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La forêt boréale pas si différente de la forêt tropicale

La position géographique et l'altitude auraient une influence moins grande qu'on le croit sur un facteur de diversité des espèces d'arbres

Mark Vellend
Mark Vellend
Photo : Sylvie Careau

Dans les régions tropicales, la végétation luxuriante témoigne d'une biodiversité plus grande que celle que l'on voit dans les régions tempérées ou en haute montagne. Pour cette raison, plusieurs biologistes ont longtemps considéré que l'assemblage des communautés végétales des tropiques reposait sur des mécanismes locaux plus complexes que dans les zones tempérées. Or, ce ne serait pas le cas, conclut une nouvelle étude internationale menée par 16 chercheurs, dont le professeur Mark Vellend de la Faculté des sciences. Selon l'étude publiée dans le numéro courant de Science, les distributions d'espèces obéissent à des mécanismes similaires, peu importe la situation géographique.

Processus local et régional

La biodiversité végétale d'une région se mesure de différentes façons. Prenons l'exemple d'un échantillonnage d'espèces d'arbres : l'inventaire des espèces peut être fait localement sur des parcelles (diversité alpha (α)) ou pour l'ensemble d'une grande région (diversité gamma (γ)). Les chercheurs se sont intéressés à une troisième mesure, la diversité bêta (β), obtenue selon un ratio des deux premières mesures, pour mettre en lumière les différences spatiales. Ainsi, dans les forêts où il y a moins d'espèces, la diversité β diminue; par contre, plus on s'approche de l'équateur, elle augmente. Plusieurs écologistes estimaient que cette plus grande biodiversité était liée à des facteurs spécifiques locaux propres aux régions tropicales (la compétition entre espèces, la dispersion des graines, ou la présence d'espèces plus ou moins spécialisées). «À cause de la présence de différents processus de biodiversité, l'interaction écologique opère de façon différente d'une région à l'autre, explique Mark Vellend. À première vue, plusieurs écologistes pensaient que les facteurs locaux avaient une influence plus grande dans les régions ayant une grande diversité β. Mais après analyse, on réalise que la façon dont les espèces sont distribuées parmi les parcelles n'est pas très différente près de l'Équateur ou en Amérique du Nord.»

Deux jarres à bonbons

Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont utilisé deux séries de données : la première relevant la présence d'arbres dans 197 endroits s'étalant sur plus de 100 degrés de latitude, et la seconde montrant un inventaire prélevé sur 8 élévations différentes d'un massif montagneux de 2250 m, en Équateur. Ils ont confronté toutes ces données à un modèle nul, soit un échantillon aléatoire. Grâce à son expertise des modèles nuls, Mark Vellend a procédé à des ajustements pour raffiner l'analyse.

«On pourrait comparer la différence de biodiversité à deux pots de bonbons m&m's, illustre le chercheur. Dans le premier pot, on aurait une diversité de 100 couleurs (plus grande diversité γ) et dans le deuxième pot, on aurait seulement 10 couleurs. Si on distribue aléatoirement le contenu des deux pots dans une dizaine de petites tasses, la présence de plus de couleurs dans le premier pot peut donner l'impression qu'il y a des différences. Mais dans les faits, le processus de répartition lui même est similaire. On aurait pu penser que la répartition des espèces aux tropiques opérait de façon différente, mais ce n'est pas le cas.»

Selon le professeur Vellend, l'étude renforce l'idée selon laquelle les processus évoluant sur une large échelle et une longue période ont plus d'influence que ceux qui interviennent à petite échelle. «Ça change la façon d'expliquer pourquoi il y a tant de diversité dans les tropiques. Les raisons expliquant cette diversité, on ne les comprend pas très bien mais on soupçonne qu'elles soient liées à des processus évolutifs ayant couru sur des millions d'années et non des facteurs écologiques locaux propres aux régions», dit-il.

L'étude qui paraît dans Science a été produite par des chercheurs canadiens, américains et néo-zélandais. Elle était financée par deux organismes américains, le National Center for Ecological Analysis and Synthesis et la National Science Foundation. Le Professeur Vellend est le seul représentant d'une institution francophone au sein du groupe.

Autres recherches

Mark Vellend était professeur à L'Université de Colombie-Britannique (UBC) avant de s'établir à Sherbrooke en janvier 2011. Il mène présentement différents projets de recherche sur l'écologie végétale, l'intégration de l'écologie et de l'évolution, l'écologie historique, les questions de conservation et celles liées aux effets sur les activités des humains sur la biodiversité actuelle. Sur le terrain, il étudie la biodiversité forestière du mont Mégantic et du mont St-Hilaire. Le professeur Vellend croit qu'il pourrrait éventuellement être possible de partager les données prélevées ici avec des collègues internationaux pour poursuivre les travaux sur la diversité β.


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