Aller au contenu

L’activité physique comme thérapie durable

Les saisons du Québec : quel rôle dans la motivation à bouger?

Photo : marcelmooij

Un nombre croissant d’études démontre que l’activité physique est bénéfique pour la santé physique et mentale, et peut même améliorer l’état des personnes atteintes de maladies complexes. Pourquoi, alors, l’inactivité physique est-elle si tenace dans les foyers de l’Occident? La professeure Isabelle Dionne s’attaque à cette question, qu’elle pose dans le contexte de nordicité qui imprègne la vie des Québécois.

Récemment, une équipe de l’UdeS a dévoilé les résultats préliminaires d’une étude qui analyse le fonctionnement du cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, et qui apparaît significativement amélioré par la pratique de la marche. Dirigés par le professeur-chercheur Stephen Cunnane, de l’UdeS, les travaux mesurent notamment la vitesse du traitement de l’information par le cerveau des personnes atteintes, vitesse qui se retrouve rehaussée par l’exercice. Le programme d’activité aérobie prescrit aux participants de l’étude, toujours en cours, est élaboré et administré par l’équipe de la kinésiologue Isabelle Dionne, professeure et doyenne de la Faculté des sciences de l’activité physique (FASAP).

La professeure Isabelle Dionne
La professeure Isabelle Dionne
Photo : Michel Caron

La marche stimule la production de cétones, un carburant du cerveau qui prend la relève du glucose dont la production est défaillante chez les personnes atteintes de l’Alzheimer. En bref, comparativement au groupe de participants n’ayant suivi aucun programme d’exercice, la marche d’une durée de 15 à 40 minutes pratiquée trois fois par semaine améliore certaines fonctions cognitives des personnes aux prises avec la maladie.

Or, aux yeux d’Isabelle Dionne, ça n’est pas la seule révélation de cette recherche collective. Les données secondaires recueillies par l’étude sont particulièrement précieuses pour la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les recommandations d'exercice pour un vieillissement en santé. «L’exercice peut avoir des impacts majeurs sur l’état de santé de tous les individus, affirme la spécialiste du mouvement. Mais si, pour toutes sortes de raisons, les personnes ne sont pas en mesure de passer à l’action, nos recommandations sont comme des coups d’épée dans l’eau.»

La réalité de l’environnement…

À la salle d’entrainement et de tests physiques du Centre de recherche sur le vieillissement.
À la salle d’entrainement et de tests physiques du Centre de recherche sur le vieillissement.
Photo : Michel Caron

Dans le cadre de l’étude, la marche est habituellement pratiquée sous supervision à la salle d’entrainement et de tests physiques du Centre de recherche sur le vieillissement.  Pour tout participant, l’équipe de recherche demande l’engagement d’une personne accompagnatrice, par mesure de sécurité liée à la maladie. Néanmoins, certains participants se sont vus attribuer un parcours de marche dans leur environnement résidentiel, mais des difficultés à se souvenir de l’itinéraire sont venues interrompre l’initiative. Si la présence d’un accompagnateur est nécessaire au bout du compte, elle complique drôlement le recrutement des volontaires.  «Pour être prescrit efficacement, l’exercice doit tenir compte de la réalité des individus et du contexte dans lequel  le traitement est appliqué», fait valoir Isabelle Dionne qui, avec l’équipe, tente toujours de recruter d’autres participants –et leurs accompagnateurs- pour enrichir les résultats de la recherche au cours des 12 prochains mois.

C’est un fait universel et reconnu par la science : l’activité physique est un comportement clé de l’état de santé et de la qualité de vie. Malgré de nombreuses campagnes et stratégies massives de santé publique, et des recommandations claires, l’inactivité physique demeure répandue dans les pays développés. Or les recherches se raffinent et font poindre une variable cruciale : l’environnement apparaît comme un facteur déterminant dans l’adhérence ou non à la pratique d’activités physiques. Par exemple, les programmes d’exercices ont bien davantage de pouvoir attractif lorsqu’ils sont effectués en plein air que lorsqu’ils se déroulent en salles d’entraînement, et ce beau temps mauvais temps.

