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Formation en gérontologie

Judith Arsenault, infirmière de l’aurore au crépuscule

En décembre 2019, Judith (à droite) collabore avec Marie-Christine (à gauche), infirmière clinicienne, et Géraldine (au centre), agente administrative, pour informatiser les dossiers en soutien en domicile.
En décembre 2019, Judith (à droite) collabore avec Marie-Christine (à gauche), infirmière clinicienne, et Géraldine (au centre), agente administrative, pour informatiser les dossiers en soutien en domicile.

Photo : fournie

Originaire  des Îles de la Madeleine, Judith Arsenault voulait être infirmière en pédiatrie d’aussi loin qu’elle se souvienne. Et elle l’a été, pendant 7 ans. Maintenant, elle relève un défi d’un tout autre ordre : travailler en gérontologie.

Milieu des années 1980. Diagnostiquée avec un diabète de type 1, la jeune Judith passe 2 semaines dans un hôpital madelinot et quelques autres au CHU Sainte-Justine. « À l’époque, le diabète de type 1, c’était gros », se rappelle celle dont la grand-mère paternelle, elle aussi infirmière, l’a « toujours impressionnée ».

« J’ai encore des images très précises des gens qui se sont occupés de moi, même après tout ce temps », raconte-t-elle avec une grande tendresse dans la voix.

Je voyais de la profession tout le positif que les infirmières et infirmiers m’ont apporté, comme petite fille. C’est ce que je voulais apporter aussi.

Judith Arsenault

La pédiatrie attire tellement Judith qu’elle se déracine des Îles et de son monde pour poursuivre ses études. « Mes amies se dirigeaient vers Québec pour leur technique. Moi, je suis partie à Gatineau. L’Université du Québec en Outaouais m’acceptait au baccalauréat en sciences infirmières sur la base de mon DEC en sciences humaines. »

Je partais d’une extrémité du Québec pour aller totalement à l’autre. C’était beaucoup d’ennui, d’autant plus que mon père a été très malade pendant mes 3 années universitaires.

Infirmière au CHU Sainte-Justine de 2003 à 2010, Judith s'est liée d'amitié avec ses collègues, comme Marie-Pierre qui pose ici avec elle, autant qu'avec certains familles qu'elle a croisées. C'est le cas de celle de Maude, la patiente sur cette photo.
Infirmière au CHU Sainte-Justine de 2003 à 2010, Judith s'est liée d'amitié avec ses collègues, comme Marie-Pierre qui pose ici avec elle, autant qu'avec certains familles qu'elle a croisées. C'est le cas de celle de Maude, la patiente sur cette photo.

Photo : fournie

En 2003, les moments charnières s’enchaînent. Judith termine son baccalauréat. Elle perd son père. Elle réalise son rêve : elle est engagée au CHU Sainte-Justine. « J’ai occupé différents postes. À la fin, j’étais coordonnatrice d’activités cliniques. » La fin, c’est en 2010.

En 2010, l’appel des Îles, de la famille, résonne trop fort.

À l’aube d’une nouvelle vie… en gérontologie

Judith est engagée à l’Hôpital de l’Archipel, le seul hôpital des Îles de la Madeleine, à Cap-aux-Meules.

Entre Sainte-Justine et l’Archipel, le choc. De taille, d’abord.

Aux Îles, il y a aux alentours de six cents employées et employés. Au CHU, c’est environ cinq ou six mille. Ce n’est pas la même dynamique du tout.

Mais même la charge diffère. « La pédiatrie n’existe pas vraiment, aux Îles : les cas complexes sont transférés. » L’obstétrique aussi prend une forme différente : « Aux Îles, nous supervisons les grossesses à terme. À Sainte-Justine, j’étais habituée aux grossesses à risque… »

Alors que Judith est sur place depuis moins d’un an, un poste de gestion en soutien à domicile s’ouvre.

La gériatrie, c’est loin de la pédiatrie… à tous les niveaux. Et je partais de loin, très loin.

« Je ne connaissais la clientèle gérontologique que par mes stages et ces quelques mois aux Îles! » se souvient-elle. Elle décroche tout de même le poste. Développer un solide sentiment de compétence lui prendra presque 2 ans.

Comprendre les trajectoires de soins, dans l’optique de maintenir la personne le plus longtemps possible à domicile, finalement, c’est quelque chose que j’adore.

