La professeure Maia Vergniory cosigne un article important dans la revue Science
Quand l’infiniment petit détermine l’infiniment grand

Photo : Michel Caron - UdeS
La matière noire, cette « colle invisible » qui assure la cohésion des galaxies dans l’Univers, intrigue les scientifiques depuis longtemps, mais une découverte majeure à laquelle a contribué la professeure de physique Maia Vergniory, de l’Université de Sherbrooke, pourrait aider à résoudre le mystère.
Grâce aux découvertes réalisées par l’astronome Edwin Hubble, en 1929, nous savons que l’Univers est en expansion depuis sa naissance. Mais les mesures qui ont suivi sur la vitesse de cette expansion ont révélé une énigme qui fascine la communauté scientifique depuis des décennies : en vertu des lois de la physique, la masse observable de l’Univers est nettement insuffisante pour permettre les vitesses mesurées. Pour expliquer le phénomène, nombre de chercheuses et de chercheurs ont postulé, dès les années 30, l’existence d’une « matière noire », un matériau indétectable par les moyens classiques, qui composerait près de 85 % de la masse universelle totale et permettrait de maintenir la cohésion des structures comme les galaxies.
Parmi les hypothèses avancées pour décrire la nature de cette matière inconnue se trouvent les axions, des particules théoriques initialement proposées pour résoudre le problème de la symétrie de charge-parité (CP) forte dans le Modèle Standard en physique. Ces particules, que la recherche tente de débusquer depuis plus de 40 ans, auraient été générées au moment du big bang. C’est en tentant de les observer que l’équipe internationale dont fait partie la professeure Maia Vergniory, de la Faculté des sciences de l’UdeS, a réalisé une percée expérimentale déterminante, qui rapproche la science d’une preuve de leur existence. La professeure Vergniory cosigne ainsi une avancée majeure dont les résultats pourraient éclairer notre compréhension d’un des plus grands mystères de notre temps, et font l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Science, ce vendredi 10 janvier 2025.
C’est une avancée extraordinaire, car, en plus d’expliquer un mystère important de notre histoire naturelle, cette percée a le potentiel d’engendrer des gains technologiques substantiels. Les cristaux que nous avons conçus pour réaliser notre expérience sont capables de guider les photons vers leur bordure dans une seule direction, sans dériver – une propriété essentielle à la transmission de données, qui pourrait également diminuer les risques d’erreurs en informatique quantique.
Professeure Maia Vergniory, Faculté des sciences

Photo : Michel Caron - UdeS
Pour réaliser sa percée, l’équipe a d’abord imaginé et conçu des structures cristallines géométriques faites à partir d’un matériau de synthèse choisi pour ses propriétés magnétiques et optiques, le grenat d'yttrium-fer. L'équipe a observé que, sur les bordures tridimensionnelles de ces structures, les photons se déplaçaient de façon unidirectionnelle – par exemple, en montant, en avançant et vers la droite – sans subir de phénomènes tels que la diffusion vers l'arrière. Or, ce comportement des photons dans le cristal correspond également à ce que prédit la théorie pour les axions, suggérant ainsi que les photons observés sont, en fait, des axions convertis en photons.
« Nous nous rapprochons ainsi du jour où nous pourrons prouver leur existence par une observation directe, ce qui constituerait une avancée importante dans notre compréhension de la matière noire. »
- Professeure Maia Vergniory
La prochaine étape pour l'équipe consistera à optimiser ses structures cristallines afin de les utiliser dans des expériences visant à détecter des photons convertis à partir d'axions dans des conditions extrêmes, telles que de puissants champs magnétiques.
Je tiens à féliciter la professeure Vergniory pour cet apport de premier plan à une recherche impressionnante. Cette nouvelle publication dans une revue prestigieuse témoigne de l’excellence de ses recherches et de la créativité de la grande équipe internationale qui est à l’origine de cette découverte. Son nom et celui de notre Institut quantique seront pour toujours associés à cet exploit dont la science parlera longtemps.
Professeur Armand Soldera, doyen de la Faculté des sciences
La recherche à laquelle a contribué Maia Vergniory a mobilisé de nombreuses personnes sur trois continents. Dirigée par le professeur Zhang Baile, de l’Université technologique de Nanyang (Singapour), elle a également réuni des chercheuses et chercheurs de l’Institut Max Planck pour la physique chimique des solides (Allemagne), de l’École polytechnique fédérale de Zurich (Suisse), du Centre international de physique de Donostia (Espagne), de l’Université du Pays basque et de la Fondation basque pour la science (Espagne), de l’Université technologique de Dongguan (Chine), de l’Université de Nanjing (Chine), de la Southern University of Science and Technology (Chine), de l’Université d’électronique, de sciences et de technologie de Chine, et de l’Université Westlake (Chine).
Une chercheuse habituée à l’innovation de pointe
La professeure Maia Vergniory est titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada en matière quantique topologique. La chimie quantique topologique, dont elle est la cocréatrice, est un domaine relativement récent de la chimie et de la physique qui étudie les propriétés électroniques ainsi que les comportements des matériaux en utilisant des concepts de la théorie quantique et de la topologie. Les nouvelles catégories de matériaux plus performants sur lesquelles portent ses recherches ont le potentiel d’apporter des solutions à de nombreux enjeux d’importance, dont celui de la réduction de notre consommation d’énergie.
Trois candidates théoriques pour expliquer la matière noire
La matière noire est un matériau mystérieux détectable uniquement par les effets gravitationnels qu'elle exerce sur son entourage. Si elle n’a toujours pas été observée directement, trois particules théoriques sont des candidates pour expliquer son existence :
- Les axions : des particules hypothétiques légères générées au moment du Big Bang.
- Les WIMPs (Weakly Interacting Massive Particles) : des particules massives interagissant faiblement.
- Les MACHOs (Massive Compact Halo Objects) : des objets compacts tels que des étoiles mortes ou des trous noirs (aujourd'hui considérés comme insuffisants pour expliquer la matière noire).
Les femmes, pionnières de la recherche sur la matière noire
Vera Rubin (1928-2016) était une astronome américaine connue pour ses contributions fondamentales à l'astrophysique, notamment dans la mise en évidence de l’existence de la matière noire grâce à ses études sur les courbes de rotation des galaxies. Elle est l'une des figures les plus influentes de l'astronomie moderne, non seulement pour ses découvertes scientifiques, mais aussi pour son rôle dans la promotion des femmes en science.