Entrevue avec François Courcy, formateur
Conflit interpersonnel, violence ou harcèlement au travail : comment prévenir et gérer de telles situations ?
Malheureusement trop souvent les organisations sont aux prises avec des situations de conflit interpersonnel, de violence ou de harcèlement au travail. Selon de récentes statistiques de la CSST, l'évolution des lésions physiques et psychiques attribuables à la violence en milieu de travail est en hausse. Bien que certains milieux soient plus propices à cette problématique, ce phénomène peut toucher tous les environnements de travail. La prévention demeure la meilleure approche pour s’assurer d’un climat de travail sain, propice au maintien de relations harmonieuses.
Selon la Loi sur les normes du travail, cinq conditions doivent être réunies pour conclure à la présence de harcèlement psychologique : une conduite vexatoire, des paroles, des gestes ou des comportements hostiles ou non désirés, le caractère répétitif des actions, l’atteinte à la dignité ou à l’intégrité de la personne, enfin, un milieu de travail devenu néfaste pour un salarié. La violence et le harcèlement peuvent prendre diverses formes : fausses rumeurs et allégations, vulgarité, injures, mauvais coups, vandalisme, bousculade, vol, agression physique ou psychologique, excès de colère injustifiés, etc. L’intimidation, la discrimination, l’abus de pouvoir sont des formes de violence psychologique plus subtiles et souvent difficiles à reconnaître.
Heureusement, des mesures pour prévenir et gérer efficacement les situations de violence et de harcèlement peuvent être prises. Selon François Courcy, professeur titulaire au Département de psychologie de l’Université de Sherbrooke, l’engagement de la direction et des employés constitue une condition essentielle au succès de la lutte contre les agressions en milieu de travail. « La première étape de cet engagement est d’établir un programme de prévention en milieu de travail visant à reconnaître les situations à risque, à prévenir leur détérioration et, le cas échéant, à gérer l’intervention à la suite de l’incident. Un tel programme s’appuiera sur une politique écrite précisant les comportements inacceptables en milieu de travail. »
Monsieur Courcy est également psychologue et conseiller en ressources humaines agréé. Depuis plus de 15 ans, il poursuit ses travaux de recherche sur le rôle des organisations dans la promotion de la santé psychologique de leurs membres ainsi que sur la violence et le harcèlement au travail.
Parmi les recommandations formulées par monsieur Courcy, on retrouve notamment l’importance d’être attentif aux signes précurseurs d’une situation de conflit. « Il peut s’agir d’incompatibilité de personnalités, de méthodes de travail, de valeurs, etc. Les indices d’un climat propice à l'éclatement de conflits sont nombreux », souligne-t-il.
Mais en dépit des efforts de prévention, que faire lorsque survient une situation de violence et de harcèlement au sein de son organisation ? Monsieur Courcy souligne l’importance pour le gestionnaire de savoir analyser avec précision une situation conflictuelle avant d’intervenir. S’agit-il d’un conflit interpersonnel, intragroupe, intergroupe ?
« Et une fois en situation de gestion du conflit, le défi est de savoir s’affirmer de façon à ne pas accentuer le problème. Il existe des habilités que l’on peut développer pour désamorcer un conflit ou réussir à s’en sortir. Pendant la formation que je donne au Centre universitaire de formation continue, j’insiste sur les différentes techniques de communication et des mises en situation afin que les participants développent leurs habilités à travailler avec des personnalités difficiles ou des personnalités agressives, autant pour le gestionnaire que le coéquipier. »
Monsieur Courcy conclut que les actions ne doivent pas s’en tenir qu’à la résolution du conflit. « Une fois la situation de conflit prise en main, il faut s’assurer de bien rétablir le climat de travail. Il faut apprendre comment reconstruire les ponts. Comme gestionnaire, on peut offrir du support et un accompagnement aux personnes concernées, et comme coéquipier, on doit reprendre un dialogue constructif avec l’autre pour rétablir une relation de travail efficace ».
Banaliser la situation, dire aux employés de régler la situation entre eux, ne prendre en considération qu’une seule version des faits ou trop attendre avant d’agir sont des erreurs très fréquentes qui sont malheureusement lourdes de conséquences. Les gestionnaires et les coéquipiers d’équipes de travail doivent reconnaitre l’importance de prévenir l’escalade ou la hausse des agressions en milieu de travail et prendre les moyens raisonnables nécessaires pour y faire face.