…et la couleur des saisons nordiques

Photo : Michel Caron

Les caractéristiques des milieux de vie immédiats telles que la marchabilité du quartier –ou son potentiel piétonnier- ainsi que ses aspects esthétiques constituent des variables qui font l’objet de plus en plus de recherches à travers le monde. «Même si dans certain cas, elle peut être aussi efficace qu’une prescription médicale, l’activité physique n’est pas un médicament qui s’ensache dans une pilule. Cela demande de l’effort, du temps, de l’adaptation. Et c’est encore plus vrai dans un pays où l’environnement change en fonction des saisons!»

En collaboration avec une collègue de la Finlande, dont le climat nordique est similaire à celui du Québec, Isabelle Dionne entame d’ambitieux travaux qui visent à mesurer l’effet des saisons sur la motivation face à l’entraînement. L’étude entend comparer les niveaux d’activités pendant l’hiver et pendant l’été chez trois groupes d’âges : de jeunes adultes, des adultes mûrs et des personnes âgées. Les perceptions, les facteurs de motivation et les obstacles à la pratique seront aussi investigués pour les deux saisons ainsi que sur les deux territoires, québécois et finlandais. Dans une deuxième portion de l’étude, les participants de 25 à 75 ans seront exposés à des images de «paysages verts» (été) et de «paysages blancs» (hiver). «Nous voulons ainsi mesurer les réponses psychophysiologiques, dans le cerveau notamment, lorsque les participants s’exercent devant des images de l’hiver puis de l’été. Ultimement, nous espérons pouvoir émettre des recommandations plus raffinées pour des stratégies de promotion de l’activité physique adaptées aux pays nordiques, pour chaque tranche d’âges», conclut la professeure Dionne.

Quelques trouvailles de la Chaire de recherche du Canada sur les recommandations d'exercice pour un vieillissement en santé

Isabelle Dionne et ses collègues de la Chaire tentent de trouver la dose d’exercice la plus efficace pour prévenir divers problèmes de santé ainsi que l’incapacité physique chez les personnes âgées. Les observations de la titulaire faites au cours de nombreuses années de pratique sont on ne peut plus claires : l’exercice, même modéré, a des effets préventifs et curatifs puissants pour les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2. Cela pourrait aussi être le cas chez des personnes atteintes de cancer. Une étude menée actuellement par une collègue de l’équipe de la Pre Dionne, la professeure Eléonore Riesco, ainsi que le Dr Michel Pavic de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, s’intéresse à l’effet de l’exercice réalisé pendant les traitements contre le cancer afin de réduire la fatigue chez les personnes âgée. Les résultats sont prometteurs et s’ils apparaissent concluants : les patients atteints de cancer et qui font de l’exercice s’avèreraient moins amochés et moins fatigués à la fin de leur traitement que ceux qui ne pratiquent aucun exercice.

Au sujet de l’étude sur la marche et la santé du cerveau des personnes atteintes d’Alzheimer

Les résultats préliminaires de l’étude ont fait l’objet d’un article dans le Journal of Alzheimer’s Disease, sous la direction de Stephan Cunnane, Ph. D, docteur en physiologie, professeur-chercheur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) de l’UdeS, de même qu’au Centre de recherche sur le vieillissement (CRDV) du Centre intégré universitaire de santé et de service sociaux (CIUSSS) de l’Estrie-CHUS. La professeure Isabelle Dionne et son équipe de la FASAP ont conçu et administré le programme d’entraînement destiné aux patients.

Cet article a été publié par Christian-Alexandre Castellano, membre de l’équipe de Stephen Cunnane. C’est le fruit de plusieurs années de recherche et l’aboutissement d’une étroite collaboration entre plusieurs médecins et chercheurs du CDRV ainsi que Dre Nancy Paquet et Dr Éric Turcotte, tous deux nucléistes à l’Hôpital Fleurimont du CIUSSS de l’Estrie-CHUS et professeurs-chercheurs à la FMSS de l’UdeS et au Centre de recherche du CHUS.


Informations complémentaires