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Inflammation et crise d’asthme : le lien qu’il ne faut plus ignorer

Le professeur Simon Couillard
Le professeur Simon Couillard
Photo : Mathieu Lanthier - UdeS

Le 8 avril 2025, la revue The Lancet Respiratory Medicine a publié une étude importante issue du consortium international ORACLE2, que dirige le Pr Simon Couillard, clinicien-chercheur au sein du Département de médecine de l’Université de Sherbrooke et chercheur affilié à l'Université d'Oxford. Cette recherche met en lumière le rôle crucial de l’inflammation dans les crises d’asthme, offrant ainsi une nouvelle approche pour la prédiction et la prévention de ces événements.

L’asthme représente un véritable défi de santé publique au Québec, où 11 % de la population, soit plus de 900 000 personnes, en souffrent actuellement. Parmi elles, une personne asthmatique sur trois subit au moins une crise sévère chaque année, entraînant des conséquences majeures :

  • Une perte significative de qualité de vie;
  • Des effets secondaires liés aux traitements systémiques à base de corticostéroïdes;
  • Une diminution permanente de la fonction respiratoire due à des cicatrices et un remodelage bronchique;
  • Une augmentation des consultations médicales, des urgences et des hospitalisations.

Or la prévention des crises d’asthme est possible. Jusqu'à présent, l'évaluation du risque repose principalement sur les symptômes et les signes de dommages respiratoires, tel que le sifflement et rétrécissement des bronches. Dans cette étude, l’équipe de recherche explore les facteurs prédisposant aux crises pour ainsi mieux les anticiper et les prévenir.

Alors que nous sommes habitués de mesurer et traiter la pression artérielle, le cholestérol et le taux de sucre pour prévenir les crises cardiaques, il est terrible de penser que nous gérons encore l’asthme sur la base de symptômes, en aval des crises. De fait, nous pneumologues agissons en « pompiers », appelés seulement lorsque le feu est pris. Notre étude confirme que l’on peut identifier le risque des crises d’asthme en amont – avant que le feu ne prenne! La beauté est que le risque identifié est celui de l’inflammation, et que nous avons justement des traitements anti-inflammatoires fort efficaces en asthme.

Pr Simon Couillard, pneumologue pour le CIUSSS de l'Estrie – CHUS et professeur-chercheur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé

Cette publication présente les résultats d'une méta-analyse de grande ampleur qui bouleverse les modèles traditionnels d’évaluation du risque. En analysant les données de plus de 6 500 personnes patientes issues de 22 essais cliniques randomisés, l’équipe du Pr Couillard a démontré que deux tests inflammatoires, les éosinophiles sanguins et la fraction expirée de monoxyde d’azote (FeNO), sont des prédicteurs puissants et synergiques des crises d’asthme.

Impact sur le processus de soins

Les tests inflammatoires offrent une meilleure prédiction du risque de crises d’asthme et permettent d’adapter les traitements en conséquence. Le décompte des éosinophiles sanguins, déjà inclus dans les analyses de sang courantes, peut signaler un risque accru. Ce paramètre est facilement accessible dans les dossiers médicaux et représente un outil pratique pour les cliniciens. Le FeNO, bien qu’il ne soit actuellement pas remboursé au Québec, est disponible en Europe et permet d’obtenir une mesure rapide et immédiate lors d’une consultation en cabinet.

Ces résultats pourraient influencer les recommandations mondiales de gestion de l’asthme en introduisant de nouveaux critères pour évaluer le risque de crises. Notre étude a également permis de déconstruire certains mythes bien établis.

Pr Simon Couillard, pneumologue pour le CIUSSS de l'Estrie – CHUS et professeur-chercheur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé

L’étude remet également en question certains tests actuellement utilisés. Contrairement aux idées reçues, la réponse aux bronchodilatateurs comme le Ventolin lors d’une spirométrie ne permet pas de prédire le risque de crises et pourrait même jouer un rôle protecteur.

Le professeur Simon Couillard et son équipe
Le professeur Simon Couillard et son équipe
Photo : Fournie

En identifiant plus précisément les personnes à haut risque grâce à ces marqueurs inflammatoires, il devient possible d’optimiser les stratégies de traitement. Ces patientes et patients, qui sont plus susceptibles de répondre efficacement aux corticostéroïdes inhalés ou aux thérapies biologiques, pourraient bénéficier d’une thérapie plus ciblée et mieux personnalisée.

Cette étude souligne l’importance de réévaluer les critères de risque dans la gestion de l’asthme. L'intégration de biomarqueurs inflammatoires pourrait transformer la stratégie actuelle, offrant une approche plus préventive et personnalisée. En mettant l'accent sur l'inflammation comme facteur clé, ces nouvelles données pourraient influencer les recommandations mondiales et améliorer significativement la prise en charge des personnes asthmatiques.

Le consortium international ORACLE2

Dirigé par le Pr Simon Couillard de l'Université de Sherbrooke, en partenariat avec l'Université d'Oxford et l’Université de Leiden, ORACLE2 (Oxford Asthma Attack Risk Scale) est un large consortium public-privé international en asthme qui met en lumière le rôle crucial de l’inflammation dans les crises d’asthme.

En effet, elle unit équipes de recherche universitaires et pharmaceutiques multinationales afin d’améliorer la prise en charge de l’asthme.

Cette collaboration internationale ouvre de nouvelles perspectives pour une gestion plus efficace et prédictive de l’asthme, réduisant ainsi l’impact de cette maladie sur la vie des gens et sur les systèmes de soins de santé. Plusieurs autres projets sont en cours de développement afin de mieux quantifier le risque associé à la combinaison de différents facteurs de risque. Ultimement, la prochaine étude permettra le développement d’une échelle de risque de crises d’asthme. À l’instar du risque modifiable de crises cardiaques identifié par la haute pression et le cholestérol, ORACLE2 souhaite permettre de cibler le risque « modifiable » de crises d’asthme conféré par les biomarqueurs inflammatoires.

À propos du Pr Simon Couillard
S'impliquant depuis plusieurs années dans la recherche en maladies des voies aériennes, le pneumologue Simon Couillard a obtenu son diplôme avec distinction à l'Université d'Oxford (2022), où il a complété sa formation complémentaire de recherche clinique et translationnelle en asthme. Il est professeur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke où il est le titulaire de la Chaire en santé respiratoire de l’Association pulmonaire du Québec. Il est membre du Centre de recherche du CHUS (CRCHUS), et il participe à la vie scientifique de l'axe Maladies obstructives et remodelage du Réseau AIR du Fonds de la recherche en santé du Québec. Il est également éditeur junior des réputés journaux évalués par les pairs Chest et le journal de la Société canadienne de thoracologie (CJRCCSM) pour la section portant sur l'asthme.

Une recherche qui s'élève à la puissance dix!
Ce n'est pas un hasard si l'Université de Sherbrooke se démarque en recherche. Son secret? Le mariage judicieux du partenariat, de la mutualisation et de l'interdisciplinarité, trois forces qui font désormais sa renommée. Apprenez-en plus sur ce qui a propulsé l'UdeS au rang des universités de recherche les plus prolifiques au Canada.


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