Un des textes gagnants du Concours de vulgarisation scientifique 2020
Crise économique : budget serré, pantalon serré
Il ne se passe pas une journée sans qu’on entende parler de nos voisins américains, que ce soit d’une nouvelle entreprise émergente de la Silicon Valley ou du dernier tweet du président. Il fut un temps où tout ce qui se disait à leur sujet concernait la crise économique de 2008. D’ailleurs, nous connaissons bien l’impact d’une crise économique sur la santé financière des foyers, mais qu’en est-il de son impact sur les composantes de la santé physique, comme le niveau de cholestérol et la pression artérielle? C’est la question que s’est posée une équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke.
Quand se serrer la ceinture devient plus difficile
Il est évident que la crise économique de 2008 a eu un effet considérable sur le portefeuille des Américains. Il est possible que les répercussions se soient fait sentir jusque dans leurs assiettes. Effectivement, en regardant le portrait global des adultes américains, de 1999 à 2014, les chercheurs ont découvert une diminution significative dans la quantité de calories consommées durant les années associées à la récession.
Une réduction des calories consommées engendre-t-elle nécessairement une perte de poids? Pas nécessairement! Malgré une réduction des calories consommées, le tour de taille moyen a étrangement augmenté entre le début des années 2000 et 2014, qu’il y ait crise ou pas, chez les hommes comme chez les femmes. Ainsi, la proportion de personnes présentant un tour de taille élevé (≥ 102 cm pour les hommes et ≥ 88 cm pour les femmes) est passée de 38 % à 43 % chez les hommes et de 64 % à 69 % chez les femmes. Un tour de taille élevé est associé à divers problèmes de santé ainsi qu’à l’augmentation du risque de mort prématurée. Ce phénomène peut être explicable par une réduction de la dépense calorique associée à la pratique d’activités physiques.
Le profil de santé d’une population suivrait les marchés financiers
Un autre indicateur de santé d’une population est la proportion de personnes vivant avec le syndrome métabolique. Bien que ce syndrome ne soit pas une maladie en soi, il est associé à un risque accru de développer le diabète de type 2 et des maladies cardiovasculaires. Ce syndrome est défini comme la présence d’au moins trois des cinq caractéristiques suivantes : pression artérielle élevée, tour de taille élevé, taux de sucre et de triglycérides sanguins élevés ainsi qu’un faible taux de cholestérol HDL, souvent appelé « bon » cholestérol.
Durant la décennie précédant la crise économique, la proportion de la population affectée par ce syndrome était relativement constante. En revanche, les chercheurs, dont le professeur Martin Brochu de la Faculté des sciences de l'activité physique, ont remarqué que de plus en plus d’individus développaient les caractéristiques de ce syndrome depuis la crise de 2008, suggérant une détérioration de l’état de santé physique de la population américaine. Beaucoup d’hypothèses peuvent expliquer ce phénomène. Les auteurs ont suggéré que, lors de la crise économique, il est possible que les Américains s’alimentaient moins bien. Par exemple, une consommation plus importante de produits de moindre qualité, lesquels sont généralement moins dispendieux, serait néfaste pour la santé.
Les mieux nantis sont-ils mieux protégés?
Le réflexe pourrait être de croire que les plus fortunés ont un coussin de sécurité financière permettant de diminuer l’impact d’une crise économique sur leurs habitudes de vie et par le fait même leur profil de santé. Au contraire, les analyses des chercheurs démontrent que non! En effet, les individus les mieux nantis semblent les plus affectés sur le bilan de santé physique lors d’une crise économique. Malheureusement, puisqu’un gain de poids est souvent un processus multifactoriel, il est difficile de cibler les raisons expliquant cette observation.
Évidemment, on ne contrôle pas les marchés financiers, mais adopter en amont une pratique régulière d’activités physiques et une saine alimentation diminue les risques que votre santé financière influence votre tour de taille.
À propos de Philippe St-Martin
Philippe St-Martin est en voie de terminer son baccalauréat en kinésiologie. Il souhaite poursuivre à la maîtrise en sciences de l’activité physique. Il désire faire partie de la prochaine génération de professionnels en aérospatiale au Canada et s’intéresse plus spécifiquement à l’optimisation des entraînements physiques pour les missions spatiales de longues durées. Également membre étudiant au conseil exécutif de l’Association des kinésiologues de la région de l’Estrie (AKRE), il a comme tâche de rédiger diverses capsules scientifiques vulgarisées pour les membres. Pour lui, la vulgarisation de travaux scientifiques est primordiale pour permettre au grand public de profiter des avancements en sciences.
À propos du Concours
L’Université de Sherbrooke tient annuellement un concours de vulgarisation scientifique dont les objectifs sont de stimuler des vocations en vulgarisation scientifique et d’augmenter le rayonnement des travaux de recherche qui s’effectuent à l’Université, qu’ils soient de nature fondamentale ou appliquée.