Régulation des récepteurs de l'oestrogène
Découverte fondamentale sur les cancers hormono-dépendants
Il y a quelques semaines, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, endossait le rapport d'un comité d'experts suggérant de reprendre 2000 tests pour s'assurer que les traitements de cancer du sein suivis par les patientes sont adéquats. Il s'agit de vérifier notamment si la croissance de la tumeur est stimulée ou non par certaines hormones. La réponse positive des récepteurs de l'œstrogène permet d'envisager une thérapie adaptée, souvent moins contraignante et nocive que la chimiothérapie ou la radiothérapie. Malheureusement, les mécanismes de résistance à la stimulation hormonale chez certaines femmes sont encore mal compris. Toutefois, une découverte fondamentale de Nicolas Gévry, professeur à la Faculté des sciences, pourrait changer cette situation.
6 km dans une balle
Si l'on pouvait dérouler une séquence d'ADN contenue dans une cellule, on obtiendrait un ruban de plus d'un mètre de longueur. Or, cet ADN est compacté dans les cellules sous forme d'une pelote d'une dizaine de micromètres de diamètre – soit 10 millionièmes de mètre. Par analogie, cela se compare à faire entrer un fil de plus de 6 km de long dans une balle de tennis. Cette compaction d'ADN s'appelle la chromatine.
Nicolas Gévry et son équipe viennent de démontrer le rôle clé d'un facteur de la chromatine – le facteur H2A.Z – essentiel à la régulation des récepteurs de l'œstrogène. Ces résultats font suite aux travaux du professeur Luc Gaudreau sur les mécanismes de transcription génique et en particulier sur le lien direct entre le H2A.Z et la progression des tumeurs, publiés en 2007.
Décompacter l'ADN
La découverte du professeur Gévry publiée en juin dans la revue Genes & Development permet de mieux comprendre l'influence de H2A.Z dans le remodelage de la chromatine. «H2A.Z est surexprimé chez les patientes atteintes de cancer du sein et nous avons découvert que son rôle clé sur la décompaction de l'ADN influe l'expression des récepteurs de l'œstrogène», affirme le professeur Gévry.
Pour qu'un site récepteur d'ADN soit actif, il faut notamment que la zone compactée s'ouvre localement pour laisser place aux réactions biologiques, tel le recrutement des récepteurs de l'œstrogène aux gènes ciblés par ceux-ci. «Il y a quelques années, on croyait que le remodelage de la chromatine se faisait de manière statique, explique Nicolas Gévry. Nos travaux ont plutôt démontré que celui-ci s'opère de façon cyclique.»
Optimiser les thérapies
Cette nouvelle compréhension des mécanismes de remodelage de la chromatine pourrait avoir des répercussions importantes pour optimiser les thérapies utilisées dans les cas de cancers hormono-dépendants, comme le cancer du sein, ou le cancer de la prostate.
«Cette découverte est suffisamment importante pour que l'éditeur de la revue Genes & Development nous demande la publication rapide de nos résultats en ligne plutôt qu'en format imprimé, car ils feront l'objet d'une prochaine discussion dans la revue Nature», signale le chercheur.
Ces résultats prometteurs ne sont probablement qu'un début puisque les Instituts de recherche en santé du Canada ont octroyé le 8 juin un financement de près de 520 000 $ sur quatre ans au professeur Gévry pour son projet de recherche sur le rôle de la chromatine dans la régulation des gènes dépendant des récepteurs de l'œstrogène.