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Chaire de recherche en théorie des matériaux quantiques

André-Marie Tremblay : modéliser la nature quantique

Photo : Michel Caron

Le physicien André-Marie Tremblay modélise les phénomènes qui se manifestent dans les matériaux dits quantiques. Après 40 ans de carrière, ce théoricien par vocation ne voit pas le jour où il cessera de chercher.

Qu’est-ce qui fait rêver les physiciens de notre époque? Saisir, une fois pour toutes, les conditions qui créent, à la température de l’azote liquide, le phénomène de la supraconductivité, une des plus spectaculaires manifestations de la physique quantique. Ensuite : arriver à concevoir des matériaux qui reproduisent ces conditions gagnantes à la température ambiante. Depuis la découverte en 1987 des matériaux appelés cuprates –des oxydes de cuivre qui demeurent supraconducteurs jusqu’à des températures exceptionnellement élevées (soit -140°C) – ce rêve apparaît plus que jamais réalisable.

Oui, la communauté scientifique est peut-être sur le point de craquer l’énigme, et c’est grâce à des théoriciens de haut niveau comme André-Marie Tremblay. Depuis près de 40 ans, ce scientifique estimé aux quatre coins du globe imagine et teste des outils qui permettent d’apprivoiser les comportements quantiques de la matière, souvent jugés étranges. Il est ce qu’on pourrait appeler un chercheur d’idées, un découvreur de lois.

Vers des outils de prédiction

Titulaire de la Chaire de recherche en théorie des matériaux quantiques, André-Marie Tremblay fait partie d’une communauté de chercheurs qui vise ni plus ni moins à prédire les propriétés des matériaux quantiques… qui n’ont pas encore été synthétisés. Ceux-là mêmes qui charpentent la révolution technologique qui mijote.

Le physicien André-Marie Tremblay et, en arrière-plan, son collègue Patrick Fournier.
Le physicien André-Marie Tremblay et, en arrière-plan, son collègue Patrick Fournier.
Photo : Michel Caron

Car les approches conventionnelles sur la base desquelles la physique des matériaux s’est développée jusqu’au 20e siècle ne peuvent expliquer les propriétés fascinantes des matériaux supraconducteurs à haute température. Notre compréhension du comportement quantique des électrons a déjà révolutionné notre monde au cours du dernier siècle avec l’électronique, qui est à la base de l'ordinateur et du téléphone portable. Mais il reste bien du travail à abattre pour les artisans de la seconde phase de cette révolution. Ce grand bouleversement technologique annonce le transport de l’électricité sans résistance et à moindres frais, ainsi que l’émergence de l’ordinateur quantique, cette machine ultra puissante qui traitera les données à des rythmes inimaginables. Pour y arriver, il faut saisir – et prédire – les comportements des électrons qui suscitent les phénomènes quantiques, tels la supraconductivité, dans les matériaux innovants.

«Les modèles théoriques que nous solutionnons jusqu’à maintenant témoignent de ce que nous observons», explique le professeur Tremblay, boursier principal de l’Institut canadien des matériaux avancés (ICRA). «Les prédictions demeurent cependant qualitatives; il est essentiellement impossible de solutionner ces modèles d’une manière exacte. Un de mes objectifs est d’affiner les méthodes de solution pour qu’elles soient plus fiables, capables d’expliquer puis de prédire le comportement quantique collectif des électrons dans les matériaux.» Des travaux fondamentaux essentiels aux efforts des physiciens expérimentaux, dont ceux de ses collègues Patrick Fournier et Louis Taillefer, grand spécialiste de la supraconductivité dans les cuprates.

La force de la collaboration

Loin des laboratoires sophistiqués, André-Marie Tremblay s’attaquait depuis toujours à sa tâche armé d’un crayon, de papier et d’ouvrages savants. Avec le temps, le super-ordinateur a pris de plus en plus de place. La tâche s’est complexifiée, nécessitant des expertises variées. Le travail d’équipe est devenu de plus en plus essentiel. «Avec l’expérience, avec toutes ces années de recherche, j’arrive à pouvoir me rendre utile dans des collaborations de grande envergure, impliquant des étudiants, des chercheurs postdoctoraux et des collègues théoriciens. Sans ces collaborations, en particulier celle du professeur David Sénéchal, il devient presque impossible de se démarquer à l’échelle internationale.»

Matériaux... et frigo du futur

Un échantillon de gadolinium.
Un échantillon de gadolinium.
Photo : auteur inconnu, Wikipedia

Membre de l’Institut quantique, dont les efforts de recherche visent à faire émerger des technologies quantiques, André-Marie Tremblay explore des questions fondamentales sur les matériaux du futur, comme celles de leurs propriétés topologiques, mais aussi des questions plus appliquées. Par exemple, celle de la réfrigération exploitant le magnétisme des matériaux. Cette approche attire de plus en plus l’attention pour les systèmes de refroidissement, en raison d’un rendement grandement meilleur que celui des systèmes à compression utilisant des gaz, la plupart polluants. «Le meilleur matériau en ce moment, le gadolinium, est difficile à préparer et très dispendieux, fait valoir le professeur Tremblay. Nous tentons de mettre au point des matériaux alternatifs à l’aide de calculs sur ordinateur conjugués aux travaux expérimentaux de l'équipe du professeur Fournier.»

Au sujet de la Chaire de recherche en théorie des matériaux quantiques

Le professeur André-Marie Tremblay est titulaire de la Chaire de recherche en théorie des matériaux quantiques, une distinction créée grâce au Programme institutionnel de chaires de recherche pour les anciens titulaires de chaires de recherche du Canada de niveau 1.

L’Université de Sherbrooke a mis en place ce programme pilote en 2015, avec l’objectif de reconnaître les titulaires de chaire de recherche du Canada de niveau 1 qui, s’illustrant déjà par leur excellence scientifique, ont eu de surcroît un impact structurant exceptionnel dans leur département et leur faculté d’accueil. Le Programme institutionnel leur offre un soutien financier de 30 000 $ annuellement pendant cinq ans, non renouvelable.

André-Marie Tremblay en quelques distinctions

Nommé Fellow et Outstanding Referee de l’American Physical Society, 2015. 

Médaille pour contributions exceptionnelles à la physique, Association canadienne des physiciens et physiciennes, 2014.

Membre de la Société royale du Canada, 2004.

Prix Urgel-Archambault, 2003.

Prix du Centre de Recherches Mathématiques, Association canadienne des physiciens et physiciennes, 2001.

Médaille Herzberg, Association canadienne des physiciens et physiciennes, 1986.


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