle Scott et Karine Choquet
Les professeures Michelle Scott et Karine Choquet
Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

Dans un domaine scientifique encore largement dominé par les figures masculines, Michelle Scott et Karine Choquet forment un duo à part. Toutes deux chercheuses à la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) de l’Université de Sherbrooke en bio-informatique, elles incarnent une nouvelle génération de scientifiques capables de repousser les frontières de la biologie et de la médecine grâce à la puissance du calcul et des données. Si leurs expertises respectives diffèrent, leurs approches se croisent et se complètent dans une inspirante dynamique de collaboration. Portrait croisé de deux femmes qui redessinent la recherche biomédicale au Canada.

Karine Choquet : décoder les maladies rares et le vieillissement grâce à l’ARN

Spécialiste en génomique fonctionnelle, Karine Choquet, professeure-chercheuse au Département de biochimie et de génomique fonctionnelle, s’intéresse aux mécanismes moléculaires qui régulent l’expression des gènes, notamment les étapes de maturation de l’ARN messager. Son domaine de prédilection est l’épissage alternatif, un processus qui permet à un même gène de produire plusieurs protéines différentes, et qui peut, en cas de dérèglement, être impliqué dans de nombreuses maladies. Elle utilise pour cela des techniques de pointe, comme le séquençage à longues lectures de l’ARN par nanopores, permettant d’étudier l’épissage à l’échelle d’ARN entiers plutôt qu’en fragments, comme si on lisait tout un livre plutôt qu’un seul chapitre, ce qui requiert le développement d’algorithmes bio-informatiques novateurs.

Un de ses terrains d’études majeurs est celui des maladies rares, comme les dysferlinopathies, un groupe de maladies musculaires qui forcent souvent les personnes touchées à se déplacer en fauteuil roulant avant l’âge de 40 ans. Ces maladies sont causées par des erreurs dans un gène appelé DYSF, qui perturbent la fabrication normale d’une protéine essentielle à la réparation des muscles. Pour mieux comprendre ce problème, son équipe étudie comment l’information contenue dans l’ARN est transformée à l’intérieur des cellules et si certaines modifications de l’épissage pourraient corriger les erreurs qui produisent ces maladies. Ces connaissances pourraient mener à la mise au point de nouveaux traitements pour améliorer la vie des personnes atteintes de ces maladies.

La professeure Karine Choquet
La professeure Karine Choquet
Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

Également professeure-chercheuse au Centre de recherche sur le vieillissement (CdRV), elle applique son expertise à un autre grand défi : le vieillissement en santé. Au sein de l’axe Géroscience du CdRV, elle explore comment la maturation de l’ARN, en particulier l’épissage alternatif et la polyadénylation, évolue avec l’âge et contribue à l’apparition de maladies chroniques ou à la perte d’autonomie. Elle utilise pour cela des techniques de pointe, comme le séquençage à longues lectures de l’ARN par nanopores, permettant de comprendre les modifications, même chimiques, de l’ARN, jusque là inexpliqué.

L’ambition de ces recherches ? Identifier de nouveaux biomarqueurs et mécanismes d’intervention pour prévenir ou ralentir les effets délétères du vieillissement, en intervenant au cœur même de la régulation moléculaire.

Michelle Scott : créer les outils pour interpréter le vivant

Michelle Scott, professeure-chercheuse au Département de biochimie et de génomique fonctionnelle, concentre ses recherches sur une catégorie particulière d’ARN non codants : les petits ARN nucléolaires. Contrairement aux ARN messagers, ces fragments ne servent pas à coder des protéines, mais jouent un rôle essentiel dans la régulation de l’expression des gènes et le développement cellulaire. Son objectif est de mieux comprendre comment ces petits ARN, longtemps négligés, influencent le fonctionnement cellulaire — notamment en intervenant dans la maturation des gènes et en déterminant si une protéine sera produite ou non.

Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en bio-informatique de l'ARN non codant, elle dirige une équipe multidisciplinaire composée de bio-informaticiens, de biologistes moléculaires et de chercheurs en génomique. Ensemble, ils s’efforcent de catégoriser les petits ARN nucléolaires, d’en analyser les fonctions à travers différentes espèces, et d’en étudier le rôle potentiel dans l’évolution ainsi que dans diverses maladies humaines, telles que le cancer ou les troubles neurodégénératifs. Cette recherche repose sur des approches bio-informatiques avancées et vise à révéler de nouveaux mécanismes de régulation génétique, ouvrant la voie à des thérapies innovantes.

La professeure Michelle Scott
La professeure Michelle Scott
Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

Un aspect fondamental de son travail consiste à développer des logiciels libres et des bases de données accessibles à la communauté scientifique. Cette volonté de partage et de reproductibilité est cruciale à l’ère des données massives, où l’interprétation rigoureuse dépend autant de la qualité des outils que de la précision des données. Ensemble, les professeures Choquet et Scott projettent de développer plusieurs projets dont un outil pour mieux comprendre comment l’abondance des petits ARN nucléolaires est régulée ou encore comment les polymorphismes, les différences génétiques entre les individus, affectent l’épissage à l’échelle de transcrits entiers.

Une synergie au féminin, unique au pays

Karine Choquet et Michelle Scott, malgré leurs expertises distinctes, forment un duo de recherche hors du commun au Canada. Animées par le même objectif de faire progresser la compréhension de la biologie moléculaire afin de favoriser des avancées cliniques, elles y consacrent des approches complémentaires, avec des priorités légèrement différentes. L’une intègre les expériences en laboratoire à des analyses bio-informatiques, tandis que l’autre mise davantage sur l’informatique et l’intelligence artificielle.

Cette alliance se traduit concrètement dans leurs projets communs, où les outils développés par l’équipe de Michelle Scott sont mis au service des données générées par les expériences biologiques de Karine Choquet, notamment pour l’analyse d’un rôle méconnu des petits ARN nucléolaires dans la régulation de l’épissage.

Leurs recherches illustrent à quel point la bio-informatique est aujourd’hui incontournable en recherche biomédicale.

Dans le cas de Karine Choquet, cela signifie détecter des erreurs d’épissage qui pourraient être corrigées pour prévenir ou traiter une maladie. Dans celui de Michelle Scott, cela implique de concevoir des modèles mathématiques capables de faire émerger des hypothèses biologiques à partir de jeux de données massifs et hétérogènes.

Ensemble, elles démontrent que les limites technologiques ne sont plus des freins à la découverte, mais des défis à surmonter par la créativité, l’ingéniosité scientifique et la complémentarité des savoirs.

C'est ici que leur compétence devient stratégique. En développant ou adaptant des outils informatiques, elles parviennent à contourner des obstacles technologiques qui paraissaient infranchissables avant. Loin de se heurter aux limites du matériel ou des algorithmes existants, elles les transforment en tremplins, ouvrant la voie à de nouvelles possibilités d’analyse et d’interprétation.

À travers leurs travaux, Karine Choquet et Michelle Scott incarnent une nouvelle génération de scientifiques pour qui la maîtrise des données est au service d’une finalité éminemment humaine : comprendre, prévenir et soigner les maladies. Leur collaboration est plus qu’un simple croisement de disciplines ; il est un exemple inspirant.

Découvrez la Chaire de recherche du Canada en bio-informatique de l'ARN non codant (vidéo)

À propos de Michelle Scott
Professeure-chercheuse au Département de biochimie et de génomique fonctionnelle, FMSS
Professeure-chercheuse à l'Institut de recherche sur le cancer de l'Université de Sherbrooke (IRCUS)
Professeure-chercheuse au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS)

À propos de Karine Choquet
Professeure-chercheuse au Département de biochimie et de génomique fonctionnelle, FMSS
Professeure-chercheuse au Centre de recherche sur le vieillissement (CdRV)


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