En 2010, l'appel des Îles résonne trop fort : Judith rentre à la maison.
En 2010, l'appel des Îles résonne trop fort : Judith rentre à la maison.

Photo : fournie

Pendant 5 ans, Judith étend ses connaissances et cultive le climat de travail dans son équipe. Avec 2014 arrive une grossesse. « Entre mon diabète et mon congé de maternité, ma pause de travail a duré presque 2 ans. Après les grosses semaines à l’hôpital, ça donne un peu l’impression de se tourner les pouces… »

Ressurgit l’envie d’un retour aux études, qui l’accompagnait depuis longtemps. Certes, elle avait vu la force du lien entre la personne enseignante et son groupe, lors d’expériences comme chargée de cours au Collège de Maisonneuve. Mais ce n’était pas là toute la raison. Pourquoi, alors? « Le soutien à domicile repose sur une équipe interdisciplinaire. Je me sentais capable de collaborer à fond avec les infirmières et infirmiers, mais… », explique-t-elle.

Je voulais pousser plus loin ma relation avec les membres de mon équipe en travail social, en ergothérapie, en physiothérapie ou en éducation spécialisée!

À l’aide de liens, aller plus loin

Après avoir épluché les offres de formation possibles, elle s’inscrit à la Faculté des lettres et sciences humaines, au microprogramme de 2e cycle en intervention en gérontologie. Elle suivra aussi le microprogramme en soutien-conseil, toujours en gérontologie. L’accessibilité – de l’information d’abord mais aussi des gens – la séduit.

J’avais vite trouvé l’horaire des cours et leur descriptif. J’ai aussi envoyé un message, et le retour avait été très rapide.

Cette accessibilité, elle la retrouve rapidement dans les cours, qu’elle suit pourtant à distance.

J’ai été… touchée, à la limite, de voir comment le personnel enseignant se préoccupent de ce que tout le monde suive bien et soit à l’aise avec la matière.

Et Judith réalise bien l’ampleur de ce défi : ses collègues de classe ont des expériences professionnelles et personnelles variées.

Le corps enseignant respecte la personnalité et la réalité de chaque individu. C’est quand même particulier, des gens capables de mettre à l’aise autant de personnes à distance… et autant de personnes différentes!

Mais le corps enseignant n’est pas seul à avoir marqué Judith, qui témoigne sa profonde gratitude envers Mylène Salles, coordonnatrice académique des programmes de gérontologie.

Mylène apprend visiblement à connaître ses étudiantes et étudiants. Elle trouvait toujours une façon pour me motiver, une façon sincère.

Au début 2015, Judith accueille sa fille, Flavie. L'arrêt de travail lié à sa grossesse aura été déterminant dans sa décision de retourner aux études.
Au début 2015, Judith accueille sa fille, Flavie. L'arrêt de travail lié à sa grossesse aura été déterminant dans sa décision de retourner aux études.

Photo : fournie

Même à distance, Judith Arsenault a forgé des liens avec plusieurs étudiantes et étudiants issus de tous les domaines. Elle partage encore avec eux des recherches, de la documentation, des pratiques…

Aux Îles, on est loin. On est à 5 h de la terre ferme. Établir des liens comme ça, c’est précieux.

Judith est maintenant adjointe à la direction des soins infirmiers – programmes Santé physique et Soutien à l’autonomie des personnes âgées. Elle juge avoir atteint, voire dépassé l’objectif initial de son retour aux études, même si elle considère que le système de santé et des services sociaux sous-estime grandement les formations en gérontologie.

C’est vraiment un champ d’expertise qui touche mon quotidien. Dès les premiers cours, je mettais facilement tous les sujets abordés en contexte dans une situation au quotidien, une problématique vécue…

Elle a aussi (re)découvert plusieurs facettes d’elle-même, dont son intérêt pour les questions éthiques. Elle a ainsi demandé à participer au comité éthique de son établissement, entre autres pour la priorisation des soins liés à la COVID-19.

C’est quelque chose que je n’aurais pas osé sans les microprogrammes. L’éthique m’a toujours intéressée, mais les cours m’ont donné les connaissances pour me pousser vers l’avant.

En devenant infirmière, Judith voulait rendre le positif qu’elle avait reçu, enfant. Qu’elle décide d’aller encore plus loin, en s’outillant pour y parvenir, est décidément rassurant.


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