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L’étude des maladies neurodégénératives : sortir des sentiers battus

Le professeur Christian Bocti, du Département de médecine de l'UdeS, et membre du Centre de recherche sur le vieillissement.
Le professeur Christian Bocti, du Département de médecine de l'UdeS, et membre du Centre de recherche sur le vieillissement.

Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

Tout le monde veut vivre longtemps, mais personne ne veut vieillir… Les maladies neurodégénératives, notamment la maladie d’Alzheimer, la cause de démence la plus fréquente, sont parmi celles qui inquiètent le plus à l’aube de la vieillesse, car elles touchent le centre de contrôle de tout notre corps, le siège même de nos émotions, de notre mémoire, du langage : le cerveau.

Le professeur Christian Bocti, de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’UdeS, étudie depuis 17 ans les maladies neurodégénératives, et plus particulièrement le vieillissement cognitif, incluant la maladie d’Alzheimer. Ses recherches sortent du champ habituel dans lequel œuvrent la plupart des chercheurs et chercheuses s’intéressant à la maladie d’Alzheimer.

L’hypothèse des plaques amyloïdes : et si on faisait fausse route?

Les scientifiques cherchent toujours à comprendre les causes de la maladie d’Alzheimer.
Les scientifiques cherchent toujours à comprendre les causes de la maladie d’Alzheimer.
Photo : UdeS

« Il y a une hypothèse prédominante au sein de la communauté scientifique : l’Alzheimer serait causée par l’accumulation anormale, à l’extérieur des cellules nerveuses, d’une protéine appelée peptide ß-amyloïde, ce qui conduit à la formation de plaques amyloïdes. Cependant, cette hypothèse a été fortement remise en cause déjà il y a 20 ans, notamment pour la raison suivante : si on enlève ces protéines du cerveau des patients atteints d’Alzheimer avec un vaccin, leur état ne s’améliore pas et continue à se détériorer. Pourtant, l’idée que les plaques amyloïdes causent la maladie est encore très fortement ancrée. »

Le professeur Bocti n’hésite pas à parler « d’aveuglement volontaire » de la part des scientifiques qui continuent à soutenir cette hypothèse.

D’autres pistes prometteuses

L’imagerie cérébrale de pointe permet d'explorer différentes pistes.
L’imagerie cérébrale de pointe permet d'explorer différentes pistes.
Photo : UdeS

Le professeur Bocti a lui aussi étudié les fameuses plaques amyloïdes. « En fait, le haut taux d’amyloïde dans le cerveau des gens atteints d’Alzheimer ne serait pas la cause de la maladie, mais serait associé avec celle-ci, explique-t-il. Mais il faut aller en amont pour trouver une cause commune à l’accumulation de l’amyloïde et au dommage neuronal qui cause la démence. Une piste intéressante est que le rôle physiologique normal de l’amyloïde serait de combattre les infections, étant donné la similitude de cette molécule avec les peptides antimicrobiens. Ainsi, les virus tels que l’herpès joueraient un rôle dans le déclenchement de la maladie d’Alzheimer. Les peptides amyloïdes et donc les plaques pourraient proliférer en présence de virus. »

Un deuxième sujet d’étude prisé par le professeur Bocti est le lien entre les facteurs vasculaires et les troubles cognitifs.

Le cerveau est l’endroit le plus vascularisé du corps, et il semble y avoir un lien entre vascularisation déficiente et maladies neurologiques.

C’est pourquoi il étudie avec le professeur Kevin Whittingstall, également de la Faculté de médecine de l’UdeS, l’équilibre entre l’activité neurale et l’apport sanguin au cerveau, afin de voir si la perturbation de cet équilibre peut être reliée à des maladies neurodégénératives et à un déficit des fonctions cognitives. « Maintenant, l’imagerie cérébrale de pointe et l’intelligence artificielle nous permettent de mesurer comme jamais auparavant chaque vaisseau sanguin du cerveau. C’est une piste prometteuse. »

Métabolisme du cerveau et déclin cognitif

Une troisième piste de recherche est le métabolisme du cerveau. « On a fait des observations lors d’une étude locale, et on a été surpris de ceci : la prise pendant six mois d’une boisson cétogène, donc qui favorise la formation de corps cétoniques*, a la capacité d’améliorer les fonctions cognitives chez les personnes âgées avec troubles cognitifs légers », explique Christian Bocti, qui collabore actuellement avec le professeur Stephen Cunnane, également de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, à l’élaboration d’un supplément nutritionnel à base d’huile de coco.

En matière de prévention, le chercheur nous rappelle que « ce qui est bon pour le cœur l’est aussi pour le cerveau ».
En matière de prévention, le chercheur nous rappelle que « ce qui est bon pour le cœur l’est aussi pour le cerveau ».
Photo : Michel Caron - UdeS

Et la médication? « Il n’existe actuellement aucun médicament pouvant stopper ou renverser l’Alzheimer, et ce n’est pas pour demain », indique-t-il.

Je crois que lorsque nous aurons compris comment se développent les cent milliards de neurones qui composent notre cerveau, les facteurs de croissance, l’apparition des connexions entre les neurones, etc., nous pourrons prendre le chemin inverse et comprendre comment ces mêmes neurones en viennent à se détériorer.

« On a entre autres remarqué que la maladie d’Alzheimer apparaît lorsque les cellules progénitrices – oui, il en existe dans le cerveau adulte, celles responsables de la régénération de nos cellules cérébrales – commencent à mourir. » 

Et la prévention dans tout ça? « S’il y a une chose à retenir, c’est la suivante : ce qui est bon pour le cœur l’est aussi pour le cerveau. D’ailleurs, soigner l’hypertension est également bénéfique pour réduire le déclin cognitif. Donc, les bonnes vieilles recommandations sont toujours de mise : restez actif physiquement et intellectuellement, et mangez bien, avec une abondance de fruits, de légumes et de bons gras. C’est la meilleure manière de prévenir les maladies neurodégénératives », termine le professeur Bocti.

*Corps cétoniques : les corps cétoniques désignent des substances produites une fois qu’il n’y a plus de glucose (« sucre ») disponible, et que le corps se tourne vers d’autres sources d’énergie alternatives, notamment les graisses.


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